Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Bernard (Émile)

Peintre français (Lille 1868  – Paris 1941).

Intelligent et précoce, Bernard entre, dès 1884, à l'Académie Cormon, où il rencontre Toulouse-Lautrec, Anquetin et Van Gogh et d'où il est renvoyé en 1886 pour indépendance d'esprit. Dès ce moment, il étudie l'œuvre de Cézanne et s'intéresse au Pointillisme. Il voyage en 1887 en Bretagne avec Anquetin et, séduit comme lui par la " japonaiserie ", cherche à simplifier et à cloisonner les plans colorés (Pot de grès et pommes, 1887, Paris, Orsay). À Pont-Aven, en août 1888, il retrouve Gauguin et le stimule par l'audace théorique de ses œuvres (Bretonnes dans un pré, France, coll. part. ; Madeleine au bois d'amour, 1888, Paris, Orsay) et ses propos doctrinaires. Avec lui, il formule et répand les principes du " synthétisme " et participe, pendant l'Exposition universelle de 1889, à l'exposition du café Volpini. Graveur, Bernard initie Gauguin à la zincographie (Bretonneries, 1889, musée de Mannheim), illustre les Cantilènes de Moréas (1888-1892) et cherche à retrouver l'esprit et la technique des xylographies médiévales (Crucifixion, 1894, Brême, Kunsthalle). Une crise sentimentale et religieuse le plonge, dès 1889, dans une période d'impuissance créatrice, où il oscille entre l'influence de Cézanne et la fascination des maîtres italiens (Déposition, 1890, Paris, coll. part.). Un moment séduit par les projets d'" atelier des tropiques " de Gauguin, il rompt bientôt avec lui (1891), déçu de se sentir dépassé et écarté. Après quelques dernières œuvres synthétiques (Bretonnes aux ombrelles, 1892, Paris, Orsay), il opte pour un traditionalisme mystique ou orientalisant, à la faveur d'un voyage en Italie, au Proche-Orient, puis en Égypte (1893-1904), et il défend cette position dans le Mercure de France et la Rénovation esthétique. Ses écrits, sa correspondance avec Van Gogh, Cézanne et Gauguin restent encore aujourd'hui une des principales sources de l'histoire de l'art à la fin du XIXe s.

Bernhard (Lucian)

Peintre allemand (Vienne 1883  – New York 1972).

Lucian Bernhard est avec Ludwig Hohlwein le meilleur représentant de ce que l'on appelle en Allemagne la " Sachplakat ", c'est-à-dire l'affiche-objet. Il a fait ses études à Munich, mais a exercé son activité à Berlin. Ses premières réalisations datent de 1906, notamment pour les allumettes Priester. En 1916, Bernhard est chargé de l'organisation de la campagne d'affichage visant à enrayer l'inflation. Ses créations pour les firmes de cigarettes Manoli, le café Hag, les machines à écrire Adler, le matériel électrique Osram ou Bosch, les chaussures Stiller sont très renommées : Bernhard y a recours à un motif qu'il isole et dont il simplifie la silhouette et élimine les détails. Les couleurs sont vives et posées en aplat. La mise en page joue du rapport entre le texte, qui n'indique que le nom de la marque, et l'image de l'objet lui-même.

Berni (Antonio)

Peintre argentin (Rosario 1905  – Buenos Aires 1981).

Après des études de dessin et une première période néo-impressionniste, Berni s'installe à Paris (1925-1931) où il suit les cours de Lhote et de Friesz avant de se lier avec les surréalistes : ses collages et photomontages seront marqués par ces deux influences. De retour en Argentine, il s'attaque à de grands tableaux de format horizontal dont le contenu social et politique engagé est servi par un dessin ferme, un coloris intense et un fini parfait (Desocupados o Desocupacion, 1934) : ce " nouveau réalisme " (du nom du groupe fondé par Berni en 1932) sera salué par Louis Aragon. En 1958, le renouvellement viendra de l'invention de deux figures, Juanito Laguna, l'enfant des bidonvilles, et Ramona Montiel, la " prostituée au grand cœur ", que Berni met en scène dans de gigantesques collages et assemblages faits des rebuts de la société qu'il critique (Juanito se baignant au milieu des boîtes de conserve, 1974). Le M. A. M. de la Ville de Paris a organisé une rétrospective en 1972, le M. B. A. de Buenos Aires en 1984.

Bernin (Gian Lorenzo Bernini dit en France le Cavalier)
ou Gian Lorenzo Bernini dit en France le Bernin

Sculpteur, architecte, dessinateur et peintre italien (Naples 1598  – Rome 1680).

L'activité de Bernin comme peintre fut relativement restreinte : on s'accorde à lui attribuer une douzaine de portraits d'hommes et à dater la majeure partie de ceux-ci v. 1625. Mais ces tableaux (les plus beaux à la Gal. Borghèse et à la Gal. Capitoline à Rome), parfois donnés à Velázquez du fait de leur harmonie grise et rose (qui semble d'ailleurs n'avoir pas laissé indifférent le maître espagnol), font de lui un des plus fins observateurs du visage humain au XVIIe s. Les dessins, plus variés dans leurs sujets — portraits, caricatures, académies, plans de monuments — montrent la richesse de tempérament du maître, à qui la Rome actuelle doit encore en grande partie son visage.

Berruguete (Alonso)

Peintre espagnol (Paredes de Nava v. 1488  – Tolède 1561).

Instruit par son père, P. Berruguete, dans l'art de peindre, il étudia également la sculpture et l'architecture. À Rome, où il se trouvait en 1508, il devint le disciple de Michel-Ange, puis travailla à Florence, où il participa à l'achèvement du Couronnement de la Vierge (Louvre), commencé par Filippino Lippi. Berruguete semble avoir exercé alors une influence décisive sur Pontormo et Rosso, mais les œuvres de cette période sont encore mal connues (Salomé, Offices ; Sainte Famille, gal. Borghèse, Rome ; Madone, Munich, Alte Pin.). De retour en Espagne v. 1518, il jouit d'une réputation supérieure à celle de tous les artistes de sa génération même si sa carrière est difficile. Peintre de Charle V, il ne réalise pas les peintures murales de la chapelle royale de Grenade et se consacre essentiellement à la sculpture. L'influence de Michel-Ange est sensible dans ses sculptures, tandis que ses œuvres peintes l'apparentent au maniérisme toscan de Rosso et à celui des élèves de Raphaël. Dans le retable consacré à saint Benoît (musée de Valladolid) apparaissent les interférences entre peinture et sculpture. Berruguete dote ses statues d'une riche polychromie et donne aux personnages des tableaux un relief accusé. Le paysage est à peine évoqué ; sur un fond neutre, le modelé accentué des corps, l'abondance des draperies agitées et les attitudes tourmentées transposent en peinture l'art fougueux du sculpteur. La Nativité et la Fuite en Égypte se déroulent sous une lumière crépusculaire ; la palette aux tons froids, où les gris prédominent, durcit les contours. Le visage de la Vierge s'inspire de Raphaël, mais les physionomies masculines évoquent les prophètes de la Sixtine. Le sens dramatique et le goût du clair-obscur deviennent plus intenses dans les tableaux du retable du collège des Irlandais à Salamanque v. 1530 et celui du couvent de Sainte-Ursule à Tolède (1546). On attribue également à Alonso Berruguete une Crucifixion conservée au musée de Valladolid, une série de panneaux avec des Scènes de la vie de la Vierge et de sainte Lucie à l'église S. Eulalia de Paredes de Nava et une Mise au tombeau à l'église S. Pietro de Fuentes de Nava. D'intéressants dessins, préparatoires à ses œuvres sculptées sont conservés à Florence (Offices) et à Paris (Louvre et E.N.S.B.A.).