Arroyo (Eduardo)
Peintre espagnol (Madrid 1937).
Installé en France depuis 1958, il s'est affirmé très vite, au Salon de la jeune peinture et à la Biennale de Paris, comme l'un des plus actifs représentants de la Nouvelle Figuration. Son esprit subversif, dévastateur de toutes les idolâtries, s'exprime souvent dans des toiles narratives aux teintes plates et stridentes : la Maja de Torregon, 1964 ; Grand Pas du Saint-Bernard ou l'Âme du monde à cheval, 1965. Utilisant la juxtaposition de scènes cloisonnées, Arroyo a aussi réalisé des peintures collectives avec ses camarades Aillaud et Recalcati (Une passion dans le désert, 1964-1965 ; Vivre ou laisser mourir ou la fin tragique de Marcel Duchamp, 1965). Il participe aux événements de mai 1968 à Paris, à la création de la Salle rouge pour le Viêt-nam (A. R. C.). Ainsi qu'à celle des affiches politiques de l'atelier populaire de l'École des beaux-arts. En mars 1971, il a exposé à Paris (M. A. M. de la Ville) une série de toiles sous le titre Trente Ans après, dont le thème est la guerre d'Espagne et où une satire virulente se donne libre cours : France, sentinelle de l'Occident, 1970 ; Guernica, 1970. Les Portraits (juin 1974, gal. Karl Flinker) sont, en revanche, un hommage de l'artiste à ses amis (Aillaud, Adami, Steinberg, Hélion), présentés dans des situations significatives.
Après 15 ans d'absence en Espagne, la galerie Maeght de Barcelone organise en 1977 une exposition de ses peintures. De nombreuses galeries européennes et américaines ont consacré des expositions personnelles à l'œuvre de l'artiste. Celle-ci est l'objet d'une importante rétrospective au M. N. A. M., Paris en 1982, au Guggenheim Museum de New York en 1984.
Arroyo a collaboré depuis 1969 à la création de décors de théâtre en Italie, en Allemagne, en France, en Espagne auprès des metteurs en scène Grüber et Gomez. L'œuvre d'Arroyo est représentée dans de nombreuses collections privées d'Europe, au musée des Beaux-Arts de Lausanne, et à Paris (M. N. A. M. et F. N. A. C.).
Art and Language (groupe d')
Artistes britanniques.
Fondé en 1968, le groupe Art and Language publie à partir de 1969 une revue théorique : Art – Language. Il est constitué de Terry Atkinson (1941), Michael Baldwin (1945), David Baimbridge (1941) et Harold Hurrell (1940). Joseph Kosuth est éditeur de la revue en 1969 alors que, en 1971, Mel Ramsden (1944) et Ian Burn (1939) rejoignent le groupe. Tandis que celui-ci compte jusqu'à trente membres dans les années 70, en 1977, Baldwin, Ramsden et Harrison restent les seuls membres actifs.
Fondé autour des questions de relation entre théorie et pratique dans le processus de la création artistique, le groupe rejette les notions d'individualisme et d'art pour l'art. L'intérêt de ses membres pour des théoriciens et des philosophes tels que Marx, Marshall McLuhan ou Wittgenstein, la volonté de prendre en compte des disciplines comme la philosophie ou la théorie de l'information se retrouvent dans l'idée que " tout art visuel dépend conceptuellement du langage ". Les œuvres des années 1965-1967 se matérialisent sous forme d'expériences (Temperature Show, 1966, série de documents sur la représentation du paysage et l'incidence des éléments ; Acid Box, 1966) ou de textes sur toile (100 % abstrait, où un pourcentage est peint sur une toile monochrome). Au cours des années 1968-1972, un ensemble d'œuvres prend la forme de textes annotés (Comparative Models, 1971). L'Index 01, 1972, présenté à la Documenta 5 de Kassel, constitue un aboutissement théorique fondé sur la relecture et la mise en parallèle de trois cent cinquante textes publiés par le groupe.
En 1974, une œuvre comme Dialectical Materialism, tout en continuant à s'appuyer sur un support textuel, prend une forme héritée du Constructivisme russe. À partir de 1977, le groupe revient à une pratique picturale en atelier, portant toujours son intérêt sur le caractère social de l'art (Ils donnent leur sang ; Donnez votre travail, 1977). Au cours des années 80, acceptant l'idée que le médium pictural permet une interrogation de la pratique picturale, le groupe présente des œuvres telles que les Portraits de V. I. Lénine dans le style de Jackson Pollock ou l'Atelier des artistes peints à la bouche (Documenta de Kassel, 1982), dont le caractère parodique sert une ironie critique. Cet élément critique vis-à-vis de l'œuvre d'art se marque dans la série Incident in a Museum (1985), où des œuvres anciennes du groupe sont supposées être accrochées dans le temple de l'avant-garde américaine que constitue le Whitney Museum de New York. Diffusé par l'activité d'enseignement de membres du groupe, l'œuvre d'Art and Language a fait l'objet d'expositions à Eindhoven, Van Abbe Museum, en 1980, à Toulon, musée d'art, en 1982, et, pour les œuvres les plus récentes, à Bruxelles, palais des Beaux-Arts, en 1987, et à Paris, G. N. du Jeu de Paume, en 1993-94.
art conceptuel
Depuis 1967 environ, l'Art conceptuel n'a cessé de susciter interprétations et justifications théoriques. Apparu à New York, il se manifestait déjà, en dehors des États-Unis, dans les travaux de quelques artistes : On Kawara au Mexique, ou les membres de l'Art-Language (Atkinson, Hurrel, Bainbridge et Baldwin) en Angleterre. À la fin de 1967, Robert Barry, Lawrence Weiner, Douglas Huebler et Joseph Kosuth constituent le premier foyer conceptuel new-yorkais et font circuler leurs travaux dans le milieu de l'avant-garde artistique. L'Europe découvre ces artistes en même temps que les États-Unis et leur accorde même un plus grand intérêt en participant à leur promotion bien avant les galeries américaines (exception faite de l'action de leur défenseur, le théoricien Sieth Sieglaub). À l'origine, il s'agit pour les conceptuels de réagir contre la vague esthétisante du Minimal Art et contre la toute-puissance de l'objet, cautionnée par le pop art. Se référant à la leçon de Duchamp, ces artistes estiment que l'important n'est pas l'aspect formel et subjectif de l'art, mais ce qu'il signifie. Il convient donc d'analyser la nature, la fonction et l'usage de l'entité " art ". Le discours réflexif se substitue à la création d'un objet ; l'instrument le plus approprié à cette recherche s'avère être le langage : en général, les artistes présentent leurs travaux sous forme de petits livres ou de textes complétés parfois par des photos ; pour " Art-Language " et Kosuth, les disciplines les plus adaptées à l'analyse du code que constitue l'œuvre d'art sont la philosophie et la linguistique. Moins théoriciens, Weiner, Huebler et Barry utilisent le langage pour exprimer des situations virtuelles : l'idée peut être réalisée ou demeurer sous forme d'exposé. D'autres artistes travaillent isolément : Victor Burgin, Hanne Darboven, Bernar Venet, Hans Haacke (qui centre sa démarche sur la réalité politique et sociologique de l'art) et Ian Wilson, dont le travail se réduit à des conversations avec ses interlocuteurs. S'il n'a pu échapper à certaine mystification, le mouvement conceptuel a permis à l'art de sortir de son carcan formaliste et de réintégrer le champ plus large de l'investigation sur le réel.