Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
B

Bastiani (Lazzaro)

Peintre italien (documenté en 1449  – Venise 1512).

À ses débuts, il subit l'influence de Bartolomeo Vivarini et de Crivelli. Durant cette période (1460-1470), il produit ses meilleures œuvres (Adoration des mages, New York, Frick Coll.), que personnalise son élégance minutieuse de miniaturiste. Tout d'abord, il assimile mal les conceptions nouvelles d'Antonello et de Giovanni Bellini ; les dessins et les études perspectives de Jacopo Bellini restent pour lui le modèle à suivre. Cependant, entre 1480 et 1490, à travers l'œuvre d'Alvise Vivarini, sa compréhension s'élargit. Après 1490, sa peinture acquiert un ton narratif grâce à l'influence de Carpaccio et surtout à celle de Gentile Bellini. L'Accademia de Venise conserve plusieurs de ses œuvres les plus importantes (Communion de saint Jérôme, Funérailles de saint Jérôme, l'Offrande de la relique de la Sainte Croix à la Confraternité de la Scuola di San Giovanni Evangelista, toutes ces œuvres étant peintes sur toile).

Bastien-Lepage (Jules)

Peintre français (Damvillers, Meuse, 1848  – Paris 1884).

Élève de Cabanel, mais ami de Zola et adepte de l'école naturaliste (Petit Cireur de bottes à Londres, 1882, Paris, musée des Arts décoratifs), il illustra la vie paysanne. Épigone de Millet et de Courbet, ses scènes de travaux champêtres, divulguées par le chromo (les Foins, 1877, Paris, Orsay), connurent de son vivant un tel succès qu'il eut de nombreux imitateurs dans le monde entier, de la Russie à l'Australie. Il fut également un portraitiste recherché par la société parisienne : Sarah Bernhardt (musée de Montpellier). L'hôtel de ville de Montmédy abrite un musée Bastien-Lepage (peintures et dessins).

Bateau-Lavoir (le)

Le Bateau-Lavoir était situé au flanc de la butte Montmartre, au numéro 13 de la rue Ravignan, sur une petite place triangulaire plantée d'arbres, devenue depuis la place Émile-Goudeau (du nom d'un chansonnier montmartrois). C'est Max Jacob, semble-t-il, qui l'avait ainsi baptisé, mais on l'appelait souvent aussi " la Maison du trappeur ". C'était une assez sordide masure, sans confort ni hygiène, qu'ont décrite de nombreux écrivains tels qu'André Salmon, Maurice Raynal, Francis Carco ou André Warnod. Son étrange distribution intérieure provenait de ce qu'il était construit sur une dénivellation de terrain. De ce fait, la plupart des ateliers donnaient sur l'arrière, et la maison ne présentait, sur la place où l'on accédait par quelques marches, qu'un unique rez-de-chaussée. La description faite par Fernande Olivier (Picasso et ses amis, Stock, Paris, 1933, p. 26) de l'atelier de Picasso donne une idée du décor général : " Un sommier sur quatre pieds dans un coin. Un petit poêle de fonte tout rouillé supportant une cuvette en terre jaune servait de toilette ; une serviette, un bout de savon étaient posés sur une table de bois blanc à côté. Dans un autre coin, une pauvre petite malle peinte en noir faisait un siège peu confortable. Une chaise de paille, des chevalets, des toiles de toutes dimensions, des tubes de couleurs éparpillés à terre, des pinceaux, des récipients à essence, une cuvette pour l'eau-forte, pas de rideaux. "

   En réalité, ce n'est pas le pittoresque du Bateau-Lavoir, mais le nombre et la qualité de ceux qui y résidèrent ou y vinrent régulièrement qui firent sa renommée. Picasso, qui reste sans conteste le plus célèbre occupant, y habita d'avril 1904 à l'automne de 1909. C'est là qu'il rencontra, en 1905, sa première compagne, Fernande Olivier, et qu'il exécuta les Demoiselles d'Avignon (1906-1907), comme la plupart de ses premières œuvres cubistes, et donna en 1908 un légendaire banquet en l'honneur du Douanier Rousseau. Juan Gris y habita également de 1906 à 1922, ainsi que Van Dongen, Herbin, Freundlich, Paco Durio, Gargallo, des écrivains tels qu'André Salmon, Max Jacob, Pierre Mac Orlan, Pierre Reverdy. Innombrables enfin furent ceux qui y vinrent plus ou moins régulièrement. Citons notamment : les peintres Braque, Derain, Vlaminck, Metzinger, Marcoussis, Marie Laurencin, Modigliani ; les sculpteurs Manolo, Agero, Laurens, Lipchitz ; des écrivains tels qu'Apollinaire, Alfred Jarry, Paul Fort, Francis Carco, Roland Dorgelès, Maurice Raynal, André Warnod, Maurice Cremnitz, Eugenio d'Ors ; des collectionneurs parmi lesquels Gertrude et Leo Stein, H. P. Roché, Franck Haviland ; des marchands aussi divers que Berthe Weill, le père Soulié, Clovis Sagot, Vollard, Wilhelm Uhde, Kahnweiler ; des acteurs comme Charles Dullin ou Harry Baur, bien d'autres encore qui eurent au moins leur heure de célébrité. Le Bateau-Lavoir a cessé dès la Première Guerre mondiale d'être un centre intellectuel et artistique. Les locaux, encore occupés par des artistes jusqu'en 1970, ont été en grande partie détruits par un incendie en mai 1970.

Batignolles (groupe des)

Nom donné aux impressionnistes de 1869 à 1875 env., à l'époque où ils fréquentaient le café Guerbois, 2, Grande-Rue-des-Batignolles (maintenant avenue de Clichy). Fantin-Latour y peignit, en 1870, l'Atelier des Batignolles (musée d'Orsay), où figurent Édouard Manet, Frédéric Bazille, Pierre-Auguste Renoir et Claude Monet.

Batoni (Pompeo)

Peintre italien (Lucques 1708  – Rome 1787).

Après avoir fréquenté les académies de dessin de Lucques, il s'établit à Rome en 1727 et s'orienta vers des peintres de descendance marattesque tels que Conca, Masucci et surtout Imperiali. Ce dernier, le plus classique de tous, le moins touché par le Rococo, fut son vrai maître et le mit dès cette époque en relation avec le milieu anglais.

   Batoni, durant ses années de jeunesse, de 1730 à 1740, effectua un retour aux sources du Classicisme ; il dessina d'après l'antique (dessins à Windsor, Eton College Library), copia Raphaël et les Carrache. Il produisit alors les œuvres les plus classiques de sa carrière : les tableaux d'autel de S. Gregorio al Celio (v. 1732-1733), avec la Vierge avec quatre bienheureux, sa première œuvre importante, et de SS. Celso e Giuliano (1738) ; le Christ en gloire avec des saints ; Saint Philippe Neri adorant la Vierge (v. 1733-1738, Rome, anc. coll. Incisa della Rocchetta) ; La Vierge, l'Enfant et saint Jean Népomucène (Brescia, S. Maria della Pace). Ce classicisme va parfois jusqu'au purisme d'un Dominiquin ou d'un Sassoferrato (Visitation, Rome, coll. Pallavicini). Batoni s'exprima également dans le domaine du paysage, animant de figures les vues de Jan Frans Bloemen, dit l'Orizzonte.

   À partir de 1740, Batoni s'éloigne de ce rigorisme appliqué et de la stricte observance des modes bolonaises. Son revirement est marqué d'abord par un chef-d'œuvre, la Chute dbe Simon, le Magicien, tableau d'autel commandé par le pape Benoìt XIV pour Saint-Pierre, puis installé à S. Maria degli Angeli, œuvre dramatique, presque romantique ; il se voit également dans les tableaux allégoriques (Le temps détruit la beauté, 1746, Londres, N. G.) et mythologiques : Achille et Chiron (Offices) ; Achille à la cour de Lycomède (v. 1746, id.) ; Hercule à la croisée des chemins (v. 1743, Pitti) et Hercule enfant (id.) ; Fuite de Troie (v. 1750, Turin, Gal. Sabauda) ; Hercule à la croisée des chemins (id.). Batoni se réconcilie ainsi avec la richesse sensuelle du Baroque. À cette tendance participe l'importance croissante que prend dans son activité le portrait. Grâce au succès de ses portraits du Duc et de la Duchesse de Wurtemberg (1753-1754, Stuttgart, Württembergische Landesbibliothek), Batoni devient le portraitiste européen le plus en vogue au milieu du XVIIIe s. Cette renommée s'étendit à son activité de peintre d'histoire ; non seulement il représenta Joseph II avec son frère Pierre-Léopold (1769, Vienne, K. M.), mais il envoya des tableaux à sujets mythologiques à l'étranger : par exemple en France (Mort de Marc Antoine, 1763, musée de Brest), à Frédéric le Grand (Alexandre et la famille de Darius, 1775, Potsdam, Sans-Souci), à la Grande Catherine, au Portugal (7 tableaux d'autel pour la basilique du Sacré-Cœur d'Estrela (Lisbonne, 1731-1734). Il peignit en 1757, Benoît XIV présentant l'encyclique Ex Omnibus au comte de Choiseul (Minneapolis, Inst. of Arts), un de ses chefs-d'œuvre. Avant tout, il fut le portraitiste des Anglais du " grand tour ". Parti de la mode française du portrait allégorique propre à lui plaire (la Marquise Merenda en Flore, 1740, Forlí, coll. Merenda ; Dame de la famille Milltown en bergère, 1751, Londres, coll. Mahon ; Isabelle Potocka en Melpomène, Cracovie, musée Czartoryski ; Alessandra Potocka en Polymnie, musée de Varsovie), ayant connu sans doute les débuts du portrait anglais à travers Angelica Kauffman, il créa un type de portrait répondant aux désirs de ses clients britanniques : la représentation du personnage sur un fond de ruines, de campagne romaine ou à côté d'une statue antique. On ne connaît pas moins de 70 portraits, exécutés depuis 1744, d'Anglais du " grand tour " (Henry Peirse, 1755, Rome, G. N. d'Arte Antica ; Un gentilhomme, v. 1760, Metropolitan Museum ; Charles John Crowle, v. 1761-62, Louvre). Avec les années, surtout à partir de 1760, les portraits de Batoni deviennent plus naturels ; toute mise en scène a disparu et le personnage apparaît à mi-corps, le plus souvent, saisi dans sa spontanéité (Mons. Onorato Caetani, 1782, Rome, fondation Caetani ; le Prince Giustiniani, 1785, Rome, coll. Busiri-Vici).

   L'art de Batoni, intermédiaire entre la tradition du Classicisme romain et le Néo-Classicisme naissant, eut une influence importante sur David.