Constant (Constant Anton Nieuwenhuys, dit)
Artiste néerlandais (Amsterdam 1920-Utrecht 2005).
Il suivit d'abord les cours d'une école d'art industriel, puis ceux de l'Académie royale d'Amsterdam (1940-1942). Sollicité à ses débuts par Cézanne et Picasso, il est attiré bientôt par les techniques non figuratives. En 1946, au cours d'un voyage à Paris, il découvre l'œuvre de Joan Miró et fait la connaissance d'Asger Jorn — deux rencontres qui l'orientent vers une peinture ludique. En 1948 est fondé à son instigation le groupe expérimental Reflex, dont les membres se rallient quelques mois plus tard à Cobra, aux activités duquel il participera régulièrement ; l'œuvre de Constant s'y distingue par une sensibilité particulière au drame, et la représentation d'animaux familiers y tient une grande place (l'Animal sorcier, 1949, Paris, M. N. A. M. ; Femme et animal, 1951, Amsterdam, Stedelijk Museum) avant que l'artiste n'aborde directement le thème de la guerre (la Guerre, 1951, id. ; Huit Fois la guerre, lithos, 1951, Rotterdam, B. V. B.). Vers 1952-53, son art évolue vers l'Abstraction géométrique (Composition aux lignes bleues, 1953, Otterlo, Rijksmuseum Kröller-Müller). À partir de 1953 environ, sa curiosité, sans cesse en éveil, le conduit à délaisser la peinture pour des recherches originales d'architecture et d'urbanisme : conception et maquettes de " New-Babylon ", ville encore utopique, où l'" homo ludens " sera libéré définitivement par la machine de ses servitudes actuelles (Bonjour de New-Babylon, 1963, coll. part.). Il publie en 1953 un manifeste avec Aldo Van Eijck, Pour un colorisme spatial, et, durant quinze ans, il élabore des maquettes et des plans de sa ville idéale. Lié au groupe des Situationnistes, il rédige en 1958, avec Guy Debord, autour du concept d'" urbanisme unitaire ", la déclaration d'Amsterdam. Dans cet esprit, il crée une série de peintures désignant la place de l'homme dans l'univers, soit d'esprit très informel (Fiesta Gitana, 1964, Utrecht, Centraal Museum), soit très architecturées (Ode à l'Odéon, 1969, La Haye, Gemeentemuseum). Les années 1970 marquent le vrai retour de Constant à la peinture, avec des séries de mises en scène picturales autour des thèmes du pouvoir, de la liberté, de l'amour. Dans des espaces définis par de grands plans, l'artiste place de petits personnages en taches (La liberté insulte le peuple, 1975, Amsterdam, coll. part.). Puis les personnages deviennent plus massifs (Cyrano déclare son amour, 1976) dans des tableaux de couleurs plus sombres. Illustrant des thèmes tragiques (le Procès, 1978) ou bibliques (la Samaritaine, 1984), l'artiste fait se mouvoir, dans de grands espaces, des personnages sombres aux visages presque effacés, parfois teintés de rouge. Le Gemeentemuseum de La Haye a consacré à Constant une rétrospective de ses peintures en 1980, le Rheinisches Landesmuseum de Bonn, une grande exposition en 1986, et le Stedelijk Museum d'Amsterdam, une rétrospective en 1995-96. Constant est représenté dans les musées hollandais (Amsterdam, La Haye, Groningue) ainsi qu'à Vienne (musée du XXe siècle).
constructivisme
Ce nom fut donné en 1920 par les critiques et les écrivains soviétiques au mouvement né à Moscou quelques années auparavant et ayant pour objectif l'intégration à l'art des facteurs espace et temps pour une " synthèse des arts plastiques ". Cependant, une telle étiquette recouvre en réalité plusieurs mouvements et tendances de l'avant-garde russe.
Vers 1917-18, Malévitch, auteur du Manifeste suprématiste (1915), est nommé professeur aux ateliers supérieurs d'éducation artistique et technique de Moscou (Vkhoutemas), où il retrouve Kandinsky, Tatlin, Pevsner et Gabo. Ce qui séparait chacun devint très vite évident et provoqua la scission de l'école en deux groupes : les frères Pevsner et Gabo se rallièrent au point de vue " non objectif " de Malévitch, tandis que Kandinsky, bien que " sympathisant ", restait résolument individualiste. De l'autre côté se groupent autour de Tatlin ceux qui se nomment " productivistes " et condamnent l'autonomie de l'art au profit d'une production d'objets directement utilitaires. " Le conflit idéologique, raconte Naum Gabo, entre le groupe de Tatlin et notre groupe ne servit qu'à élargir la coupure qui nous séparait et nous obligea à faire une déclaration publique. " Cette déclaration fut le Manifeste réaliste, daté du 5 août 1920 et signé par Gabo et Pevsner : il contient l'essentiel des principes du Constructivisme. La ligne ne doit être qu'indication des forces et des rythmes de l'objet ; le volume est rejeté comme " expression spatiale " : la profondeur et la transparence lui sont substituées. " Nous annonçons, écrivent-ils, que les éléments de l'art ont leur base dans la rythmique dynamique. " Placardé sur tous les murs de la capitale, ce texte eut de grandes répercussions sur toute la vie artistique de Moscou. Quelques mois plus tard, les " productivistes " ripostent par le Programme du groupe constructiviste : l'art est un mensonge qui ne sert qu'à camoufler l'impuissance de l'humanité. Les " formes communistes d'édification constructive " doivent réaliser l'unité de l'" art " et de la technique par l'intégration de la " production intellectuelle " à la production industrielle. Les tenants de l'art " pur " sont donc vigoureusement condamnés.
L'influence du Constructivisme fut considérable par ses prolongements, notamment en Europe occidentale : en septembre 1922 eut lieu à Weimar — où s'était installé le Bauhaus — une manifestation du " groupe international constructiviste " sous la direction de Théo Van Doesburg avec la participation de Lissitsky, Moholy-Nagy, Richter, Graeff. Or, Lissitsky, constructiviste " suprématiste ", exerçait une influence certaine sur Moholy-Nagy, dont l'enseignement au Bauhaus fut naturellement imprégné de l'esthétique constructiviste. En outre, la même année, il est chargé de l'organisation de l'exposition Russische Kunst à Berlin, où plusieurs salles sont réservées au Constructivisme. C'est lui, enfin, qui, par ses affiches et ses mises en page, aborde l'un des seuls domaines pratiques où cette esthétique ait joué un rôle important : la typographie. En Europe de l'Est, l'idée constructiviste subsiste relativement longtemps, en fécondant de nombreux courants et groupes d'avant-garde, en Pologne par exemple (l'unisme de Strzeminski, la mécanofacture de Berlewi et le système utilitaire de Szczuka). Mais l'apport du Constructivisme au théâtre ne doit pas être négligé : des metteurs en scène comme Taïrov, Eisenstein et surtout Meyerhold confient l'exécution des décors aux " suprématistes " ou aux " productivistes " ; à cet égard, le dispositif scénique de Lioubov Popova, l'un des productivistes, pour le Cocu magnifique (1922) en est le plus parfait exemple.
C'est la revue Lef, animée par Alexandre Rodtchenko, disciple de Tatlin, qui fera entendre à partir de 1923 la voix du Constructivisme, jusqu'à ce que l'idéologie stalinienne vienne balayer les querelles de groupe et impose le Réalisme socialiste. Ce furent donc par la suite le groupe De Stijl en Hollande et le Bauhaus en Allemagne qui contribuèrent à l'influence mondiale de l'esthétique constructiviste en achevant d'en propager les idées.