Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
O

Orcagna (Andrea di Cione, dit [l'])

Peintre italien (documenté à Florence de 1343 à 1368).

Il fut le principal artisan du tournant opéré dans le cours de la peinture florentine tel que l'avaient tracé Giotto et ses disciples durant la première moitié du XIVe s., tournant qui se manifesta par un appauvrissement certain et, en fait, par une sorte de réaction. Dans son œuvre la plus importante, le retable de la chapelle Strozzi à S. Maria Novella à Florence, de 1357 (le Christ en gloire entouré de saints), la mise en place sévèrement symétrique des éléments figuratifs a une signification purement héraldique. On y remarque une tendance à tout réduire à un profil rigide ou à une stricte frontalité, schématisant les formes solennelles et synthétiques de Maso di Banco, le grand disciple de Giotto dont Orcagna dépend. La réalisation du pavement en verticale absolue, l'absence de toute structure architectonique accusent un abandon total des problèmes de représentation de l'espace au profit d'une figuration néo-médiévale et hiératique de concepts transcendantaux. Cette manière influença toute l'école florentine jusqu'à Lorenzo Monaco. Toutefois, dans la prédelle (Messe de saint Thomas, Appel de saint Pierre, Mort de l'empereur Henri, Rédemption de son âme) du polyptyque de S. Maria Novella et dans certaines parties des restes des fresques de S. Croce (Triomphe de la mort, l'Enfer, Florence, Opera di S. Croce, œuvres exécutées vers 1345), l'art d'Orcagna se réhabilite par un rappel plus frappant de la solennité de Maso di Banco.

   La mort l'empêcha de terminer le retable de San Matteo commencé en 1367 (Offices), achevé par son frère Jacopo. Andrea Orcagna était aussi frère de Nardo di Cione.

orientalisme : les écoles étrangères

Par son rôle décisif, la France semble parfois éclipser la participation d'autres pays à la découverte picturale de l'Orient : le coupd'envoi donné par les grands interprètes de la campagne d'Égypte, comme Gros, confère au mouvement l'ampleur de la peinture d'histoire, ambition exceptionnelle dont se souviendra Delacroix. Pourtant, l'orientalisme, qui rassemble des mondes fort différents, du Maghreb au Levant, apparaît d'abord comme la création du regard occidental dans son ensemble, que chaque contribution est venue enrichir.

   Si le terme d'" école " convient mal à la production italienne, éclatée en des centres différents, l'intérêt pour l'Orient y est plus qu'ailleurs partagé, et depuis plus longtemps comme l'indique le célèbre portrait du sultan Mohammed II par Gentile Bellini exécuté à Constantinople en 1480. L'égyptomanie trouve en Italie une expression précoce, inaugurée par Piranèse dès 1769, que confirme le goût des collections installées dans les musées de Rome et de Turin. Plusieurs artistes accompagnent les missions archéologiques, dont celle, franco-toscane, de 1828 avec Champollion est représentée par Giuseppe Angelelli au milieu des ruines de Thèbes. Dans le pays où se développera le Risorgimento, le philhellénisme trouve autour de 1830 un écho très favorable, interprété entre autres par Francesco Hayez (1791-1882). L'implantation de nombreuses colonies italiennes en Orient y attire en même temps les peintres qui, tel Ippolito Caffi (1809-1866), rapportent des œuvres nombreuses et séduisantes. Sensible à cette ouverture exotique mais sans voyager, Domenico Morelli (1826-1901) cherche à renouveler la peinture biblique. Après son indépendance, l'Italie s'engage dans la compétition coloniale, particulièrement en Éthiopie, et l'œuvre de Cesare Biseo (1843-1909) s'en fait l'écho. Mais c'est à un Espagnol que l'orientalisme doit peut-être en Italie son expression la plus brillante. Envoyé en 1860 et 1862 au Maroc pour y commémorer les victoires militaires de son pays, le Catalan Mariano Fortuny (1838-1874) y découvre le papillotement lumineux qui, associé à l'héritage de Goya, devient irrésistible pour de nombreux peintres. Admiré à Paris, il s'impose surtout à Rome, où il est arrivé en 1858. L'exemple de Byron, posant en costume albanais pour les fringants portraits de Thomas Phillips en 1813-1814, n'a pu laisser indifférents ses compatriotes. Sir William Allan (1782-1850) s'inspire de son philhellénisme, dénonçant, dans ses marchés d'esclaves, les cruautés ottomanes. À l'influence littéraire se conjugue alors le goût du sublime, sensible dans les premières œuvres de David Roberts (1796-1864), invitant à la comparaison avec John Martin. Pourtant, l'orientalisme s'exprime moins en Angleterre dans la peinture d'histoire que dans la vue de voyage, encouragée par la vogue souveraine de l'aquarelle. De son séjour en Égypte et en Terre Sainte en 1838-1839, Roberts rapporte de nombreuses études de sites bientôt célèbres par la lithographie. Les œuvres orientales de David Wilkie (1785-1841), exécutées pendant son voyage de 1840-41, connaissent le même succès dans la publication. Frederick Lewis (1805-1876) renouvelle l'orientalisme anglais en renonçant à la grandiloquence : ses scènes de la vie quotidienne sont empreintes d'un réalisme serein et se distinguent par un fourmillement de détails, caractéristique de la production britannique, différent de la vision contemporaine d'un Gérôme, plus synthétique. La même tendance apparaît chez les Préraphaélites qui, après les souhaits de Wilkie et à l'instar de Vernet en France, font revivre, tel William Holman Hunt (1827-1910), des scènes bibliques dans un décor oriental contemporain.

   Peu d'orientalistes de l'école américaine sont allés à la rencontre du Levant ou du Maghreb avant la guerre de Sécession (1861-1865). C'est donc un Orient déjà très observé qu'ils ont traduit, dans un style souvent marqué par leurs maîtres français : l'atelier de Bonnat accueille à Paris plusieurs de ces peintres comme celui de Gérôme très tôt reconnu outre-Atlantique. Il est évident que l'œuvre des orientalistes américains est dénuée de cet esprit souvent passionné qui nourrit, surtout dans les premiers moments de l'orientalisme, la peinture européenne. Ils ne sont pas pourtant en Orient démunis de références familières et plusieurs ont remarqué des ressemblances entre les Égyptiens et les Indiens d'Amérique du Nord. Les grands espaces désertiques semblent aussi les avoir plus tentés que les Européens. Deux artistes, par la diversité de leur œuvre et de leur tempérament, sont particulièrement représentatifs de l'école américaine. Edwin Lord Weeks (1849-1903), grand voyageur, arpente l'Orient de Tanger à Ispahan avant de séjourner deux ans en Inde. Frederick Arthur Bridgman (1847-1928) est un spectateur assidu de la vie algérienne et, à l'instar de son maître Gérôme, procède aussi à des reconstitutions archéologiques dans des compositions égyptiennes ou assyriennes. L'engagement orientaliste des pays germaniques est d'abord resté discret. L'Autriche se méfie de l'Empire ottoman qui jouxte au sud ses frontières et plusieurs artistes comme Pettenkoffen rencontrent l'exotisme chez eux, du côté de Szolnok, en Hongrie, où ils peignent les tziganes. Aucun orientaliste ne fait carrière à Vienne et les plus célèbres d'entre eux comme Léopold Carl Müller (1834-1892) et Ludwig Deutsch (1855-1935) trouvent leur public respectivement à Londres et à Paris.

   Pendant la plus grande partie du XIXe siècle, l'Allemagne n'a pas en Orient les ambitions de la France ou de la Grande-Bretagne. L'avènement sur le trône de Grèce du roi Othon de Bavière en 1833, quelques expéditions diplomatiques ou scientifiques, comme celle dirigée par le savant Lepsius en Égypte (1842), font naître des vocations isolées, éclatement accentué par celui des centres artistiques. L'influence parisienne paraît souveraine chez les peintres les plus talentueux comme Carl Spitzweg (1808-1885), épris de Decamps et de Marilhat, ou chez Adolf Schreyer (1828-1899), proche de Fromentin. D'autres comme Carl Haag (1820-1915), venu y approfondir sa technique de l'aquarelle, trouvent à Londres leur public. Avec l'avènement de Guillaume II se développe une politique orientale et l'œuvre importante de Bauernfeind (1848-1904), consacrée surtout à la Syrie et à la Palestine, en est le reflet. Comme l'indiquent le succès et l'ampleur de l'exposition d'art musulman organisée à Munich en 1910, l'attrait pour l'Orient s'intensifie en Allemagne au début du siècle. Autre témoignage de cette curiosité, l'importance de l'Orient mythique pour les décorateurs des Ballets russes, les peintres russes de la fin du XIXe siècle (tel Verechtchaguine) ayant déjà exploité la charge de pittoresque offerte par les costumes et les coutumes des parties lointaines de l'Empire. Kandinsky à Tunis en 1904-1905, Klee et Macke pendant leur séjour dans le même pays en 1914, trouvent librement, moins marqués que les Français par des aînés orientalistes encombrants, la voie d'expressions nouvelles. En dépit de tentatives disparates, souvent unifiées, il est vrai, par l'influence de maîtres français, tels Vernet, Fromentin ou Gérôme, s'imposent ainsi quelques convergences occidentales. Le reportage exotique contribue, avec le secours de l'aquarelle, au triomphe général de la scène de genre. La peinture religieuse croit, avec la découverte in situ d'acteurs et de décors plausibles, à un nouveau souffle biblique. Mais c'est surtout vers l'art islamique, d'abord littéralement reproduit, puis interprété, que convergent les regards, y pressentant, associé à l'étude de la lumière, une source essentielle de renouvellement plastique.