Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Honfleur (école de)

On peut considérer que l'école de Honfleur (port de la Manche) eut pour premier représentant Auguste-Xavier Leprince, qui envoya au Salon de 1824 un Embarquement de bestiaux à Honfleur sur le " Passager " (Louvre). À la même époque, ce sont les peintres romantiques qui découvrent la Normandie, et la " côte de Grâce " en particulier. Dès 1821, Bonington connaît l'estuaire de la Seine et, peu avant sa mort (1828), il revient en Normandie avec Paul Huet. Ce dernier, ainsi qu'Isabey, seront les premiers fidèles à cette partie du littoral (Huet : Grande marée d'équinoxe à Honfleur, 1838 ; version plus tardive au Louvre). Après son premier voyage en Italie, Corot se rend à Honfleur en 1829 ou 1830 ; il y exécute des vues du port et de la côte (New York, Metropolitan Museum). Boudin, surtout, devient par excellence le peintre de Honfleur ; il est d'ailleurs retenu davantage par l'étude du ciel, de la luminosité atmosphérique (Baudelaire l'appelait le " roi des ciels ") que par la mer elle-même, les marées basses monotonement grises (que remarquera Seurat) ou le pittoresque des vieux quartiers, et ce changement d'intérêt prélude à l'Impressionnisme. La ferme Saint-Siméon (bordant la route de Trouville, auj. hostellerie de luxe) est le rendez-vous des peintres, désormais séduits par le site. En 1850, Jongkind est amené par Isabey ; l'aquarelliste hollandais revient en 1860 et de 1862 à 1866. En 1858, Boudin travaille avec le jeune Monet ; 1859 est l'année des rencontres : Boudin, Baudelaire, Courbet sont à la ferme Saint-Siméon. Courbet exécute 4 toiles, dont Embouchure de la Seine du musée de Lille. Cals (fixé à Honfleur en 1870), Dubourg, Diaz, Daubigny, peut-être Hervier ont fréquenté Honfleur, auquel s'est attaché Lebourg après 1890. Seurat y passe l'été de 1886 (la Grève du Bas-Butin à Honfleur, musée de Tournai). Mais, à la fin du siècle, l'époque de la découverte est révolue, et Gauguin cherche en Bretagne un lieu de séjour moins fréquenté. Au début du siècle encore, les Havrais Dufy et Friesz, comme Marquet, que les ports ont tant sollicités, ont installé leur chevalet à Honfleur.

Honoré (Maître)

Peintre français (documenté de 1288 à 1296).

Le nom de ce célèbre enlumineur parisien est révélé par plusieurs textes : un Décret de Gratien, signé et daté de 1288 (bibl. de Tours, ms. 588), le registre de la Taille de 1292, des comptes royaux de 1296. On sait ainsi qu'il habitait à Paris, rue Boutebrie, qu'il avait des aides et travaillait pour le roi Philippe le Bel. Son atelier semble avoir produit un certain nombre d'ouvrages de style voisin, exécutés en collaboration, alors qu'on attribue à la main du maître lui-même certains morceaux de qualité supérieure, telles la page initiale du Décret de Gratien déjà cité, celle du Bréviaire de Philippe le Bel (Paris, B. N., lat. 1023) ou bien la décoration complète d'une Somme le Roy (Cambridge, Fitzwilliam Museum et British Museum). Le style d'Honoré s'inscrit dans la tradition parisienne : le raffinement des couleurs, le goût des lignes souples, l'élégance des attitudes, le mouvement et l'équilibre des scènes rappellent les œuvres les plus accomplies du milieu du siècle. Mais Honoré est aussi un novateur : il tente de modeler les corps et les plis par des contrastes d'éclairage et de faire sortir ses personnages de l'univers à deux dimensions. Parfois même, dans le souci de rendre plus correctement la vie, il situe la scène d'une manière précise et exprime les sentiments de ses héros (la Souffrance de Goliath blessé par David). Honoré influencera tout l'art parisien, du début du XIVe s. jusqu'à Pucelle.

Honthorst (Gerrit Van)

Peintre néerlandais (Utrecht 1590  – id.  1656).

Né dans une riche famille catholique, son père Gerrit (doyen de la gilde d'Utrecht en 1579) et son grand-père Herman sont tous les deux peintres. Il commence par être l'élève d'Abraham Bloemaert à Utrecht, puis arrive à Rome vers 1610, où il adhère totalement à l'esthétique nouvelle du Caravagisme. De puissants protecteurs, le cardinal Scipione Borghese, le grand-duc de Toscane et surtout le marquis Gustiniani chez qui il loge, lui font obtenir d'importantes commandes pour les églises de Rome. Rentré en 1620 à Utrecht, inscrit à la gilde des peintres en 1625, il connut un succès considérable. En 1627, Rubens lui rend visite, consacrant ainsi sa renommée. Il produit alors nombre de tableaux religieux et de scènes de genre, et aurait occupé jusqu'à 24 élèves. En 1628, il est invité par Charles Ier à la cour d'Angleterre, où il peint plusieurs portraits et un Mercure présentant les arts libéraux à Apollon et à Diane (Hampton Court). En 1635, il réalise de vastes compositions historiques pour Christian IV, roi de Danemark. En 1637, il est inscrit à la gilde de La Haye et devient le peintre favori de la cour du prince d'Orange. Il exécute des tableaux mythologiques pour les châteaux de Rijswijk et de Honselaersdijk, et décore en 1649-50 le célèbre Huis ten Bosch, tout en peignant aussi beaucoup de portraits. La participation de ses élèves est proportionnelle à ses nombreuses commandes.

   Avec Hendrick Ter Brugghen et Van Dirck Baburen, Honthorst est l'un des principaux introducteurs du style nouveau et de l'esthétique de Caravage à Utrecht et dans les Pays-Bas du Nord.

   Il fut surnommé en Italie " Gherardo della Notte " en raison de ses éclairages contrastés à la bougie : Christ devant le grand prêtre peint pour Vincenzo Giustiniani (v. 1617, Londres, N. G.) ; Décollation de saint Jean-Baptiste (1618, Rome, S. Maria della Scala), qui procèdent des raccourcis dramatiques et de l'expression réaliste de Caravage. L'éclairage à la bougie, simplifiant les plans et les masses du Christ enfant et saint Joseph (couvent S. Silvestro à Montecompatri et Ermitage) ou du Reniement de saint Pierre (musée de Rennes), présente des solutions analogues à celles que proposera Georges de La Tour en France. Mais, en définitive, dès son retour à Utrecht, Honthorst retint davantage la première manière, claire, de Caravage mais aussi celle de Manfredi ; son apport réside aussi dans l'introduction de la grande manière décorative italienne, qui lui est inspirée par l'étude des Carrache et qui tempère le clair-obscur et le réalisme sans outrance de son Adoration des bergers (1620, Offices). Dans ses scènes de genre, telles que la Joyeuse Compagnie (1620, Offices), les Musiciens au balcon (1622, Los Angeles, J. P. Getty Museum), vus en perspective plafonnante, le Concert (1624, Louvre), l'Entremetteuse (1625, musée d'Utrecht) ou l'Arracheur de dents (Louvre), il affectionne la disposition à mi-corps des figures, dont l'une, au premier plan, sert de repoussoir, tandis que le clair-obscur cerne beaucoup les formes, qui gardent leur vivacité colorée. L'humour, pris sur le vif, de ces scènes de genre constitue aussi une différence essentielle par rapport au Caravagisme. Les vastes compositions décoratives de la fin de la vie de Honthorst lui furent surtout suggérées par la leçon des Carrache, teintées toutefois de rubenisme. Cependant, il ne sut pas éviter le ton conventionnel dans l'Allégorie du roi et de la reine de Bohême (1636, Herrenhausen) ou celle du Mariage de Frédéric Hendrik avec Amalia Van Solms (1650, Oranjezaal, Huis ten Bosch). Ces grandes compositions représentent la part la plus inégale de son œuvre, ainsi que ses portraits, pour la plupart issus de l'atelier. Parmi ses élèves, il en est un de connu, Sandrart, l'historien de la peinture allemande.

 
Son frère Wilhem (Utrecht 1594 – id. 1666) , élève d'Abraham Bloemaert, fut son collaborateur et assimila parfaitement sa manière. Wilhem est certainement l'auteur de nombreux portraits, situés à la fin de la carrière de son frère. Il travailla à Utrecht et à La Haye et, de 1647 à 1664, à Berlin, à la cour du grand Électeur de Brandebourg. Il demeure surtout connu comme portraitiste de l'aristocratie. Nombre de ses œuvres furent signées G. Honthorst ou G. H. en monogramme — comme signait son frère — tel le Portrait de Guillaume II, prince d'Orange (Rijksmuseum), qui est une réplique de la version de Gerrit (Mauritshuis). Les musées d'Amsterdam, de Berlin et de Hanovre conservent de nombreux portraits princiers de Wilhem.