Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Berruguete (Pedro)

Peintre espagnol (Paredes de Nava v.  1450  – id. v. 1503 ou 1504).

Originaire de Vieille-Castille, dont l'activité artistique est dominée dans la seconde moitié du XVe s. par des maîtres flamands appelés par les Rois Catholiques, il poursuit la tradition gothique tout en l'enrichissant des nouveaux apports de la Renaissance italienne. Peu de documents concernent ses travaux, et ils sont presque tous relatifs à des œuvres disparues.

   Un séjour du peintre en Italie, au début de sa carrière, est admis par la plupart des historiens. R. Longhi, le premier, a reconnu la main de Berruguete dans une partie de la décoration du studiolo de Federico da Montefeltre au palais ducal d'Urbino, identification confirmée par la découverte de deux documents. L'un, dans les archives notariales d'Urbino, signale en 1477 la présence d'un peintre nommé " Pietro Spagnolo " ; l'autre, dans le discours de Pablo de Céspedes (1604), mentionne qu'un peintre espagnol exécuta des portraits d'hommes célèbres au palais d'Urbino. Cette décoration comportait 28 figures de savants et de philosophes de l'Antiquité et des Temps modernes, présentés à mi-corps sur deux registres au-dessus d'un décor de marqueterie (14 au Louvre, 14 au palais d'Urbino). Si le dessin préparatoire et une partie de l'exécution peuvent être attribués à un Flamand, Juste de Gand, l'intervention de Berruguete est manifeste dans les modifications apportées au décor architectural et à un grand nombre de figures. Elle l'est également pour le Portrait du duc Federico avec son fils Guidobaldo (Urbino), pour le panneau représentant le Duc, son fils et les membres de sa cour recevant les leçons d'un humaniste (Hampton Court) ainsi que pour les 4 Allégories des arts libéraux peintes pour le studiolo du palais de Gubbio (2 à Londres, N. G. ; 2 détruites à Berlin). Pendant son séjour à Urbino, Berruguete dut rencontrer de nombreux artistes attirés par le mécénat ducal et certainement Piero della Francesca, pour qui il exécuta les mains et le casque de Federico dans son tableau de la Vierge entre les saints (Brera). Il est vraisemblable qu'il visita la Toscane et Venise, où il peignit le Christ soutenu par deux anges (Brera), qui provient de l'église S. Maria della Carità. Son départ d'Italie dut coïncider avec la mort du duc Federico (1482). À Tolède, des documents signalent qu'il exécuta des fresques (disparues) dans le " Sagrario " (1483, 1488), le cloître et la chapelle du St Sacrement (1494, 1495) de la cathédrale. L'artiste peignit surtout un grand nombre de retables dans les provinces de Palencia, de Burgos, de Ségovie et finalement à Ávila. Peu après son retour d'Urbino, il dut exécuter les 2 panneaux de la Vie de saint Jean-Baptiste (église de S. Maria del Campo) et la Messe de saint Grégoire (musée de Burgos) ; il a gardé un souvenir précis des pilastres cannelés et des tympans en coquille de l'architecture renaissante ainsi que des compositions spatiales et lumineuses apprises de Piero della Francesca. Pour 3 églises de Paredes de Nava, sa ville natale, il peignit d'importants panneaux : 1 Saint Pierre martyr (musée paroissial S. Eulalia), 2 scènes de l'Histoire de sainte Hélène et du Miracle de la Croix (église S. Juan Bautista) et le Retable de la Vierge (église S. Eulalia). À la prédelle, les rois de Juda rappellent l'expression sereine et grave des Sages d'Urbino, et confirment la collaboration de Berruguete au studiolo ducal.

   À Becerril de Campos, le Retable de la Vierge (église S. Maria) inaugure une nouvelle étape dans l'évolution de l'artiste, qui se dégage de plus en plus de ses souvenirs italiens et retrouve les formes gothiques, encore très en honneur dans la Castille des Rois Catholiques. Les scènes se situent dans un espace plus restreint, l'expression des personnages est plus réaliste, enfin les fonds d'or, les plafonds " artesonados " et les accessoires se multiplient. À cette époque peuvent être rattachés les 3 scènes de la Vie de la Vierge (Palencia, palais épiscopal) et le Miracle des saints Cosme et Damien (Covarrubias, collégiale). Puis le peintre travailla pour le couvent de S. Tomás de Ávila, administré par le prieur Fray Tomas de Torquemada, Grand Inquisiteur et confesseur de la reine. Au maître-autel dédié au saint titulaire, 4 grandes scènes quadrangulaires montrent l'intérêt particulier que Berruguete porte à la composition du retable et son indéniable originalité. Des figures à grande échelle, pour être lisibles de loin, tracées d'une ligne incisive sur des fonds plats, confèrent à l'ensemble un caractère monumental. Ces mêmes qualités se retrouvent dans les scènes du Retable de la Passion (cathédrale d'Ávila), pour lequel l'artiste reçut un paiement en 1499. Il n'exécuta que l'Agonie, la Flagellation et les 8 figures en pied de la prédelle ; Santa Cruz et Juan de Borgoña achevèrent l'ouvrage après sa mort. Peints également à Ávila, pour S. Tomás, les 10 panneaux de la Vie de saint Dominique et de saint Pierre (Prado), les grandes toiles de l'Épiphanie, Saint Pierre et Saint Paul (Prado) composaient sans doute les portes de l'orgue à l'église S.Pedro d'Ávila. En 1501, il reçoit commande d'un retable pour l'église de Guaza de Campos dont il reste un Salvador mundi (musée de Palencia).

   Avec l'Annonciation de la chartreuse de Miraflores (près de Burgos), il faut de nouveau évoquer des souvenirs ramenés d'Italie par l'artiste, qui avait peut-être vu la composition d'Antonello de Messine (musée de Syracuse) ou, mieux, le prototype, perdu, dû à Colantonio. Peintre de grands retables, Berruguete a exécuté des petits tableaux de piété ; citons : un diptyque de la Passion (cathédrale de Palencia), la Vierge et l'Enfant (coll. part. et musée municipal de Madrid). La région de Palencia fut un des centres artistiques les plus actifs du début du XVIe s. en Espagne, et de nombreux artistes, tels les Maîtres de Becerril et de Portillo, suivirent la voie tracée par Pedro Berruguete.

Berthélemy (Jean-Simon)

Peintre français (Laon 1743  – Paris 1811).

Élève de Noël Hallé, Berthélemy obtint le premier prix de Rome en 1767 avec son Alexandre tranchant le nœud gordien (Paris, E.N.B.A.). À son retour de Rome en 1781, il fut reçu à l'Académie (Apollon et Sarpédon, musée de Langres) ; il exécuta des plafonds pour le château de Fontainebleau (1786), le Louvre (1802) et pour le palais du Luxembourg (ces derniers auj. détruits). Il fut de 1791 à 1807 dessinateur des costumes de l'Opéra et l'un des plus appréciés peintres d'histoire et de tableaux religieux de tendance baroque de la seconde moitié du XVIIIe s. (Manlius Torquatus condamnant son fils à mort, 1785, musée de Tours : Constance d'Éléazar, 1789, musée d'Angers). On lui doit certains des tout premiers tableaux à sujet d'histoire médiévale (Reprise de Paris sur les Anglais, 1787, Louvre). Son style de peintre et de dessinateur oscille entre un goût du brio tout " dix-huitième siècle " et un souci de rigueur d'esprit néo-classique.