Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Fontainebleau (école de) (suite)

La gravure

Un atelier graphique a existé à Fontainebleau entre 1542 et 1548 env., ce qui est attesté par un certain nombre de gravures à l'eau-forte, dont certaines sont dues à des artistes mentionnés sur le chantier de Fontainebleau, comme Antonio Fantuzzi. Les auteurs gravés sont essentiellement Rosso, Primatice et Luca Penni, ainsi que les maîtres qui les inspirèrent, comme Giulio Romano et Parmesan. Le choix des thèmes de ces gravures, qui fait revivre les grands décors de Fontainebleau (en particulier la Galerie François-Ier ), semble obéir à une volonté délibérée d'en conserver les motifs et a, en tout cas, grandement contribué à leur diffusion internationale. Parmi les graveurs, outre l'anonyme Maître I. V., Fantuzzi est surtout l'interprète de Rosso, le Maître L. D. celui de Primatice, Jean Mignon celui de Luca Penni. Ces maîtres sont essentiellement des graveurs de reproduction. Geoffroy Dumoustier, le supposé Juste de Juste, graveurs originaux, qui transcrivent leurs propres inventions, justifient eux aussi, par leur dépendance stylistique et iconographique à l'égard des créations bellifontaines, la notion d'une " école de Fontainebleau ", qui se dégage mieux des gravures que des peintures, moins connues, et dont l'attribution pose presque toujours de délicats problèmes. Ainsi s'explique que l'appellation d'" école de Fontainebleau " se soit d'abord appliquée à la gravure.

Historique du terme

L'expression " école de Fontainebleau " fut en effet employée pour la première fois par Bartsch dans le tome XVI de son répertoire monumental de la gravure à propos d'un groupe d'estampes exclusivement italiennes, la plupart anonymes, généralement gravées à l'eau-forte. Elle fut ensuite adoptée par les différents historiens de la gravure, qui entreprirent d'en délimiter le domaine, y faisant entrer justement, d'une part, des graveurs français jusqu'ici exclus, et des burinistes (Milan, Boyvin, Domenico del Barbiere) ainsi que (d'une façon qui, à certains égards, a été et peut être contestée) des graveurs travaillant d'après les maîtres de Fontainebleau, comme Delaune, Galle, Bonasone ou Ghisi.

   C'est à l'exemple des historiens de la gravure que ceux de la peinture ont employé, à partir de la fin du XIXe s., l'expression d'" école de Fontainebleau ", qui n'apparaît pratiquement pas chez les historiens anciens, encore que la notion en soit très claire, par exemple chez Félibien. Les confusions qui s'établirent très tôt entre Rosso et Primatice, entre Primatice et Nicolò impliquent d'ailleurs bien l'idée d'un style commun et d'une inspiration analogue. L'influence de ces maîtres est également soulignée par le fait que la diffusion de leurs motifs en France a été telle que l'on a tendance à attribuer à l'école de Fontainebleau presque tout l'art français au XVIe s., et notamment l'œuvre des Cousin. Les querelles nationalistes sur les origines de l'art français, typiques d'un grand nombre d'historiens du XIXe s. jusqu'à Louis Dimier, qui fut l'un des premiers à situer la question sur son véritable terrain, ont naturellement grandement contribué à l'obscurcir. Aujourd'hui, si l'évidence historique de l'école de Fontainebleau et son importance ne sont plus contestées, il subsiste encore de nombreux problèmes, qui se posent non seulement à propos d'artistes mal connus et d'œuvres souvent disparues, mais encore à propos même de la délimitation du domaine de l'école. Les travaux récents montrent aussi que les considérations que l'on peut faire sur cette question sont indissociables d'une appréciation stylistique.

La première école de Fontainebleau

Première période (jusqu'en 1540)

Elle est dominée par Rosso, qui impose un nouveau style décoratif : son " manifeste ", heureusement conservé, est la Galerie François-Ier (1534-1537). Celle-ci présente une conception novatrice de l'ornement, car des rapports nouveaux s'y établissent d'une part entre les figures et l'ornement proprement dit, dont l'un des éléments, le " cuir " (ainsi nommé parce que ses enroulements ressemblent à ceux d'une bande de cuir), est utilisé avec prédilection, et, d'autre part, entre l'encadrement (inquadratura) et les sujets (storie). Ces effets sont obtenus par un mélange très étudié de techniques diverses (fresque et peintures alliées aux stucs en haut et en bas relief) et une animation constante des compositions, dont les motifs sont variés presque à l'infini selon des arrangements volontiers asymétriques. Ainsi, l'aspect expressif du décor domine selon une ordonnance profondément originale accordée à un programme iconographique d'une grande subtilité. L'influence prédominante de Rosso marque alors la plupart des artistes (Geoffroy Dumoustier).

Deuxième période

La mort subite de Rosso (1540), l'avènement de Primatice à la direction des travaux, le rôle joué par la gravure, la mort de François Ier (1547), les difficultés financières que traverse la France vont modifier sensiblement la physionomie de l'école. Primatice, qui s'est détaché de Rosso, grâce surtout à ses voyages en Italie (1540-1543) et à ses contacts avec l'antique, arrive au faîte de sa réputation vers 1545 : il a déjà donné la mesure de son originalité raffinée dans la Chambre de la duchesse d'Étampes et, dès 1540, commencé sa grande œuvre perdue, la Galerie d'Ulysse. Cependant, il ne sait ou ne peut retenir près de lui les anciens collaborateurs de Rosso : Bagnacavallo regagne l'Italie v. 1546, comme Caccianemici et Fantuzzi ; Miniato se suicide en 1548 ; le Flamand Thiry part pour Anvers en 1550 ; Luca Penni se fixe à Paris, comme Rochetel et Caron. Cet exode a une double conséquence : il contribue à la diffusion de l'art bellifontain à l'étranger, mais aussi dans la capitale, où son emprise sera d'autant plus sensible qu'elle est habilement exploitée par une école de remarquables burinistes. Ceux-ci gravent d'après Primatice et Luca Penni, tout en continuant de reproduire les créations de Rosso. Paris est donc, à cette époque, un centre actif, fortement influencé par Fontainebleau, mais qui va toutefois évoluer dans son propre sens. Cependant, à Fontainebleau même, l'art décoratif, loin de s'éteindre, atteint quelques-unes de ses plus brillantes réussites grâce au génie de Primatice et à son équipe renouvelée, où il a su faire entrer un collaborateur de classe, Nicolò Dell'Abate.

Troisième période

La Salle de Bal (1552-1556) est le premier chef-d'œuvre de leur fructueuse collaboration : la peinture, surtout, y est à l'honneur, parti qui tranche sur les dispositions antérieures et auquel Primatice sera encore fidèle dans la Galerie d'Ulysse. Cette période, particulièrement riche et active, où l'on voit le style bellifontain s'étendre à toutes les branches de l'activité artistique (tapisseries, décors de fêtes) et marquer de son empreinte tous les thèmes, dure jusqu'à la mort de Primatice (1570) et de Nicolò (1571). Le style bellifontain offre alors des caractéristiques qui, sans être particulièrement originales (car elles se retrouvent toutes dans d'autres écoles), permettent de le définir ; primauté du dessin, clarté de la palette, complexité des sujets, surtout mythologiques et souvent fort voluptueux, allongement des figures élégantes et volontiers maniérées, recherche de l'ornement et prédilection pour le nu et le paysage. Sous l'influence prépondérante de Primatice, ce style tend vers la grâce, aux dépens de la force (Maître de Flore). Il va marquer tout l'art français, et les deux Cousin n'y échapperont pas : d'intéressants témoignages de cette emprise subsistent encore à Écouen, à Ancy-le-Franc, pour ne citer que les ensembles les plus célèbres.

Quatrième période

Cette époque transitoire est très mal connue : les anciens collaborateurs de Primatice (comme Ruggiero de Ruggieri ou de Nicolò (comme son fils Giulio Camillo Dell'Abate) occupent les premiers rangs, mais leurs œuvres sont perdues (pavillon des Poesles). Les grands travaux, arrêtés par suite des troubles politiques, vont reprendre sous d'Henri IV.

La seconde école de Fontainebleau

La notion d'une seconde école remonte à Dimier, qui, le premier, a su étudier les créations de cette période et les distinguer de la précédente. Avec Henri IV, l'activité artistique renaît en effet à Fontainebleau. Le titre de " seconde école de Fontainebleau ", sous lequel on rassemble les artistes, est justifié par le fait qu'ils furent formés par l'exemple des grands décorateurs du château, dont ils étaient, souvent, les élèves ou les collaborateurs. S'il est exact qu'ils exerçaient aussi leur talent hors de Fontainebleau (en particulier à Paris : décor du Louvre, des Tuileries), ils ne firent en cela que suivre la tradition créée par leurs devanciers.

   Nous sommes mal renseignés sur les peintres de cette école, dont les œuvres, mal ou rarement conservées, ont été négligées à tort : certains d'entre eux sont d'origine flamande, et, d'une façon générale, l'influence nordique, explicable par les circonstances politiques, est alors fort importante. Ce fait ainsi que l'apparition de nouveaux thèmes (cycles romanesques tirés du Tasse ou de romans grecs), une couleur plus chaude et plus contrastée les distinguent des maîtres de la première école. Ils se groupent essentiellement autour de T. Dubreuil — prématurément disparu (1602), dont on ne connaît plus guère la manière qu'à travers les dessins du Flamand Ambroise Dubois, et auteur du riche et agréable décor du Salon Louis-XIII (Histoire de Théagène et de Chariclée) — et de Martin Fréminet, artiste singulier mais attachant, dont Fontainebleau conserve encore intacte l'étonnante chapelle de la Trinité. Autour d'eux, nous distinguons mal les personnalités des collaborateurs de Dubreuil, Jacob Bunel et Guillaume Dumée, ou du collaborateur de Dubois, Maugras, les différents artistes de la dynastie des Dhoey, le Flamand Josse de Voltigeant ou François Millereau. L'art de ces peintres a joué un rôle de transition non négligeable avec l'art parisien du début du XVIIe s. : on peut y déceler les prémices du Classicisme autant que celles du Baroque.