Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
H

Hartley (Marsden)

Peintre américain (Lewiston 1877  – Ellsworth, Maine, 1943).

Après des études à New York, il est vivement marqué par l'œuvre symboliste d'Albert P. Ryder. C'est grâce à l'aide financière de Stieglitz, qui l'expose dès 1909 à sa gal. 291, qu'il peut se rendre en Europe : après un séjour à Paris en 1912, on le trouve l'année suivante à Berlin, où il se lie avec les membres du Blaue Reiter, avec lesquels il va exposer à Munich. À la technique du " point ", empruntée à l'Italien Segantini (Lac de montagne, automne, 1908, Washington, Phillips Coll.), il substitue des plans vivement colorés et des formes continues où se trouvent des motifs symboliques et très stylisés. Ainsi, le bélier de Formes abstraites (1913, New York, Whitney Museum), qui n'est pas sans rappeler l'utilisation des animaux par l'Allemand Franz Marc.

   Rentré aux États-Unis pour participer à l'Armory Show de New York, il retourne en 1914 à Berlin, où il a, l'année précédente, exposé au premier Salon d'automne. Ce n'est qu'à partir de cette période qu'il trouve un style vraiment original : Portrait d'un officier allemand (1914, Metropolitan Museum) ou Peinture n° 5 (1914-15, New York, Whitney Museum) témoignent de sa parfaite maîtrise ; tout en conservant la palette expressionniste et son goût des symboles (ici des insignes militaires, des drapeaux et des épaulettes), il élabore des compositions d'une grande densité, à la limite de l'Abstraction par l'emploi de larges bandes de couleurs violentes. De retour aux États-Unis (1915), Hartley connaît un brusque changement de style et commence à peindre de pures abstractions, en plans nettement découpés et de couleurs pastel (Mouvement n° 2, 1916, Hartford, Wadsworth Atheneum). Mais cette période est brève : dès 1918, il abandonne définitivement l'Abstraction pour peindre les vastes paysages tourmentés du Sud (Souvenir de New Mexico, n° 11, 1922-23, New York, Babcock Gal.) ainsi que des natures mortes et des lithographies, où le souvenir de Cézanne est sensible. Après avoir habité Aix-en-Provence (1926-1931), Hartley séjourne au Mexique (1932-33) et en Bavière (1933-34 ; vues de montagnes). Il retourne aux États-Unis et commence à peindre des sujets qu'il juge plus " héroïques ", dans la manière délibérément primitive que lui inspire son premier maître, Ryder. Une de ses dernières toiles, la Cène des pêcheurs, Nova Scotia (1940-41, New York, coll. Neuberger), porte la marque du mysticisme chrétien qui caractérise son style tardif.

Hartung (Hans)

Peintre français d'origine allemande (Leipzig 1904  – Antibes 1989).

Entre huit et dix ans, alors qu'il résidait à Bâle avec ses parents, il se montra curieux d'astronomie et de photographie, mais déjà il avait manifesté un penchant pour le dessin qui allait s'accentuer pendant ses études classiques au lycée de Dresde. Sur ses cahiers, il trace en 1922 ses premiers dessins abstraits, élaborant ainsi les éléments fondamentaux de son langage graphique, auquel il trouve immédiatement une équivalence picturale avec ses aquarelles " tachistes " de la même année et qu'il confirme dans ses grands dessins carrés à la craie noire ou à la sanguine de 1923. Spontanément — car il ignorait l'existence des premiers " abstraits " —, le jeune autodidacte avait établi les bases de son expression dynamique particulière. Hartung suit des cours de philosophie et d'histoire de l'art à l'université de Leipzig, fréquente les académies des beaux-arts de Dresde et de Leipzig, où il acquiert des connaissances techniques qu'il approfondira plus tard à Munich avec le professeur Max Doerner. Il avait eu au musée de Dresde la révélation des maîtres anciens : Holbein, Cranach, Greco, Hals, Rembrandt, dont il avait déjà fait des copies de dessins ou de gravures, comme il avait peint une de ses premières petites toiles en 1921 d'après une reproduction des Fusillades de Goya. Il s'intéresse aussi aux expressionnistes (Nolde et surtout Kokoschka) et découvre la peinture française moderne à l'Exposition internationale d'art à Dresde, en 1926. En 1925, il assiste à une conférence de Kandinsky, dont les propos doctrinaires sur l'esthétique du Bauhaus ne le séduisent pas, car il refuse d'aller étudier dans cette école, préférant voyager à travers l'Europe, séjourner sur le littoral méditerranéen et à Paris, où il passe les hivers de 1927 à 1929. Il fait sa première exposition à Dresde en 1931 et s'installe ensuite de 1932 à 1934 aux Baléares, à Minorque, où il peint ses premières peintures dites " taches d'encre ", qui développent ses dessins de 1922 à 1925 et qu'il continuera à Paris jusqu'en 1938. Après un séjour à Stockholm, il se rend à Berlin en 1935, mais, pour échapper au régime hitlérien, il quitte presque aussitôt l'Allemagne et vient s'établir à Paris. Au moment de la guerre, il s'engage dans la Légion étrangère ; grièvement blessé, il doit être amputé de la jambe droite. L'année suivante, il obtient la nationalité française. De retour à Paris à l'été de 1945, il recommence à peindre et participe dès 1946 au Salon des réalités nouvelles et au Salon de mai, où il exposera ensuite régulièrement. En 1947, il fait sa première exposition personnelle à Paris (gal. Lydia Conti). Très rapidement, à mesure que se succèdent les étapes d'une création intensive, se développe l'intérêt général pour l'œuvre de Hartung, qui est reconnu en quelques années comme l'un des maîtres de l'art contemporain, tant par son originalité foncière que par l'influence qu'exerce bientôt sa nouvelle conception de l'art abstrait. À l'opposé de l'esprit dogmatique de l'Abstraction géométrique qui s'était imposé à la jeune génération d'après guerre, l'art de Hartung s'est caractérisé d'emblée par la liberté de son dynamisme subjectif, qui s'exprime dans les traces graphiques d'actes énergétiques spontanés. " Ce que j'aime, a-t-il déclaré, c'est agir sur la toile ", avançant ainsi, le premier, l'idée de la " peinture comme action ", qui devait être généralisée à New York avec l'Action Painting. L'importance de l'expression graphique chez Hartung est en partie à l'origine d'une valorisation du noir en tant que teinte majeure, qui s'est imposée pendant une assez longue période à tout un secteur de la peinture aussi bien figurative qu'abstraite (T. 1949-26, 1949, Stockholm, Moderna Museet). Lui-même avait néanmoins été amené à matérialiser le champ d'action de son écriture, par la coloration de certains éléments, des grattages dans la peinture fraîche (1961) ou en nuançant les fonds de ses tableaux, qui, à partir de 1963, se présentent comme de vastes espaces d'une profondeur vibrante, griffée ou non par des réseaux arachnéens (T. 1967/H25, Paris, M. N. A. M.). Les toiles plus récentes accordent un rôle plus grand aux contrastes colorés et sont tantôt animées de stries vigoureuses ou d'arabesques rythmiques pour lesquelles il fait usage d'un large éventail d'instruments à peindre, y compris même parfois de branches d'arbre ou de genêt, tantôt occupées par de vastes taches dynamiques vaporisées à l'aérographe et exemptes de tout graphisme. En même temps qu'il réalisait son œuvre peint, Hartung n'a pas cessé de pratiquer le dessin, exécutant d'innombrables crayons et pastels, et, à plusieurs époques (1928, 1938), il s'est aussi consacré à la gravure, se montrant maître de toutes les techniques du cuivre, mais surtout en lithographie (à partir de 1946), dont il apprécie la souplesse. Il a également beaucoup pratiqué la photo et a réuni un matériel considérable, parfois exploité dans l'élaboration de ses peintures. La première exposition de ses photographies eut lieu en 1977 au Centre Noroit, Arras.

   En 1980, une exposition au M. A. M. de la Ville de Paris fut consacrée à son œuvre de 1922 à 1939. Hartung est représenté dans la plupart des musées français et internationaux.