Heemskerck (Jacoba Van)
Peintre néerlandais (La Haye 1876 – Domburg 1923).
Fille de peintre, élève de l'Académie de La Haye, elle fréquenta un moment à Paris l'atelier de Carrière (v. 1904). Elle travailla surtout à Domburg (île de Walcheren), où Mondrian l'initia au Cubisme, dont elle fut en Hollande l'un des principaux représentants, s'exprimant dans un style large, aux simplifications hardies (Arbre, 1913), et adoptant souvent la méthode analytique dont le maître avait donné l'exemple dans sa fameuse suite des " Arbres " (le Bois, 1913, La Haye, Gemeentemuseum). Elle fut aussi marquée par l'influence de la théosophie. Van Heemskerck exposa en 1913 à Berlin à la gal. Der Sturm de Herwarth Walden, donna 6 gravures sur bois à Der Sturm et fut influencée quelque temps par l'Expressionnisme germanique (Bateaux à voile, 1918, id.) ; elle revint ensuite à un art plus abstrait, dont la rigueur géométrique doit beaucoup à la leçon du mouvement De Stijl (Composition, 1923, id.).
Après sa mort, la revue Der Sturm lui consacra un hommage (nombreuses gravures sur bois dans Sturm Bilderbuch VII, Berlin, 1924). L'artiste est abondamment représentée au Gemeentemuseum de La Haye.
Heemskerck (Maerten Jacobsz Van)
Peintre néerlandais (Heemskerk, près de Haarlem, 1498 – Haarlem 1574).
Formé chez Cornelis Willemsz à Haarlem, puis chez Jan Lucasz à Delft, Maerten Van Heemskerck séjourna de 1527 à 1529 dans l'atelier de Scorel à Haarlem : il subit son influence, sensible dans les deux portraits de Pieter Bicker Gerritsz, échevin d'Amsterdam et d'Anna Codde au rouet (id., 1529, Rijksmuseum) aux volumes tranchants et aux contrastes lumineux appuyés. Plusieurs de ses œuvres précoces ont été longtemps attribuées à Scorel : tel le Repos pendant la Fuite en Égypte (Washington, N. G.) et le Portrait d'écolier (1531, Rotterdam, B. V. B.). De 1532 datent le Portrait du père de l'artiste (Metropolitan Museum), Judas et Thamar (Potsdam, Sans-Souci) et Saint Luc peignant la Vierge (Haarlem, musée Frans Hals), qui retient du style de Scorel — en l'exagérant — un certain goût pour les accessoires antiques, les plis tourmentés, une mise en page impressionnante et l'amour des détails pittoresques, tels que les lunettes du saint ou bien le " cartellino " démesurément agrandi.
En 1532, Heemskerck part pour l'Italie ; il y reste jusqu'en 1536 et passe trois ans à Rome ; il y dessine d'après les antiques et Michel-Ange, comme le montrent deux fameux albums d'études conservés à Berlin (cabinet des Estampes). Le Paysage avec l'enlèvement d'Hélène (s.d., 1535, Baltimore, Walters Art Gallery) est une des rares peintures conservées du voyage italien : il associe à une interprétation pittoresque des vestiges antiques un goût bien septentrional pour le paysage panoramique. En 1536, il est de retour à Haarlem ; profondément marqué par la double influence de Scorel et des modèles italiens (Michel-Ange, Giulio Romano), son romanisme prend des aspects tout à fait expressionnistes. Les portraits eux-mêmes, par leurs expressions intransigeantes, l'intensité du modelé de leurs carnations soulignée par la sobriété éteinte de leur chromatisme et par l'exaspération décorative de leurs accessoires, apportent alors une contribution essentielle à l'épanouissement du portrait maniériste international : Portrait de Johannes Colmannus (1538, id.), Portrait d'homme (v. 1545, Rotterdam, B. V. B.), Portrait de femme au rouet (Madrid, fondation Thyssen– Bornemisza), Portrait de Machtelt Swijs (Cleveland) et Portrait de famille (musée de Kassel), fascinant tableau par ses dissonances de tons et ses contours fortement découpés sur un fond clair. Dans ses tableaux d'histoire, Heemskerck pratique une véritable exaspération des lignes et des saillies, comme en témoigne l'immense triptyque de la Crucifixion, peint entre 1538 et 1541 pour l'église Saint-Laurent d'Alkmaar (Suède, église de Linköping) ou les éléments conservés d'un ensemble mythologique (la Forge de Vulcain, Prague ; Mars et Vénus surpris par Vulcain, Vienne, K. M. ; Vulcain présentant à Vénus le bouclier d'Achille, id., v. 1536-1540). De 1540, année où il est élu doyen de la gilde de Saint-Luc, date la Mise au tombeau de Rotterdam (B. V. B.) ; en 1542, il quitte Haarlem et s'installe pour deux ans à Amsterdam. Le Calvaire du musée de Gand (daté 1543, répétition à l'Ermitage) constitue un autre exemple caractéristique de cette manière crispée aux musculatures boursouflées et aux compositions grouillantes de figures agitées. Le peintre revient à Haarlem en 1544 ; son style, tend ensuite vers un relatif apaisement, comme en témoignent le Saint Luc peignant la Vierge du musée de Rennes et la Vénus et l'Amour (1545, Cologne, W. R. M.). Il peint en 1552 une vue d'Arènes antiques (musée de Lille), rêverie archéologique sur ses souvenirs romains ; il reprend ce thème une année plus tard dans son Autoportrait (Cambridge, Fitzwilliam Museum), où le fond du tableau est occupé par une vue du Colisée. La même année, il décore l'église Saint-Bavon de Haarlem. De 1555-56 date la série de 7 dessins retraçant l'Histoire de David (Louvre), préparant une suite de gravures que Philip Galle exécuta à Anvers. De la période 1559-60, citons le triptyque du Christ de douleur, entouré de donateurs (Haarlem, musée Frans Hals), l'Ecce Homo (Rotterdam, B. V. B.), la Mise au tombeau (Bruxelles, M. R. B. A.), dans laquelle il reprend des formes chères à Scorel sur un mode plus apaisé. Enfin, il peint la Sibylle d'Érythrée (1564, Rijksmuseum), la Déploration du Christ (1566, musée de Delft) et une de ses dernières œuvres, le Bon Samaritain (1568, Haarlem, musée Frans Hals), où le paysage tient une place assez importante.
Principal disciple et continuateur de Scorel, Maerten Van Heemskerck fut, avec lui et comme Frans Floris, l'un des premiers à introduire l'italianisme, et plus spécialement l'art de Michel-Ange, dans les Pays-Bas du Nord ; son style tourmenté constitue un des paroxysmes du maniérisme néerlandais. Maerten Jacobsz Van Heemskerck fut avec Floris et Maerten de Vos l'un des peintres qui inspirèrent le plus les graveurs de l'époque : à partir de 1548, il multiplia les dessins préparatoires à des gravures de Dirck Volkertsz Coornhert, Philip Galle, Herman Muller et Cornelis Cort, éditées à Anvers et souvent accompagnées de textes composés par l'humaniste Hadrianus Junius.