Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
P

Pomarancio (les)

Peintres italiens.

 
Niccolò Circignani, dit Pomarancio (Pomarance [Volterra] v. 1524 – Città della Pieue 1596) , après avoir travaillé à Orvieto, se rendit à Rome, où il décora la coupole de l'église S. Pudenziana (l'Éternel en gloire) et les murs de S. Stefano Rotondo (Scènes de martyrs). Il est l'auteur d'une Annonciation de type raphaélesque (1577, musée de Città di Castello).

 
Son neveu Cristoforo Roncalli (Pomarance [Volterra] 1552-1553 – Rome 1626) l'accompagna à Rome, où il travailla essentiellement au décor des Loges, puis à un ensemble de fresques à la Santa Casa de Lorète (1605-1610 ; Scènes de la vie de la Vierge).

pompier (art)

Expression qui s'emploie pour désigner l'art officiel de la seconde moitié du XIXe s. Le terme de pompier, synonyme de académique, a eu longtemps une résonance très péjorative. Son origine peut être retrouvée — mais sans certitude historique appuyée sur un document — dans les traditions de l'École des beaux-arts. Au moment du Romantisme, les élèves de l'École célébraient ironiquement dans les tableaux de David et de ses émules les guerriers nus porteurs de ces casques antiques que nous retrouvons dans la chanson rituelle des quat' zarts :

    Un casque est une coiffure Qui sied à leur figure Un casque de pompier Ça fait presque un guerrier.

   Des personnages au tableau, du tableau à l'artiste, le chemin était court, et bientôt le qualificatif de pompier s'est appliqué tout naturellement aux maîtres de l'École, aux membres de l'Institut, au jury du Salon. Puis il devait s'étendre à la plupart des exposants de la Société des artistes français comme à ceux de la Nationale des beaux-arts. Et de là aux artistes étrangers qui y participaient ou s'en inspiraient. Au moment où la peinture officielle, de 1848 à 1914, retrouve notre intérêt et notre estime, cette expression devrait, se dégageant des railleries, être utilisée en tant qu'acception historique et pourrait servir de définition — malgré la difficulté de la traduire — pour la plus grande partie de l'art de cette période, celle qui se développe à côté des avant-gardes et qui les normalise rapidement. En 1984, dans un bref essai intitulé Peut-on parler d'une peinture " pompier " ?, Jacques Thuillier s'est interrogé très justement sur la vogue de ce terme et les modalités de son utilisation ; par contre, certains livres qui s'y réfèrent ont quelque peu semé la confusion en cataloguant indifféremment sous ce terme les peintres de la seconde moitié du XIXe s. attachés à la tradition de l'École des beaux-arts et au vérisme né de Courbet, et les artistes romantiques qui se détachent du Baroque et du Néo-Classicisme mais hésitent entre Ingres et Delacroix. Et pourtant la différence existe, subtile, parfois difficile à cerner : mieux étudiée, elle permettra de préciser le concept d'" Art Pompier ", cette entité des années 1848-1914 qui n'est ni un mouvement esthétique défini ni un style particulier, mais un climat artistique international, narratif et décoratif.

Poncet (Marcel)

Peintre et mosaïste suisse (Genève 1894  – Lausanne 1953).

Il étudia à Genève et à Paris, travaillant notamment avec Maurice Denis. Romantique, parfois visionnaire, il rechercha dans l'épaisseur de la pâte des effets de clair-obscur (Corbeille de poissons, 1948, musée de Lausanne). Son œuvre de verrier fut importante pour le renouveau de l'art religieux suisse romand (les Évangélistes, 1921, cathédrale de Lausanne).

poncif

Modèle, dessin ou estampe, en papier ou en carton, destiné à être reproduit sur un autre support. On applique sur un support vierge (toile, mur) le poncif, percé de piqûres faites sur le tracé du dessin. Celles-ci sont destinées à laisser passer la poudre, craie ou noir de fumée, déposée par la ponce, ou poncette, si bien que le tracé du dessin est reproduit schématiquement, en pointillé, sur le support. Cette technique a été très utilisée au Moyen Âge, notamment pour l'exécution des peintures murales et la décoration en série des manuscrits. Par extens., se dit de ce qui est banal, sans imagination.

Pont-Aven

En 1862, deux amis de Corot, Anastasi et François, avaient découvert Pont-Aven, petit bourg de la côte bretonne, blotti dans les collines sauvages qui encadrent la rivière Aven à 15 km à l'est de Concarneau. Ce village fut bientôt fréquenté par de très nombreux artistes français (Bastien-Lepage, Pelouse) ou étrangers (Alfred Stevens, Thaulow, Mesdag ou Mauve). Par " tristesse ", mais surtout pour des raisons économiques, Gauguin s'était une première fois réfugié à Pont-Aven, en juin 1886. Impressionniste encore influencé par Pissarro et Degas, il s'y était néanmoins affirmé original et moderne. Logé à la pension Gloanec, auberge peuplée de rapins et qui devait devenir plus tard son quartier général, il avait, dès lors, opposé ses conceptions au traditionalisme de ses voisins. Il avait rencontré Charles Laval et reçu, assez fraîchement, le jeune Émile Bernard, que lui avait recommandé Schuffenecker.

   Solitaire, il était déjà respecté et pouvait écrire à sa femme sans trop de forfanterie : " Ma peinture soulève beaucoup de discussions et, je dois dire, trouve un accent assez favorable auprès des Américains. " Après son voyage à la Martinique et l'importante expérience de la céramique pratiquée chez Chaplet, il était revenu à la pension Gloanec en février 1888. " J'aime la Bretagne. J'y trouve le sauvage, le primitif. Quand mes sabots résonnent sur ce sol de granit, j'entends le ton sourd, mat et puissant que je cherche en peinture ", écrivait-il alors à son ami Schuffenecker. Malgré l'hostilité de quelques locataires de la pension, il avait été rapidement entouré d'un groupe de peintres : Laval, Moret, De Chamaillard.

   Il apportait son expérience martiniquaise de la couleur, sa pratique des arts décoratifs ; Émile Bernard, sa fougue et son esprit dialectique, le résultat de longues discussions sur l'art avec Anquetin, puis avec Albert Aurier. Tous deux partageaient l'amour des arts primitifs et médiévaux, portaient un intérêt passionné à l'estampe japonaise, un grand respect à l'œuvre de Puvis de Chavannes. Plus âgé, doué d'une personnalité très forte, Gauguin avait rapidement pris le pas sur son jeune ami. Sa Vision du sermon (Édimbourg, N. G.) illustrait avec force la nouvelle manière que Bernard avait indiquée dans ses Bretonnes dans la prairie. Il parla bientôt avec autorité de ce Synthétisme qu'ils allaient développer. Le mysticisme catholique de Bernard, les préoccupations spiritualistes et philosophiques de Gauguin, le rêve commun d'un phalanstère d'artistes, que Van Gogh entretenait par correspondance, tout renforçait la cohésion du groupe, qui était en outre maintenant soutenu financièrement par Meyer de Haan. À Sérusier, " massier " de l'Académie Julian, qui passait à Pont-Aven, Gauguin donna une démonstration impromptue de ses théories. Par le Talisman (musée d'Orsay), petit panneau peint sur les indications de Gauguin, Sérusier ramena à Paris, auprès de ses amis Nabis, l'esprit de Pont-Aven. Aidé financièrement par Théo Van Gogh, Gauguin rejoignit Van Gogh à Arles à la fin d'octobre 1888. Il lui apportait avec autorité l'écho des discussions de Pont-Aven et, en exemple, des toiles réalisées en Bretagne par Bernard et par lui-même. Vincent, jusqu'au dénouement tragique de l'oreille coupée, put croire un moment que le rêve de Pont-Aven, l'" atelier des Tropiques ", allait se réaliser. Leurs œuvres s'enrichirent mutuellement de ce contact.

   En juin 1889, à l'occasion de l'Exposition universelle, Gauguin et ses amis avaient organisé une exposition au café Volpini, où les Parisiens purent découvrir le travail de Pont-Aven : il y avait là des œuvres de Gauguin, de Bernard, de Laval, de deux peintres rencontrés en Bretagne, Roy et Fauché, ainsi que des toiles de Guillaumin, de D. de Monfreid, de Schuffenecker, d'Anquetin et de Van Gogh.

   Le critique d'art et écrivain symboliste Albert Aurier, qui devait plus tard, dans le Symbolisme en peinture (1891), analyser le mouvement conduit par Gauguin, avait déjà décelé dans ces œuvres " une tendance marquée au synthétisme du dessin, de la composition et de la couleur ". Gauguin et Sérusier étaient, semble-t-il, revenus à Pont-Aven à Pâques et s'étaient alors arrêtés au Pouldu, petit village proche de Pont-Aven, mais moins fréquenté par les artistes. Ayant passé l'été à Pont-Aven avec Laval et Sérusier, lassé des critiques des peintres conformistes, Gauguin s'installa le 2 octobre 1889 avec Meyer de Haan à l'auberge de Marie Henry, au Pouldu. L'auberge fut décorée par chacun et devint bientôt le centre de vives discussions animées par Sérusier et Meyer de Haan, l'atelier des techniques les plus diverses, le foyer d'une communauté toute dévouée à Gauguin. Cette exaltation spiritualiste, nourrie de Carlyle et de Milton, cette attention à l'expression individuelle dans l'estampe, la poterie, la taille du bois, le souci de l'ornement, le primitivisme, l'hostilité déclarée au Néo-Impressionnisme et le culte de Cézanne constituaient comme un programme, et les visiteurs ou les participants ne s'y trompèrent pas. Gauguin confiait lui-même plus tard à M. Denis : " Je voulais tout oser, libérer en quelque sorte la nouvelle génération. "

   En raison du caractère cosmopolite du lieu, des allées et venues constantes, des échanges permanents maintenus à l'extérieur avec É. Bernard et les écrivains symbolistes, le groupe de Pont-Aven était réellement devenu un foyer vivant de recherche. Bien que les artistes trop proches de Gauguin aient été écrasés par la personnalité de celui-ci, il y avait là, comme le remarqua plus tard M. Denis, l'effervescence d'une nouvelle école de Fontainebleau. Une autre conception de l'art y était apparue, sans doute préparée par le mouvement anglais de Ruskin à William Morris, qui proposait un nouveau langage des formes, marquait l'égalité des techniques, la réhabilitation des arts décoratifs, les liens nouveaux de l'art et de la vie. De l'Art nouveau au Bauhaus, tout l'art du siècle allait en être marqué.

   Mais, les difficultés matérielles s'accumulant, Gauguin ne rêvait plus que de fuite. Le soutien des symbolistes et le succès d'une vente de ses œuvres, le 23 février 1891, lui permirent de poursuivre son rêve de l'atelier des Tropiques et de partir pour Tahiti. Après son retour en France en 1893, Gauguin revint une fois encore avec sa maîtresse, Annah la Javanaise, à Pont-Aven, à la pension Gloanec, et au Pouldu, à la villa Saint-Joseph. Il semble qu'il y ait peu travaillé, et le séjour s'acheva fort mal, l'artiste ayant été blessé dans une bagarre avec des marins et abandonné par Annah. Gauguin retrouva et rencontra néanmoins de nombreux artistes qui s'intéressaient à son art, tels Armand Seguin, le Polonais Wladyslaw Slewinski, les Anglais Roderic O'Connor et Robert Bevan.

   Le rayonnement du groupe de Pont-Aven ne s'était en effet pas tari avec le départ de Gauguin. Outre les Nabis et les amis de Sérusier, tels Lacombe, Verkade ou Mogens Ballin, de nombreux artistes, comme le Suisse Cuno Amiet, avaient été sensibles à l'esthétique de Gauguin ou séduits par le site. Pont-Aven était maintenant célèbre, et Signac devait dénoncer dès 1891 ce " pays ridicule de petits coins à cascades, pour aquarellistes anglaises ".