Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
A

Adam (Albrecht)

Peintre allemand (Nordlingen 1786  – Munich 1862).

Formé tout d'abord chez Rugendas à Augsbourg, il suit en 1807 l'enseignement de l'Académie de Munich, où, encouragé par Dillis, il copie les maîtres hollandais du XVIIe s. Sa participation à la campagne d'Autriche en 1809 décide de sa carrière de peintre de batailles et de chevaux. Entré au service d'Eugène de Beauharnais à Milan, il prend part à la campagne de Russie et en fixe quotidiennement les événements par des croquis dont il tirera, de 1827 à 1833, cent lithographies intitulées Voyage pittoresque et militaire de Wilemberg en Prusse jusqu'à Moscou, fait en 1812 (Paris, B. N.). De 1809 à 1815, il entre au service d'Eugène de Beauharnais, vice-roi d'Italie, et prend part en tant que peintre-chroniqueur à la campagne de Russie de 1811. Devenu célèbre, Adam se fixe en 1815 à Munich. En 1838, Louis Ier de Bavière lui commande la Bataille de Borodino (bataille de la Moskova), qui orne l'une des salles de la Résidence. En 1848, il assiste aux campagnes d'Italie commandées par Radetzky, dont il fait un portrait représentant non le héros glorieux, mais le général méditant au centre d'un immense champ de bataille (1848, Munich, Neue Pin.). Sa production abondante de tableaux de bataille officiels (Bataille de Custozza, 1851, id. ; Bataille de Zorndorf, 1859-1862, Munich, Maximilianeum) s'accompagne de peintures de scènes de genre, d'un sobre réalisme : Avant la promenade (1825, Schweinfurt, coll. Schäfer) ; Cheval errant sur le champ de bataille (1834, Hambourg, Kunsthalle). Albrecht Adam se situe parmi les plus importants peintres de batailles du XIXe s., aux côtés de P. Hess et de W. Kobell. Il a laissé une autobiographie (1886, Stuttgart).

 
Les quatre fils d'Adam devinrent peintres : Benno (1812-1892) , peintre animalier ; Franz (1815-1886) , peintre de batailles et de chevaux ; Eugène (1817-1886) , peintre de batailles et de genre ; Julius (1826-1874) , paysagiste.

Adami (Valerio)

Peintre italien, travaillant en France (Bologne 1935).

Il se forma à l'Académie de Brera, à Milan. Il partit d'une figuration expressionniste sensible à l'exemple de Bacon (1958), puis, après une période gestuelle (1960), il s'orienta peu à peu vers une manière de figuration narrative. Sous l'influence de Matta et du pop art américain (Lichtenstein en particulier), il est parvenu à développer une sorte de " récit " fantastique et humoristique sous forme de bandes dessinées (" fumetti "), dans lesquelles reviennent avec insistance des motifs pris comme symboles du monde moderne : les collisions de voitures, la femme, les jouets considérés comme des symboles sexuels et des obsessions de l'" inconscient collectif " (la Serre fragile, 1966). Des toiles d'une lecture plus complexe, traitant de divers avatars de l'homme contemporain (l'Alpiniste, 1973), sont d'ironiques hommages à des artistes disparus (L. Feininger donnant une leçon de violon, 1973) ou des " portraits " de personnalités ayant contribué à élaborer la pensée de leur époque (Freud, Nietzsche, Walter Benjamin, Gandhi, Joyce). Adami exploite pour ses montages des documents photographiques découpés dans journaux et magazines ; mais la structure mosaïquée du tableau détruit la référence littérale, de même que la platitude et la franchise de champs chromatiques issus de Mondrian, de Matisse et de Magnelli. Le réel est également présent et " déconstruit " dans les dessins à la mine de plomb, où le travail de la gomme " modifie mille fois le trait " (Adami). Des thèmes mythologiques (Orphée et Euridyce, [OE]dipe et le Sphinx, Prométhée) ont, depuis 1975, pris peu à peu le pas sur la description toute parcellaire des conditions de la vie contemporaine. Cette nouvelle orientation a eu pour effet d'accuser le caractère métaphysique de son art, dont des emprunts au Romantisme ont accentué la note grave et méditative. Le M. N. A. M. de Paris lui consacra une exposition rétrospective en 1985. Ses œuvres présentes dans les collections italiennes ont été montrées (Brescia, Abbazia olivetana di Rodengo Saiano) en 1995.

Adriaenssen (Alexander)

Peintre flamand (Anvers 1587  – id. 1661).

Maître en 1610, estimé de Rubens, il se spécialisa dans la nature morte de fleurs, d'oiseaux, de fruits et surtout de poissons. Des œuvres datées se succèdent à partir de 1631, nombreuses mais peu variées. Sa manière, encore archaïsante dans sa formule de présentation latérale, vaut par la finesse des bruns, les effets de clair-obscur, la richesse toute flamande du coloris. Ses œuvres figurent au Rijksmuseum, au Prado, ainsi qu'aux musées de Gand et de Valenciennes.

Aertsen (Pieter)

Peintre néerlandais (Amsterdam 1508  – id.  1575).

Fils d'un cardeur (Aertsen signait souvent avec un trident, forme simplifiée du peigne à carder), surnommé Lange Pier (le " grand Pierre ") à cause de sa taille, il se forma chez Allaert Claesz (d'après Van Mander) et se rendit peut-être en Italie avant son inscription à Anvers en 1535 comme nouveau membre de la gilde ; il résidait alors chez Jan Mandyn. Citoyen d'Anvers, en 1542, il se marie, devenant ainsi l'oncle du jeune Beuckelaer, son futur et brillant alter ego. Vite connu (il a des élèves dès 1540, tel Stradanus), il s'enrichit et reçoit des commandes de Flandre (retables à Anvers en 1546, à Léau en 1554 — toujours en place) comme de Hollande (vitraux de l'Oudekerk d'Amsterdam en 1555, commandes du marchand mécène Rauwaerts). Il rentre dans sa ville natale, où il est mentionné de nouveau en 1557 et inscrit comme citoyen en 1563, tout en restant en relations d'affaires avec Anvers et Léau. Ce retour ne s'explique ni par des questions religieuses ni par une éventuelle concurrence de Floris, comme on l'a dit, mais sans doute par l'importance des commandes à exécuter sur place, tels les fameux retables de l'Oudekerk (dont Vasari a parlé) et de la Nieuwekerk d'Amsterdam (dont subsiste seulement au Rijksmuseum un fragment représentant une étonnante tête de bœuf). " Ces retables ont disparu dans la furie iconoclaste de la Beeldstorm protestante de 1566, qui devait tant affecter le peintre " (Van Mander) et anéantir une grande partie de sa production religieuse.

   La Laitière du musée de Lille, son plus ancien tableau daté connu, atteste dès 1543 le goût d'Aertsen pour un réalisme national insistant et rustique, parallèle à celui de Pieter Bruegel. En même temps, plusieurs grands retables des années 1540 (Crucifixion, Nativité, Bruges, église Saint-Sauveur) montrent un artiste partant de la leçon des romanistes (Coecke, Van Orley) et surtout du milieu anversois de Hemessen et du Monogrammiste de Brunswick : les petites figures réalistes et gauches mais si expressives de ce dernier se retrouvent dans les œuvres religieuses des années 1550 (Portements de croix, musées de Berlin et musée d'Anvers). Aertsen a aussi ressenti de nettes influences italiennes depuis la rhétorique architecturale d'un Serlio (le Christ chez Marthe et Marie, Rotterdam, B. V. B.) jusqu'au riche coloris des Vénitiens et au maniérisme expressif de Parmesan. Très vite, les deux courants fusionnent. Dans le thème sacré (l'Adoration de l'Enfant, musée de Rouen) ou dans les sujets profanes (la Danse des œufs, 1559, Rijksmuseum ; les Crêpes, Rotterdam, B. V. B. ; les Deux Cuisinières, Bruxelles, M. R. B. A.), le réalisme inné d'Aertsen devient toujours plus monumental et vigoureux ; il est servi par une gamme de tons vifs et francs et trouve, à travers son agressivité même, un souffle épique qui constitue enfin une première réponse spécifiquement septentrionale à la " grande manière " des Italiens.

   Le sommet de cet art est sans doute atteint dans les marchés de plein air, aux premiers plans éloquemment chargés de légumes et de victuailles, qui relèguent à l'arrière-plan l'élément narratif (parfois une scène religieuse, comme dans le Christ et la Samaritaine, Francfort, Städel, Inst.). En dépit du " pathos " maniériste propre au XVIe s. s'y affirment les droits d'une nouvelle catégorie de la peinture, définitivement admise au siècle suivant, la nature morte : les œuvres conservées dans les pays scandinaves (Copenhague, S. M. F. K. ; Stockholm, Nm), telles que l'Étal d'une boucherie (1551, université d'Uppsala), illustrent particulièrement cette tendance, dont Joachim Beuckelaer, après Aertsen, se fera l'efficace propagateur. L'iconographie de l'artiste, que l'on commence à étudier, est particulièrement intéressante : par ses tendances moralisantes, elle annonce les thèmes qui sous-tendront la peinture néerlandaise du Siècle d'or. Quant à l'œuvre dessiné, récemment mis en valeur (surtout par des projets de retables et de vitraux d'église), il confirme, par la brutalité de son style, la vigueur et l'originalité du maniérisme hollandais au cœur du XVIe s.