Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
V

Vieira Lusitano (Francisco V. de Matos dit)

Peintre portugais (Lisbonne 1699  – id. 1783).

Il fut le plus important artiste du XVIIIe siècle à la cour portugaise. À 13 ans, il partit comme membre de l'ambassade du marquis de Fontes à Rome, où il étudia auprès de Benedetto Lutti et de Francesco Trevisani (1712-1719), obtenant un premier prix à l'Académie Saint-Luc. Rentré au Portugal, il commença à travailler pour D. Joao V et réalisa les panneaux de la chapelle Saint-Antoine dans l'église Sáo Roque de Lisbonne. Une vie sentimentale malheureuse le poussa à repartir en 1721 pour Rome. Durant ce second séjour (jusqu'en 1729), il développa son talent pour la gravure, s'affirmant comme l'un des meilleurs créateurs d'eaux-fortes du XVIIIe s. (les Trois Parques coupant le fil de la vie, Minerve transformant Coronis). Rentré au Portugal, il réussit à épouser D. Ines Helena. Comme le montre la Sainte Famille de Mafra, son style, élégant, reposant sur un dessin et une composition soignés, est fortement marqué par l'Italie. Son érudition le pousse à intégrer, par des hiéroglyphes, des symboles, de nombreux concepts ornant le sujet principal. En 1733, alors qu'il repartait pour l'Italie, il est nommé peintre du roi, succédant au Français Quillard. Sa carrière sera alors assez prolifique, marquée par des œuvres religieuses (Saint Augustin, Lisbonne, M.A. ; Saint Antoine, Lisbonne, église Saint-Roch, reprenant avec une certaine mollesse les schémas académiques internationaux, et des décors pour le palais-monastère de Mafra, in situ, vers 1775). On lui doit aussi quelques portraits (D. Lourenço de Lencastre, Lisbonne, M.A.A.). Cet académicien de Saint-Luc s'occupa activement de la création d'une Académie du nu à Lisbonne. Sa vie artistique et sentimentale nous est connue par un poème autobiographique qui montre une sensibilité préromantique, opposée à l'éclectisme international de son style.

Vien (Joseph Marie)

Peintre français (Montpellier 1716  – Paris 1809).

Élève de Natoire, languedocien comme lui, il remporta le grand prix en 1743 et partit l'année suivante pour Rome, où il resta jusqu'en 1750. Fortement influencé par J.-F. de Troy, alors directeur du palais Mancini, il donna quelques tableaux hérités du style de ce dernier et de celui des maîtres bolonais (Guerchin) : Suzanne et les vieillards (musée de Nantes), Loth et ses filles (1747, musée du Havre ; esquisse au musée de Caen), suite de la Vie de sainte Marthe (1747-48, 5 tableaux, Tarascon, église Sainte-Marthe), l'Ermite endormi (1750, Louvre ; dessins aux musées de Montpellier). Il participa aussi activement, avec Barbault (tableaux au Louvre), à la Mascarade donnée à Rome en 1748 par les pensionnaires de l'Académie (dessins au Louvre ; peintures au musée du Petit Palais, à Paris, et au musée de Narbonne) ; il en laissa un recueil gravé à l'eau-forte, témoignage capital sur le goût de la turquerie au XVIIIe s. (exemplaire aquarellé au cabinet des Estampes de la B. N. de Paris). Rentré à Paris, il poursuivit ce style typique du XVIIIe s. — Saint Germain et saint Vincent (1755, musée de Castres ; dessins à New York, Metropolitan Museum, et à Toulouse, musée Paul-Dupuy), la Piscine miraculeuse (Salon de 1759, musée de Marseille) —, fut agréé en 1751 et reçu académicien en 1754 (Dédale et Icare, Paris, E. N. S. B. A.). C'est vers la fin des années 1750 qu'il rompit brusquement avec la tradition rococo d'un Boucher (mort en 1770) et s'orienta vers un nouveau style, qui devait déterminer la peinture française pour de nombreuses années.

   Fortement marqué par les découvertes faites à Herculanum, où il était allé lors de son séjour italien, protégé aussi par le comte de Caylus, il devint au début des années 60 l'inventeur français de la réaction néo-classique, avec sa célèbre Marchande d'amours (Fontainebleau), parue au Salon de 1763. Véritable manifeste, ce tableau inaugurait le goût grec, le style épuré et glacé, la matière porcelainée et un type de composition en frise se détachant sur fond d'architecture qui allaient devenir les constantes du Néo-Classicisme français. Vien exposait la même année la Vertueuse Athénienne (musée de Strasbourg) et en 1767 la Jeune Grecque au bain (Porto Rico, musée de Ponce), qui sont probablement ses chefs-d'œuvre.

   Professeur en 1759, directeur de l'Académie de Rome de 1775 à 1781 et reçu à l'Académie de Saint-Luc en 1776, il rétablit à Rome la discipline, réforma l'enseignement et préconisa le retour à l'antique. Maître de Peyron, de Suvée, de Regnault et surtout de David, il fut très tôt dépassé par l'art de son génial élève. Son style s'affadissant, il continua à donner de grandes compositions religieuses (Saint Louis et saint Thibault, Salon de 1775, Versailles), historiques (Briséis remise par Patrocle aux envoyés d'Agamemnon, 1781, musée d'Arras ; les Adieux d'Hector et d'Andromaque, Salon de 1787, Louvre ; esquisse au musée de Caen et dessin au Louvre ; l'Amour fuyant l'esclavage, Salon de 1789, musée de Toulouse ; esquisse au musée de Béziers) et allégoriques : 4 tableaux décoratifs (Salons de 1773 et de 1775) destinés au château de Louveciennes (Louvre et préfecture de Chambéry), que la comtesse du Barry préféra à ceux de Fragonard (New York, Frick Coll.).

   Plus rigoureux dans ses principes que dans son style, Vien ne sut poursuivre ses expériences novatrices des années 60. C'est ainsi que sa suite de 29 dessins, le Bonheur de la vie (22 dessins sont au Louvre, les autres se trouvant : à la bibl. de Rouen ; à Oxford, Ashmolean Museum ; à Londres, British Museum et Courtauld Inst. ; à Detroit, Inst. of Arts), exécutée en 1797-1799, paraît, par ses compositions creuses et son style gauche, totalement démodée. Vien fut cependant considéré par tous les peintres de la génération davidienne comme le père du Néo-Classicisme français. Napoléon le fit membre du Sénat en 1799, comte d'Empire en 1808, et l'artiste eut les honneurs d'obsèques au Panthéon. L'importance de Vien est aujourd'hui reconnue ; celui-ci est considéré comme étant à l'origine du mouvement néo-classique ; il est aussi apprécié pour ses esquisses, à la touche libre et fluide : César débarquant à Cadix (1767, musée d'Arras).