Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
M

Mánes (les)

Peintres tchèques.

 
Antonin (Prague  1784  – id.  1843). Il se forma, de 1806 à 1817, à l'Académie de Prague, sous la direction de Karel Postel, dont l'enseignement était fondé sur l'étude du paysage classique de Poussin et de Lorrain, enrichi de l'héritage des paysagistes néerlandais (Paysage avec belvédère, 1816, Prague, Národní Galerie). Un idéalisme prononcé, allié au souci du détail réaliste, est présent dans toute son œuvre, qui évolue du Classicisme vers un Réalisme allusif pour aboutir à une vision pleinement romantique du paysage, proche de celle de Friedrich (Paysage à la ruine romane, 1826, musée de Prague ; Clair de lune en montagne, 1837, id.). L'atmosphère du Romantisme tchèque transparaît dans les Esquisses des monts des Géants (1830), qui évoquent l'œuvre du poète K. H. Mácha. Ce ralliement à la vision romantique de la nature va de pair avec une facture nouvelle, fragmentée, qui annonce la peinture de la fin du siècle (la Vallée de Saint-Ivan, 1841, id.). Antonin Mánes est le fondateur du paysage tchèque moderne.

 
Josef (Prague 1820 – id. 1871). Fils d'Antonin, peintre et dessinateur, il est une figure marquante de l'art tchèque dans la période du réveil de la conscience nationale, dont il a grandement contribué à modeler le visage spirituel. En 1835, il s'inscrit à l'Académie de Prague, où il est d'abord l'élève de son père, puis celui de F. Tkadlik. En 1844, rebuté par l'enseignement conventionnel de C. Ruben, qui a envahi l'Académie, il part pour Munich. En 1848, il participe, au sein de l'Association des artistes, aux évènements révolutionnaires de Prague. L'œuvre de Josef Mánes présente un double aspect : d'une part, l'artiste s'intéresse au folklore (études de costumes, de l'art populaire), à l'histoire du peuple tchèque (illustrations pour le texte du manuscrit de Král̇v Dv̇r, 1860) ; d'autre part, il adhère au courant du " second Rococo " de la moitié du XIXe s. (nus, portraits érotiques, tel celui de Joséphine, 1857, musée de Prague), forme d'art qui touche avant tout les milieux aristocratiques. Sa production est très variée : peinture d'histoire (Rencontre de Pétrarque et Laure, 1845, Prague, Národní Galerie, Allégories des Mois de l'année de l'horloge du vieil hôtel de ville de Prague (1866), dessins (fleurs, natures mortes, aquarelles), paysages (2 Paysages du Labe, après 1865), autant d'œuvres où se fondent en une harmonieuse synthèse l'idéalisme de la Renaissance, le réalisme du Romantisme et le coloris du " second Rococo ".

 
Quido (Prague 1828 – id. 1880). Frère de Josef, il étudia entre 1838 et 1851 à l'Académie de Prague. Il se soumit, lui, à l'enseignement qui y était dispensé. Il se spécialisa dans la peinture de genre, scènes de la vie militaire, tableaux idylliques dans le style " second Rococo ", marqués parfois d'exotisme (l'Empereur de Chine composant un éloge du thé, 1858, musée de Prague ; le Vieux Garçon, 1860, id.). La fraîcheur de ces morceaux brillants s'allie, dès 1870, à la conception plus conventionnelle et plus sobre du réalisme cosmopolite auquel l'artiste adhéra lors d'un séjour en Allemagne (Exercices spirituels, 1870, id.).

Manessier (Alfred)

Peintre français (Saint-Ouen, Somme, 1911  – Orléans 1993).

Il s'inscrit à l'École des beaux-arts d'Amiens et, en 1929, vient à Paris, où il entre dans la section " architecture " de l'École des beaux-arts. Au Louvre, où il copie les maîtres (Rembrandt, Tintoret, Delacroix), il fait la connaissance de Le Moal. Dès 1933, il expose au Salon des indépendants. Il rencontre Bissière à l'Académie Ranson (1935) et reçoit les conseils de ce dernier, autour duquel se groupent quelques élèves (Le Moal, Bertholle, le sculpteur Étienne-Martin). Il peint alors des compositions figuratives très colorées (Dieux marins, 1935 ; le Robot magicien, 1937). Il collabore au pavillon de l'Air et des Chemins de fer lors de l'Exposition universelle de Paris en 1937. Avec Le Moal, Bertholle, Stahly, Étienne-Martin, il participe à l'exposition Témoignage à la gal. Matières, ouverte par P. Breteau (1938), et débute l'année suivante au deuxième Salon des jeunes artistes.

   En 1941, Manessier expose les Lunatiques à la gal. Braun, dans le cadre de l'exposition Vingt Peintres de tradition française, aux côtés notamment de Bazaine, Lapicque, Singier. En 1943, à l'occasion d'un séjour à la trappe de Soligny, il découvre la foi, qui marquera par la suite sa vie et son œuvre de peintre religieux, à laquelle il donnera une expression abstraite. Outre des vitraux pour l'église des Bréseux (Doubs), il exécute en 1949 un carton de tapisserie pour l'Oratoire des Dominicains du Saulchoir (auj. au Couvent des Dominicains de Lille) sur le thème du Christ à la colonne et expose des lithographies sur le thème de Pâques à la gal. Jeanne Bucher. Il réalise aussi des vitraux pour l'église de Tous-les-Saints à Bâle et celle de Saint-Pierre de Trinquetaille, en Arles (1952). Aux côtés de l'architecte Bauer, il travaille au vitrail de la chapelle de Hem (Nord) en 1957, pour laquelle il dessine aussi les ornements sacerdotaux. Il devient alors un des peintres français les plus qualifiés dans le domaine du vitrail, qui représente une grande part de son activité (vitraux de la cathédrale Saint-Nicolas à Fribourg, Suisse, en 1980-1981).

   Dès 1943, sa peinture s'écarte délibérément de la Figuration ou ne demeure figurative que par un symbolisme religieux formellement repérable : croix, épines, cercles, dont le graphisme aigu se détache sur des fonds modulés par la lumière (la Couronne d'épines, 1950, Paris, M. N. A. M.). Les épais cernes noirs qui apparaissent bientôt se résorbent finalement dans un espace morcelé à la manière d'une mosaïque ou d'un vitrail. Le clair-obscur constamment associé à la couleur dans ses toiles est le reflet du combat spirituel de l'homme, et, dans les nombreuses évocations de paysages exécutées depuis 1960, les zones d'ombre sont investies à leurs lisières de toutes les séductions des demi-teintes.

   Manessier a exposé en décembre 1971 au M. A. M. de la Ville de Paris une suite de 12 tapisseries sur le thème du Cantique spirituel de saint Jean de la Croix. Les années 1972-73 se signalent par de grandes aquarelles (Passion espagnole, suite, 1973). Pour la mère d'un condamné à mort (1975), Hommage à Dom Helder Camarra (1979) traduisent son intérêt pour ceux qui souffrent et luttent. Ses œuvres du début des années 80 sont inspirées par les paysages de la côte picarde (Marais et hortillonnage, lavis des Sables, 1981). Manessier a conçu de nouveau des vitraux (Abbeville, église du Saint-Sépulcre, 1993).

   L'artiste est représenté dans les musées français (Paris, M. N. A. M. ; Dijon) et étrangers (Berlin, Brême, Hambourg, Bâle, Cologne, Düsseldorf, Essen) ainsi que dans des coll. part. Une rétrospective lui a été consacrée (Paris, Grand Palais) en 1992-1993.