Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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De Kooning (Willem)

Peintre néerlandais naturalisé américain (Rotterdam 1904-East Hampton, Long Island, État de New York, 1997).

Il quitta l'école à douze ans et entra comme apprenti dans une affaire commerciale d'artistes et de décorateurs. Il suivit des cours du soir, de 1915 à 1924, à l'Academie voor Beeldende Kunsten en Technische. En 1924, il étudia en Belgique et, en 1926, émigra aux États-Unis, où il travailla comme peintre en bâtiment et décorateur. Il avait acquis une connaissance à la fois vaste et précise de l'Abstraction européenne, et, au cours des années 30, il s'exprima en différents styles. Dans les projets qu'il élabora pour le " Federal Art Project ", il fit preuve d'une connaissance approfondie de Picasso — supérieure à celle de tous les autres artistes américains de l'époque, Arshile Gorky excepté. Cette influence dépassa l'imitation servile au cours des années 30 et atteignit une compréhension véritable de la structure cubiste. Vers 1940, Gorky et De Kooning, qui admiraient au même titre la peinture ancienne, travaillèrent dans le même atelier. Tous deux s'intéressaient à la forme humaine autant qu'à l'Abstraction, et De Kooning a constamment fait alterner dans son œuvre les deux expressions, bien qu'il semble s'être récemment fixé sur une peinture plus identifiable, où la femme est un motif privilégié (Woman Acabonic, 1966, New York, Whitney Museum). De Kooning dut attendre 1948 pour exposer seul à New York (gal. Egan), mais, depuis plusieurs années déjà, il était considéré comme l'un des chefs de la nouvelle école, jouissant d'une grande réputation parmi les artistes. Moins influencé par le Surréalisme que certains peintres notoires de sa génération, son art repose sur une étonnante tension picturale, où les formes, figures et fonds s'interpénètrent étroitement et où les repères figuratifs ne sont pas situés explicitement dans l'espace. Sa peinture à la fin des années 40 et jusqu'en 1955 se caractérisait par sa vigueur expressive. Le pinceau balayait la toile, laissant des traînées et des éclaboussures de couleur. Au cours de cette exécution agressive, les formes elles-mêmes se désagrégeaient : Gotham News (1955-56, Buffalo, Albright-Knox Art Gal.), Easter Monday (1956, Metropolitan Museum). De cette manière, le travail semble toujours en cours, car les traces puissantes de création et de destruction sont toujours visibles, même quand l'œuvre est achevée. L'impression résultant d'une lutte constante fait désormais partie du mythe de l'Action Painting, dont il fut l'un des représentants les plus caractéristiques. Le style et le format des peintures de De Kooning, abstraites comme Door to the River (1960, New York, Whitney Museum) ou figuratives (Woman I, 1950-1952, New York, M. O. M. A. ; Woman II, 1952, id.), ont exercé une influence primordiale sur bien des peintres plus jeunes qui représentèrent la seconde génération d'expressionnistes abstraits (Norman Bluhm, Joan Mitchell, Alfred Leslie, Michael Goldberg). À partir de 1963, l'art de De Kooning s'assagit et devient parfois lyrique et poétique. Le thème de la figure humaine, où la femme occupe toujours une place importante, est le plus fréquemment traité (la Guardia in Paper Hat, 1972).

   Les peintures des années 70 abandonnent peu à peu la figure qui se fondra dans des compositions abstraites traitées par gestes larges, aux coloris subtils. La référence au paysage, à l'eau, aux états atmosphériques (North Atlantic Light, 1977, Sted. Museum, Amsterdam) l'emporte alors. Une nette évolution se remarque dans sa peinture des années 80 : dessin plus précis et linéaire se détachant sur des fonds blancs, réduction des couleurs au rouge, au bleu et au jaune (Morning, The Springs, 1983, Amsterdam, Sted. Museum). En 1969, De Kooning a abordé la sculpture en modelant l'argile d'une manière très spontanée. Quelques œuvres importantes se signalent particulièrement à l'attention dans ce domaine : Femme assise (1969-1981) et Clam Digger (1972) [un exemplaire au M. N. A. M., Paris]. L'œuvre dessiné, abondant, accompagne l'œuvre peint et présente les mêmes caractères (Woman, 1952, Paris, M. N. A. M.).

   En 1984, une rétrospective de son œuvre a été présentée à Berlin et au M. N. A. M., Paris ; son 90e anniversaire a été célébré par une grande exposition : Washington, N. G. of Art en 1994 ; Londres, Tate Gallery en 1995 ; à San Francisco, Minneapolis, Bonn, Rotterdam, New York en 1996-97.

De Maria (Walter)

Artiste américain (Albany, Californie, 1935).

Après des études à l'université californienne de Berkeley, De Maria conçoit ses premiers travaux sous forme de projets et de dessins en 1961. Walls in the Desert prévoit la réalisation dans le désert de deux murs de terre parallèles, chacun d'une longueur de un mile. Ces projets préfigurent les mouvements avant-gardistes américains de la fin des années 60 que l'on connaît sous les noms d'" Earthworks " ou de " Land Art ". Refusant le cadre traditionnel de la galerie ou celui, institutionnel, du musée, une génération d'artistes investit des espaces non artistiques : lieux publics, espaces naturels, divers supports de communication (photo, vidéo, journal, livre...). De Maria développe une œuvre à la dimension de la planète, provoquant ou utilisant les phénomènes de la nature en tant que signes esthétiques, la foudre pour Lightning Field (1977), 400 piquets en acier inoxydable répartis sur 6 705 mètres au Nouveau-Mexique, l'une de ses réalisations les plus spectaculaires.

   La constante relation entre l'environnement et la sculpture est indissociable de la mesure du temps et de l'espace dans son œuvre. L'artiste a conçu Three Continent Project (1969), qui demande la réalisation de tranchées de un mile d'est en ouest en Inde, du nord au sud en Afrique (réalisée dans le désert du Sahara), d'est en ouest aux États-Unis. Photographiées par satellite, ces lignes doivent former une croix à l'intérieur d'un carré. Vertical Earth Kilometer (1977, Kassel), une unité de mesure calculée en relation avec le diamètre total de la Terre, consiste à introduire dans le sol un cylindre de cuivre de un kilomètre de long. Seule la section supérieure du cylindre, scellée dans une pierre carrée placée au niveau du sol, demeure visible. Le fait que De Maria se soit prononcé pour une économie de moyens, une réduction des formes, une non-hiérarchie des éléments ainsi que pour une installation sérielle de ses modules, cercles, carrés, polygones, confère à ses travaux les caractéristiques de l'Art minimal. Ils les dépassent toutefois par leur dimension conceptuelle et utopique. Chacun de ces dispositifs implique la pensée d'un langage abstrait et universel.