Canogar (Rafael)
Peintre espagnol (Tolède 1935).
Élève de Vazquez Diaz de 1948 à 1953, il s'orienta ensuite vers les techniques de l'Abstraction, et, en particulier, vers les effets de matière. Membre du groupe El Paso dès sa création en 1957, sa peinture acquiert vers cette date ses principaux caractères : qualité onctueuse de la matière, arabesque des tracés, force expressive. L'influence de l'Action Painting américaine y est sensible, l'exécution fait appel non seulement à la puissance, mais aussi au rythme et à la mesure. Les problèmes de l'espace, de l'environnement, du mouvement vont ensuite l'emporter et amorcent, vers 1963, un retour progressif à la réalité et à une figuration complexe, de plus en plus narrative. Cette évolution, très semblable à celle de la Nouvelle Figuration, doit beaucoup au langage objectif du pop art, et Canogar exécute au début des années 70 des reliefs et des assemblages qui témoignent des techniques conjuguées de la peinture et de la sculpture. L'année 1976 marque un retour à la peinture abstraite. Canogar a participé à d'importantes expositions de groupe : 1960 à New York " New Spanish Painting & Sculpture ", M. O. M. A. ; " Before Picasso, After Miró ", Guggenheim Museum, 1962 ; Biennale de Venise. En 1971, il obtient le grand prix international de la Biennale de São Paulo, et le M. A. M. de la Ville de Paris lui consacre une exposition personnelle en 1975.
Il est représenté dans les musées d'art moderne de Cuenca, de Madrid, de Barcelone, de Bilbao, de Turin, de Rome, de Caracas, de São Paulo et de Pittsburgh (Carnegie Inst.).
Canon (Hans Johann Baptist von Strasšiřipka, dit)
Peintre autrichien (Vienne 1828 – id. 1885).
De passage à l'Académie de Vienne en 1845, il étudia avec Waldmüller (1847), puis poursuivit une carrière militaire (1848-1855) en même temps qu'il pratiqua la lithographie. Il dut quitter Vienne pour des raisons politiques, à la suite de la publication d'une série de caricatures, résida à Londres, puis de 1862 à 1869 à Karlsruhe, où il fut nommé professeur à l'École des beaux-arts et réalisa des cycles décoratifs. Hans Thoma et Wilhelm Trübner furent ses élèves. Il retourna à Vienne en 1873, sollicité par le comte Hans Wilczek, mécène et collectionneur, et par le Kronprinz Rudolf, dont il fit le portrait. Son chef-d'œuvre, le Cycle de la vie (1884/85), immense toile allégorique, décore le plafond de l'escalier monumental du Museum d'histoire naturelle de Vienne. On apprécie mieux aujourd'hui l'art puissant et généreux et si personnel de cet artiste, malgré l'influence de Rubens, sensible dans sa composition. Sa manière baroque s'oppose diamétralement au style roide des œuvres monumentales de Rahl et lui donna une certaine importance parallèlement à celle de Makart. Continuateur des grands maîtres baroques — il est d'ailleurs le descendant de Martino Altomonte —, Canon s'est également distingué comme portraitiste et caractérise ses modèles tout en respectant la ressemblance : le Peintre J. W. Schirmer (1862, musée de Karlsruhe), le Maréchal Franz von Hauslab (1875, Vienne, Österr. Gal.). Les musées de Karlsruhe et de Vienne possèdent un grand nombre de ses œuvres.
canon
Règle fondée sur une observation rationnelle de la nature, mais révisée selon un système abstrait de rapports et de nombres (dépendant parfois de spéculations philosophiques), qui permet d'établir les proportions et les formes d'un type humain idéal.
La Grèce et Rome
À la différence du canon égyptien, qui nous est partiellement inconnu ou du moins difficile à préciser exactement, l'existence du canon grec n'est pas douteuse. Polyclète l'a fixé avec son Doryphore (avant lui, Phidias avait fait une tentative v. 450 av. J.-C. en créant sa Lemnia), établissant ainsi le modèle des types à venir. Le Doryphore, que les Grecs appelaient " Canon ", représentait un jeune athlète argien, de proportions plutôt larges et courtes (selon Quintilien). Le module de base n'est pas métrologique, mais réel ; il est fourni par la largeur du doigt. Multipliée par 4 cette largeur, ou dactyle, constituait la palme (largeur de la main). À partir de celle-là, toutes les dimensions étaient calculées selon de savants rapports, vérifiés dans la nature : on pouvait conclure des dimensions d'une partie à celle du tout, et réciproquement. Comme chez les Égyptiens, le canon grec n'est pas resté immuable : il s'est modifié au cours du temps, et cela dans le même sens que les ordres d'architecture, passant des formes robustes aux formes élancées. Amincissement des proportions du corps, stature plus haute, diminution du volume de la tête, tel a été le nouveau canon proposé par Lysippe. La tête, d'ailleurs, a été choisie pour servir de mesure proportionnelle. Elle est comprise 8 fois environ dans la hauteur du corps (canon de l'Apoxyoménos, copie conservée au Vatican, de l'Apollon du Belvédère et de l'Agias).
L'influence du canon de Lysippe et des nouvelles proportions a dépassé son époque. Les Romains l'adoptèrent, et Vitruve a fixé, comme mesure proportionnelle, le visage, compris 8 fois dans la hauteur du corps.
La Renaissance
Les invasions barbares effacèrent pendant des années toute idée de canon lysippien : les personnages des tympans romans mesurent parfois 12 ou 15 têtes. À la Renaissance, les règles de proportion dues à Vitruve (selon lui, la forme de la colonne et du temple devait être déduite de celle du corps humain) resurgirent. Le premier peut-être qui ait cherché à revenir à des règles fut Leon Battista Alberti (De re aedificatoria, 1485, et Della Statua). Pour Alberti, la longueur du pied est la sixième partie du corps humain. Léonard de Vinci et Albrecht Dürer montrèrent qu'il n'y avait pas une, mais plusieurs règles possibles (pour Dürer, il peut y avoir 7, 8 ou 9 têtes dans la hauteur du corps). L'idée de la beauté fondée sur les proportions du corps humain se complique pour les théoriciens et les peintres néo-platoniciens. Pour eux, on ne peut saisir le jeu des proportions du corps humain que si on en a une image intérieure : l'ordre naturel, la mesure et l'idée s'éclairent réciproquement. " On appelle arts les sciences qui ont recours aux mains ; ils doivent avant tout leur acuité et leur perfection à la puissance mathématique, c'est-à-dire à la faculté de compter, de mesurer et de peser, qui relève plus que toutes de Mercure et de la Raison, sans elle tous ces arts hésitent à la merci de l'illusion " (Marsile Ficin, 1492). En résumé, le canon résulte à la fois d'une subordination de l'esprit aux mathématiques et d'une expérience de l'harmonie du monde. Dieu, la nature et les mesures naturelles de l'homme concourent à en imposer l'exigence.
À l'époque maniériste, le pythagorisme encore objectif d'Alberti se transforme en un symbolisme et une psychologie. Lomazzo prône une esthétique de la grâce qui a pour conséquence une élongation des figures : les formes se courbent et n'opposent plus de résistance. " Il ne faut pas toujours se soumettre à la proportion naturelle, mais à la grâce de la figure. La proportion qui sera la plus belle, c'est celle-là qu'il faut suivre. " (Lomazzo, Trattato, 1538.) Aussi l'allongement des corps est-il un des modes d'expression favoris des peintres maniéristes et leur permet-il des effets raffinés ou surprenants : les œuvres de Pontormo ou de Parmesan, des peintres de Fontainebleau, de Spranger ou de Greco en témoignent assez.
Après la Renaissance
La référence aux canons antiques sera la règle dans l'enseignement académique du XVIIe au XIXe s., le nombre de têtes compris dans la hauteur du corps variant de 7 à 8 selon les peintres. À l'époque néo-classique, on prône plus que jamais la stricte conformité aux modèles gréco-romains ; certains peintres, cependant (Guérin, Girodet), recherchent des effets rares et précieux de figures longues aux têtes petites. Ingres, de son côté, poursuit la qualité de la ligne en bouleversant au besoin tous les canons admis (Grande Odalisque, 1814 ; Bain turc, 1862). Actuellement, comme au début du Moyen Âge, les artistes jouissent d'une grande liberté, les formes éclatent et les canons n'ont plus guère de valeur.