Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
E

Eggeling (Viking)

Artiste suédois (Lund 1880 Berlin 1925).

Après un premier séjour en Allemagne effectué dans le prolongement de ses études artistiques, Eggeling se rend, en 1912, à Paris où il fréquente le groupe de Montparnasse. Sa rencontre avec Arp, de passage dans la capitale en 1914, le met en contact avec les artistes Dada de Zurich, et le conduit à les rejoindre dès 1916. Sa peinture d'alors se ressent de l'influence du cubisme et du futurisme (Composition, 1916, Locarno, fondation Arp), mais ses dessins abstraits réalisés dès 1917 constituent les premiers maillons d'une recherche plus personnelle : élaborer une construction musicale à partir de formes plastiques élémentaires, réaliser l'osmose entre le mouvement et le temps. Partageant cette aspiration avec Richter rencontré grâce à Tzara, il s'installe en 1919 en Allemagne où les deux hommes travaillent ensemble collaboration essentielle qui les mène à la création des premiers films abstraits réalisés sur le principe du dessin animé. Dès 1921, Eggeling signe Horizontal-Vertical et Symphonie diagonale, chef-d'œuvre du genre par sa grande complexité dans la variation rythmique des figures curvilignes. Sa technique fondée sur les " rouleaux d'images " le retiendra jusqu'à sa mort.

Egger-Lienz (Igenuin Albuin Trojer, dit)

Peintre autrichien (Striebach, près de Lienz, Tyrol,  1868  – S. Justinia, près de Bolzano, Tyrol du Sud, 1926).

Il fréquenta l'Académie de Munich de 1884 à 1893 et s'installa à Vienne de 1899 à 1911, où l'empereur s'oppose à sa nomination comme professeur. Après avoir enseigné à l'Académie de Weimar en 1912-13, il rejoignit l'armée comme volontaire en 1915, puis il retourna dans son pays natal, où il demeura jusqu'à sa mort. Il est avant tout le peintre des paysans tyroliens, dont il a retracé la vie et le combat pour la liberté dans un style tout d'abord anecdotique, inspiré d'une part de la peinture de genre et d'histoire de Munich, d'autre part de celle de son compatriote Defregger. Vers 1905, il subit l'influence de Hodler ; quatre ans plus tard, il s'oriente vers une facture plus dense, parente de l'Expressionnisme. La Danse macabre de 1809 (Der Totentanz Anno Neun, Vienne, Österr. Gal., 1906-1908) marque une transition. Désormais, Egger-Lienz peint la vie rustique à grands traits, et les paysans symbolisent les diverses étapes et états de la vie. Il crée des cycles d'un expressionnisme monumental sur le thème de la guerre (les Héros, 1915 ; les Soldats inconnus, 1916, Vienne, musée de l'armée). La Missa eroïca (1918, Vienne, Heeresgeschichtliche Museum) montre l'aboutissement d'une mise en scène brutalement décorative. C'est surtout dans ces scènes de guerre et dans les allégories modernes (Premiers Jours de printemps, la Vie, 1915, château de Bruck, Osttiroler Heimatmuseum ; Résurrection, 1924, musée d'Innsbruck) que son talent s'exprime avec le plus de véhémence. Plus pittoresque, le style des œuvres postérieures à 1922 (le Bénédicité, 1928, Vienne, Österr. Gal.) n'a rien perdu de son ampleur. Tempête, le Sacrifice des morts, le Ressuscité, tels sont les titres des fresques que l'artiste exécuta à Lienz en 1925 pour la chapelle commémorative de la guerre et qui demeurèrent jusqu'en 1950 frappées d'interdit.

Egmont (Justus Van)

Peintre flamand (Leyde 1601  – Anvers 1674).

Après la mort de son père, sa mère s'établit à Anvers, où il devint l'élève de Kaspar Van den Hoecke en 1615. Après un voyage en Italie, qu'il commença en 1618, il entra dans l'atelier de Rubens. À cette époque, il exécuta une Dernière Cène pour la cathédrale de Malines et collabora au cycle de la Vie de Marie de Médicis, destiné au palais du Luxembourg à Paris. En 1628, il devint maître de la gilde de Saint-Luc à Anvers et, au moment où Rubens partit pour l'Espagne, il alla s'établir à Paris, où il devint peintre de Louis XIII, puis de Louis XIV. Très apprécié en France comme portraitiste, Justus Van Egmont participa également aux grandes décorations dirigées par Simon Vouet. On lui a rendu aujourd'hui des petits tableaux en grisaille, longtemps donnés à Saint-Igny (musées de Rouen, de Versailles, de Nîmes, musée Condé à Chantilly, musée des Arts décoratifs à Paris, musée de Poughkeepsie aux États-Unis). En 1648, il fit partie du groupe des douze fondateurs de l'Académie de peinture et de sculpture. En 1649, l'artiste est mentionné à Bruxelles, et, à partir de 1653, on le retrouve à Anvers.

   Durant la dernière période de sa vie, Van Egmont peignit surtout des cartons pour plusieurs grandes séries de tapisseries, dont les plus connues sont l'Histoire de César (1659) et l'Histoire de Marc Antoine et de Cléopâtre (1661). Détenteur d'une grande fortune, il s'était constitué, dans sa somptueuse demeure anversoise, une importante collection de tableaux, parmi lesquels figuraient des œuvres de Rubens, de Van Dyck, de Holbein, de Jan Boeckhorst, de Pieter Van Mol et de Frans Pourbus II.

Eight (The)

Premier mouvement d'art américain du XXe s., The Eight (" les Huit "), groupe conscient de créer une expression appropriée à une ère nouvelle, doit son nom à l'union de 8 peintres qui — tous rejetés par l'Académie nationale de dessin — exposèrent à la Macbeth Gal., à New York, en février 1908 : Arthur B. Davies, William Glackens, Robert Henry, Ernest Lawson, George Luks, Maurice Prendergast, Everett Shinn, John Sloan. Ils étaient unis par une vive amitié ainsi que par un commun mépris pour la médiocrité des cercles d'art américains officiels. Ils partageaient le même enthousiasme pour le modernisme européen, en particulier pour l'art de Manet, et tous pensaient que le sujet devait être débarrassé du mièvre idéalisme alors à la mode. Quatre membres de ce groupe, Henry, Luks, Sloan et Shinn, s'engagèrent résolument dans une sorte de " reportage réaliste " et peignirent, sans les transposer aucunement, des sujets d'une grossièreté volontaire. Ils ne substituèrent pas des scènes de genre bourgeoises à l'allégorie académique, mais représentèrent souvent la pauvreté, le labeur et la vie indigente. La réaction à leur exposition fut violente ; les critiques et le public raffiné les considérèrent comme des apôtres de la laideur, ce qui leur valut le nom d'" école de la boîte à ordures " (Ash-can School). Le talent, fort différent, de Prendergast, délicat dessinateur marqué par le Néo-Impressionnisme et le Fauvisme, et celui de A. B. Davies, d'une fantaisie lyrique confinant à l'Abstraction, furent submergés par la réaction du public face à ce réalisme âpre et nouveau. Il en fut de même pour Lawson et Glackens, qui relevaient de l'Impressionnisme par leur technique comme par leurs sujets, analogues à ceux de leurs maîtres français. Ils furent englobés dans la même réprobation que les 4 autres. C'est pourquoi le coloris, la composition, le dessin aussi bien que le sujet des œuvres exposées par ce groupe en 1908 furent considérés comme les caractéristiques de la première avant-garde américaine du XXe s., mais il n'y avait aucune cohésion dans le style des Huit.

   Pourtant, leur thématique leur valut la sympathie de jeunes artistes comme George Bellows, Guy Pene du Bois, Glenn O. Coleman, Edward Hopper. Elle fixa les prémisses du Réalisme américain et prépara le terrain à la peinture sociale (Reginald Marsh) et au Pop' Art.