Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
P

phylactère

Banderole (du gr. phulaktêrion, ce qui sert à protéger) enroulée à ses extrémités, imitant souvent le parchemin et sur laquelle figure une inscription. Dans la peinture chrétienne du Moyen Âge, les phylactères servent à inscrire les paroles prononcées par les personnages représentés : texte de l'archange Gabriel dans la salutation angélique, du Gloria pour les anges de la Nativité. Ils sont souvent présentés par des anges, par des personnages qui discourent ou disposés dans la scène, notamment lorsqu'ils portent un texte qui la commente : prophétie, illustration d'un psaume, d'une allégorie. Utilisés ainsi, ils sont comparables aux " bulles " qui contiennent les paroles des personnages dans les bandes dessinées modernes. Ils servent également comme éléments des compositions décoratives des bordures dans les manuscrits à peintures.

Piazza da Lodi

Famille de peintres italiens (première moitié du XVIe s.).

 
Les frères Alberto (Lodi v. 1490-1528-1529) et Martino (Lodi 1475/1480 – v. 1523), tous deux élèves de Bergognone et actifs à Lodi, reflètent dans leur art la culture éclectique de Milan et de Brescia au début du XVIe s. Albertino, le plus doué des deux frères, est sensible à l'influence de Léonard et de Pérugin, et présente quelques affinités avec Solario. Martino reste plus lié au contraire à l'école de Brescia et s'inspire surtout des modes de Vicenzo Civerchio. Le polyptyque représentant la Vierge et des saints avec un donateur de l'église de l'Incoronata, à Lodi, est une œuvre commune des deux frères, terminée par Callisto. On peut voir leurs œuvres notamment dans le musée et les églises de Lodi (Dôme, Incoronata, S. Agnese, S. Maria della Pace), les musées et coll. part. de Milan.

 
Callisto (Lodi, v. 1500-1561) , fils de Martino, se rattache à l'école de Brescia, où il travailla, et en particulier à Moretto, dont on retrouve la manière dans la Nativité (Brescia, Pin. Tosio Martinengo) de 1524 et dans de nombreuses fresques et dans de nombreux tableaux des églises du Valcamonica (Borno, Breno, Cividate, Erbanno, Esino), par exemple. Vers la quatrième décennie, il s'orienta vers le maniérisme romaniste de Giulio Romano et de Pordenone, comme on peut le voir dans ses œuvres milanaises de la Brera et dans les Noces de Cana (1545), peintes à fresque dans le réfectoire de S. Ambrogio (Università Catolica). Il travailla à plusieurs reprises à l'église S. Maria Incoronata (Lodi) et, dans sa vieillesse, à Plaisance. Son œuvre, fort abondant, essentiellement des peintures et des fresques religieuses, à Lodi, Milan et dans la région de Brescia, comporte quelques scènes de genre (Concert, Philadelphie, Museum of Art, coll. Johnson).

Piazzetta (Giovanni Battista)

Peintre italien (Venise 1682  – id. 1754).

La tension dramatique des œuvres de Piazzetta, personnalité puissante et originale de la peinture vénitienne du XVIIIe s., semble rattacher cet artiste à la tradition des " tenebrosi ". Piazzetta est pourtant chargé de ferments innovateurs, que révèle la fougue de sa touche grasse et pétrie de lumière, annonciatrice des grâces légères du rococo. Après une formation à Venise, chez Antonio Molinari (un épigone justement de l'école des " tenebrosi "), il séjourne à Bologne, où, v. 1703, il travaille dans l'atelier de Giuseppe-Maria Crespi ; c'est de ce maître que viennent la saveur de sa matière onctueuse, vive et frémissante, et son goût pour la tache et les clairs-obscurs heurtés. Il en résulte une peinture dramatique à grand effet, caractérisée par des contrastes audacieux, des tonalités sombres et roussâtres et une touche large et décidée. Une des œuvres les plus représentatives de ce moment est le Saint Jacques conduit au martyre (1717, Venise, église S. Stae), où les figures des deux protagonistes se détachent avec vigueur sous le jeu dramatique des lumières et des ombres ; la palette est typique de cette période avec ses bruns, ses rouges brique, qui donnent au tableau une tonalité chaude, presque brûlée.

   Durant la troisième décennie du siècle, Piazzetta semble redécouvrir la richesse d'un coloris plus clair, irisé de lumière : entre 1725 et 1727, il peint la Vierge apparaissant à saint Philippe Neri (Venise, église S. Maria della Fava ; esquisse au Museum of Art de Philadelphie), dont les couleurs paraissent s'embraser sous l'effet de la lumière. C'est aussi des alentours de 1725 que doit dater la Gloire de saint Dominique (Venise, voûte de l'église S. Giovanni e S. Paolo), l'unique grande décoration du peintre, qui dut se souvenir ici de celle qui avait été peinte par Crespi au Palazzo Pepoli à Bologne. La composition est construite sur un schéma hélicoïdal ; peintes dans un raccourci saisissant, les grandioses figures blanches et grises des dominicains s'appuient à une balustrade bordant le cadre ovale du plafond. Dans une spirale d'anges, saint Dominique est transporté aux cieux, où, au centre même du tableau, l'accueille la Vierge, baignée de lumière. De la même époque datent la " pala " avec l'Ange gardien et les saints Louis et Antoine (Venise, église S. Vidal) et le Repas d'Emmaüs du musée de Cleveland. De 1732 environ date l'Extase de saint François (musée de Vicence), œuvre émouvante et hardie, animée de jets de lumière imprévus qui révèlent et sculptent les personnages sur le ciel nocturne.

   La grande toile l'Assomption de la Vierge (1735, Louvre) peinte à la demande du prince électeur de Cologne marque un tournant décisif dans la technique de Piazzetta : " Il s'éloigne de sa première manière aux coloris plutôt sombres, pour peindre avec grâce, dans des teintes charmantes ", note justement Albrizzi (1760) à propos de cette composition, où, dans une lumière blonde et unie, des anges transportent la Vierge aux cieux. L'artiste emploie la même gamme dans le retable peint pour l'église des Gesuati à Venise (1739), représentant Saint Vincent, sainte Jacinthe et saint Louis Bertrand, où la silhouette claire du saint en manteau blanc est à la fois le centre et le pivot de la composition. C'est sa période de " lumière solaire ", selon l'heureuse expression de A. Longhi (1762). Cette touche moins dramatique, plus calme, ce coloris plus réaliste caractérisent toute une série de tableaux d'un sentiment plus intime et d'un ton presque populaire, annoncés déjà par le Porte-drapeau de la Gg de Dresde. Ce sont des scènes de l'Ancien Testament traduites en un mode anecdotique, comme Éliézer et Rébecca (Brera), qui devient une simple scène familière, naturaliste et sereine, traitée dans une gamme claire de gris roses et de violets raffinés. Dans sa jeunesse, Piazzetta s'est déjà essayé à la peinture de genre sous l'influence de la personnalité, riche et non dépourvue d'humour, de Crespi ; mais, tandis que son réalisme sombrait alors dans des tonalités dramatiques, une atmosphère détendue, classique et purement " XVIIIe s. ", donne maintenant à ces scènes un aspect assez singulier. Les mêmes éléments caractérisent des " idylles champêtres " (Pastorale, Chicago, Art Inst. ; Idylle sur la plage, Cologne, W. R. M.) ainsi que l'Indovina (la Devineresse) [1740, Venise, Accademia], au visage animé, modelé par une lumière vibrante qui fait palpiter la riche gamme des violets et des bruns. Mais avec les débuts de la cinquième décennie s'amorce la décadence de l'art de Piazzetta. L'outrance des clairs-obscurs artificiels enlève toute spontanéité à l'expression des sentiments et durcit la facture. Cédant au goût de l'époque, le peintre s'essaie, lui aussi, aux sujets historiques (Mort de Darius, Venise, Ca'Rezzonico ; Mucius Scevola, Venise, Palazzo Barbaro) ; mais sa veine inventive semble désormais stérilisée par une certaine grandiloquence théâtrale. En fait, cette dernière période d'activité est à l'origine de certaines critiques adressées au peintre, dont l'œuvre dessiné, puissant et original (notamment d'admirables nus et des têtes d'expression à la pierre noire avec rehauts de blanc sur papier gris ou bleu), n'a, par contre, jamais été réellement mis en discussion.