Renoir (Auguste)
Peintre français (Limoges 1841 – Cagnes-sur-Mer 1919).
Jeunesse
Il passe son enfance à Paris dans le quartier du Carrousel. Bien que ses dons musicaux soient encouragés par Charles Gounod, ses parents, ayant remarqué son goût pour le dessin, le placent en 1854 en apprentissage dans un atelier de décoration de porcelaine, où il restera pendant quatre ans tout en suivant, le soir, les cours de l'école de dessin et d'arts décoratifs de la rue des Petits-Carreaux. Lorsque l'atelier ferme, il va successivement colorier des armoiries pour son frère, graveur en médailles, reproduire des scènes galantes du XVIIIe s. sur des éventails, puis peindre des stores, et son habileté lui permet d'amasser un petit pécule grâce auquel il va pouvoir se consacrer totalement à la peinture. Reçu à l'École des beaux-arts en 1862, Renoir s'inscrit en octobre à l'académie Gleyre, où il fait la connaissance de Bazille, de Monet et de Sisley. Ils vont travailler ensemble en plein air aux environs de Chailly-en-Bière, dans la forêt de Fontainebleau, et c'est là qu'en 1863 Renoir rencontre Diaz, qui lui conseille d'éclaircir sa palette.
Son premier envoi au Salon de 1864, Esmeralda dansant avec sa chèvre, est accepté, mais Renoir détruira plus tard le tableau, le jugeant trop sombre et académique. Il sera ensuite très influencé par Courbet après l'avoir rencontré à Marlotte, en forêt de Fontainebleau. Cette influence se remarque dans sa première composition de grand format, l'Auberge de la mère Anthony (Stockholm, Nm), refusé au Salon de 1866, et aussi dans l'un de ses premiers nus, Diane chasseresse (1867, Washington, N. G.), refusée au Salon de 1867, tandis qu'il montre davantage de personnalité dans des portraits comme celui de Bazille (1867, Paris, musée d'Orsay), ceux des Fiancés (1868, Cologne, W. R. M.) ou la Femme à l'ombrelle (1867, Essen, Folkwang Museum), exposée au Salon de 1868.
L'Impressionnisme
Mais c'est l'Impressionnisme qui va libérer Renoir de ces diverses influences. Dès 1869, lorsqu'il peint la Grenouillère (Winterthur, coll. Oskar Reinhart) en compagnie de Monet, on le voit s'adonner à l'étude des reflets dans l'eau et utiliser de petites touches en virgule pour remplacer le dessin. Les deux peintres continueront dans cette voie après 1870, à Argenteuil, où ils représenteront les régates et divers paysages. Mais Renoir, à l'inverse de ses camarades, ne peut abandonner la figure, où il va essayer de traduire ces mêmes principes. S'il connaît des échecs avec les Parisiennes habillées en Algériennes (1872, Tōkyō, M. N. d'Art occidental), où le souvenir de Delacroix est évident, ou avec les Cavaliers au bois de Boulogne (1872, musée de Hambourg), non acceptés au Salon de 1873, mais exposés au Salon des refusés, il se montre beaucoup plus brillant dans Madame Monet étendue sur un sofa (1872, Lisbonne, fondation Gulbenkian) ou dans la Loge (1874, Londres, Courtauld Inst.) et la Danseuse (1874, Washington, N. G.), qui figureront toutes deux à la première Exposition impressionniste aux côtés de quatre autres tableaux et d'un pastel. Son évolution va cependant se précipiter, et, dès 1876, il applique au portrait les principes des impressionnistes, aux côtés desquels il figure de nouveau, avec quinze toiles, à la deuxième Exposition impressionniste, celle de 1876. Cette année 1876 est pour lui une année faste. Il loue un atelier rue Cortot, à Montmartre, et va y peindre quelques-unes de ses toiles les plus célèbres, comme le Moulin de la Galette (Paris, musée d'Orsay), la Balançoire (id.), Sous la tonnelle (Moscou, musée Pouchkine) ou Étude ; torse, effet de soleil (Paris, musée d'Orsay). Dans ces différentes toiles, qui seront exposées à la troisième Exposition impressionniste, celle de 1877, le souci de Renoir a été d'étudier l'effet d'une lumière tamisée par un feuillage sur les personnages, auxquels les critiques trouveront un aspect cadavérique. C'est également en 1876 que Renoir fait la connaissance de l'éditeur Georges Charpentier et fréquente son brillant salon, où il rencontre les personnalités politiques, littéraires et artistiques de l'époque. Pour gagner sa vie, il va alors exécuter de nombreuses commandes, décorations et surtout des portraits de femmes et d'enfants : Mademoiselle Georgette Charpentier (1876, coll. part.), l'Enfant à l'arrosoir (1876, Washington, N. G.), Madame Georges Charpentier (1876-77, Paris, musée d'Orsay), Portrait de Mlle Jeanne Samary (1878, Ermitage) et le magnifique Portrait de Mme Charpentier et de ses enfants (1879, Metropolitan Museum). Ces deux dernières toiles figurèrent au Salon de 1879, tandis que Renoir refusait de participer à la quatrième Exposition impressionniste, craignant sans doute de compromettre son succès auprès de cette classe bourgeoise, dont il s'était fait le brillant portraitiste. Il se montre beaucoup moins mondain, mais tout aussi brillant lorsqu'il peint, à Chatou, les familiers des guinguettes ou le Portrait d'Alphonsine Fournaise, appelé à tort " À la Grenouillère " (1879, Paris, musée d'Orsay). Il s'abstient de nouveau à la cinquième Exposition impressionniste, celle de 1880, pour être présent au Salon avec deux toiles, la Femme au chat (1880, Williamstown, Clark Art Inst.) et les Pêcheuses de moules à Berneval (1879, Merion, Barnes Foundation), peintes lors de son séjour à Wargemont, près de Dieppe, chez le diplomate Paul Bérard, qui le recevra souvent pendant l'été.
C'est peut-être cette double vie, mondaine et populaire, qui le pousse à partir se reposer quelque temps en Algérie, du début de mars au 15 avril 1881, d'où il rapportera quelques portraits d'Algériennes et quelques paysages aux couleurs vives : le Champ de bananiers (Paris, musée d'Orsay), le Ravin de la femme sauvage (id.), Fête arabe à Alger (id.).
Manière aigre
Après son retour en France, sous l'effet d'une crise morale et esthétique, Renoir va partir quelques mois pour l'Italie à la fin d'octobre 1881. Il passe par Milan et Venise, où il fait une série de toiles sur le thème des gondoliers ou de la basilique Saint-Marc, puis se rend à Florence et à Rome. La révélation de Raphaël va beaucoup influencer sa manière suivante, qu'il appelle " manière aigre " et que l'on nomme également " période ingresque ", et où le dessin va prendre le pas sur la couleur. Cette prédominance du dessin, déjà amorcée dans les Parapluies (v. 1879-80, Londres, N. G.), se remarque aussi dans la Baigneuse blonde (1881, Williamstown, Clark Art Inst.), mais il faut attendre 1883 avant de la voir s'étendre à toute sa production. Au cours de ce même voyage en Italie, Renoir visite également Naples et Pompéi et se rend en Sicile pour exécuter un rapide Portrait de Richard Wagner (1882, Paris, musée d'Orsay). À son retour en France, il s'arrête quelque temps à l'Estaque pour travailler en compagnie de Cézanne, puis repart de nouveau en Algérie (mars-avr. 1882). Pendant ce temps, à Paris, se tient la septième Exposition impressionniste, avec vingt-cinq de ses toiles, dont le Déjeuner des canotiers (1880-81, Washington, Phillips Coll.), où figure Aline Charigot, qu'il épousa en 1890.
Pendant sa période ingresque, Renoir continue à privilégier la figure humaine : la Danse à Bougival (1883, Boston, M. F. A.), la Danse à la ville (1883, Paris, musée d'Orsay), Danse à la campagne (1883, id.). Il ne néglige cependant pas les paysages ou les marines, qu'il observe lors de ses nombreux voyages dans les îles anglo-saxonnes (sept. 1883), sur les côtes normandes ou bretonnes, sur la Côte d'Azur, à La Rochelle (été de 1884) ; l'œuvre la plus représentative de cette manière aigre reste les Grandes Baigneuses (1884-1887, Philadelphie, Museum of Art). Cette toile, qui s'inspire du Bain de Diane de Girardon (parc du château de Versailles), a été préparée par un grand nombre d'études, d'esquisses et de dessins au crayon et à la sanguine, et peinte en atelier (musée de Nice ; Louvre).
Période nacrée
Renoir connaît une nouvelle période de découragement à l'automne de 1888. Trouvant trop de sécheresse à ses compositions, il détruit de nombreux tableaux et adopte une manière, dite " nacrée ", abandonnant peu à peu son style linéaire au profit d'une facture plus souple à base de blancs et de roses en demi-teintes : les Jeunes Filles au piano (1892, Metropolitan Museum ; Paris, musée d'Orsay).
Jusqu'à la fin de sa vie, il va alors utiliser presque exclusivement des modèles professionnels, à l'exception de sa servante Gabrielle, et les nus qu'il peint inlassablement portent presque tous le nom de baigneuses : Baigneuse assise sur un rocher (1892), Baigneuse endormie (1897, Winterthur, coll. Oskar Reinhart), Grande Baigneuse écartant sa chevelure (v. 1904-1906, Vienne, K. M.), Baigneuse aux cheveux longs (Paris, Orangerie, coll. Walter Guillaume). La sensualité de l'artiste ne s'est peut-être jamais mieux exprimée que dans la représentation de ces femmes aux formes opulentes et à la chair pulpeuse. Parallèlement, sa production s'enrichit de figures d'enfants, mais non plus seulement ceux des riches bourgeois. Renoir représente ses propres fils, Pierre, Jean et surtout Claude, dit Coco, dans des attitudes diverses prises sur le vif, dans l'intimité de la vie quotidienne : Gabrielle et Jean (1895, Paris, Orangerie, coll. Walter Guillaume), la Leçon de lecture de Coco (v. 1906-1907, Merion, Barnes Foundation).