Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
G

genre (peinture de) (suite)

Angleterre, Espagne

Il faut attendre le XVIIIe s. pour pouvoir parler de la peinture de genre anglaise. Les impulsions viennent alors du continent, mais elles déterminent des réactions véritablement anglaises. Très tôt aussi, le romantisme oriente les artistes vers la poésie de la vie au contact de la nature. Les portraits collectifs des Pays-Bas et les Fêtes galantes de Watteau suscitent les " Conversation pieces ", qui acheminent le portrait vers le genre. Hogarth oscille entre les sujets de théâtre et la satire, mais on lui doit la Marchande de crevettes. Gainsborough fréquente Gravelot (fixé à Londres de 1732 à 1745) et se tourne vers la pastorale (Bûcherons et laitière, Paysans allant au marché). Il découvre l'œuvre de Murillo chez les collectionneurs anglais et peint les Petits Mendiants.

   En Espagne, le goût du " populaire ", du " plébéien " reste vif. Les " majos " et les " majas " sont fréquemment les modèles de peintres comme Camaron, Maella, Carnicero, tandis que Paret s'intéresse davantage à la bourgeoisie aisée de Madrid (la Puerta del Sol, le Magasin d'antiquités). Goya les éclipse tous : l'histoire et l'anecdote, le souvenir amusé et le cauchemar, les marchandes de fleurs et les fous nous plongent dans l'Espagne qu'il a connue, dans son époque telle qu'il l'a vécue, entre la paix et la guerre, les instants de joie et l'angoisse, les rumeurs de la Cour et les gémissements des condamnés.

Le XIXe siècle

France

La Révolution oriente les esprits vers les célébrations patriotiques et les artistes vers les sujets exaltant les vertus antiques, puis les campagnes napoléoniennes. Boilly, Demarne, Granet témoignent cependant que toute la France n'est pas sur les champs de bataille. On prend la diligence et on envoie les enfants à l'école, on prie dans les monastères, on danse dans les villages parce que les soldats reviennent parfois de la guerre.

   Géricault trouve des sujets autour de lui, mais il estompe ce qu'ils ont de " quotidien " (la Course de chevaux barbes). Le " quotidien " ne suffit pas davantage à Delacroix. Il lui faut ajouter l'exotisme du Maroc aux scènes d'intérieur, l'envol de la Liberté sur les barricades aux scènes de rue. Daumier ne cesse de regarder autour de lui, mais il voit surtout l'injustice, la misère, le cynisme, et il le dit.

   Au milieu du siècle, de réaction en réaction — au Classicisme de David, au Romantisme et à ses restitutions médiévales —, les peintres et les écrivains reviennent à la réalité. C'est là que Millet trouve sa voie, dans le domaine limité des horizons paysans, mais avec une intuition des atmosphères qui donne une intensité singulière à ses toiles.

   Dans toute l'Europe, les petits maîtres (en France : Bonvin, Ribot, le virtuose Meissonier et bien d'autres) illustrent ce goût bourgeois des sujets rustiques où comptent surtout l'anecdote, qui triomphe en Allemagne et dans l'Europe centrale avec la vogue du Biedermeier, et qui trouvera de nombreux adeptes dans l'Angleterre victorienne.

   L'attitude de Courbet n'est pas la contemplation, mais le combat, contre les autorités du Salon et contre le gouvernement, contre les formes et contre les couleurs. Ses œuvres ont la force de sa conviction, de son obstination, et elles dépassent par là la peinture de genre.

L'Impressionnisme

On pourrait penser que l'Impressionnisme la dépasse également ou se situe à côté. Car, pour le peintre, l'ambiance colorée n'a-t-elle pas plus d'importance en elle-même que la présence des promeneurs sous les ombrages des Tuileries ou des canotiers sous une tonnelle ? En fait, Manet, Renoir, Monet ont bien " vu " comme cela les faits et gestes de leurs contemporains, et ils ont voulu nous les montrer comme ils les ont vus, choisissant l'heure, la lumière, la mise en page qui leur permettraient de traduire plus exactement ce qu'ils avaient senti. Pas d'allégorie ici, pas de clin d'œil, pas de démonstration, mais seulement l'évocation des belles journées d'été à Argenteuil, des chaleureuses soirées au café, des incursions familières dans les coulisses de l'Opéra. Cézanne, lui, pense plus sans doute à la toile, à la surface peinte, construite autour des Joueurs de cartes. Van Gogh a copié certains sujets de Millet, mais pour les intégrer à son univers personnel, où il sait que le spectateur ne le suivra pas, tandis que Lautrec, avec des moyens tout différents, montre des " climats ", des personnages qu'on aurait aimé connaître. Les élégantes en voilette et les " cercleux " de Béraud ou de Tissot ne font que nous amuser. Mais la France de la fin du siècle s'y reconnaissait avec une meilleure conscience.

   L'intimisme de Vuillard ou celui de Bonnard (Enfant mangeant des cerises, 1895) ajoutent un chapitre attachant à l'histoire de la peinture de genre, qui va connaître ensuite d'inquiétantes métamorphoses. Le " sujet " quel qu'il soit perd de son importance pour laisser le peintre libre de ses jeux : il joue parfois, comme Matisse, avec la couleur, pour montrer une chambre ouverte sur un port ; il joue avec le trait et avec l'objet, comme Picasso, pour montrer son atelier.

Gensler (les)

Peintres allemands.

 
Günther (Hambourg 1803  – id. 1884). Formé à Hambourg auprès de Rachau et de Hardorff, l'aîné des frères Gensler réalise les portraits de son entourage (les Parents de l'artiste, 1828, Hambourg, Kunsthalle). En 1829, au cours d'un voyage à Brunswick, à Berlin et à Dresde, il étudie les toiles des maîtres ; la découverte, ensuite, aux Pays-Bas, de la peinture de Rembrandt et de Van der Helst marque profondément son œuvre, notamment son minutieux portrait de groupe des membres de l'Union artistique de Hambourg auquel il travaille durant deux ans (1840, id.). Les tableaux postérieurs, plus académiques, portent la trace d'un séjour à Rome, fin 1844. Il montre pendant toute sa carrière une prédilection pour le dessin, qu'il enseigne au lycée Johanneum de Hambourg.

 
Jakob (Hambourg 1808 – id. 1845). Après une même formation auprès de Rachau et de Hardoff, Jakob étudie la nature chez Tischbein, à Eutin. De 1828 à 1830, il est élève à l'Académie de Munich dans l'atelier de Cornelius et se joint au groupe de jeunes peintres réalistes, Van Kobell, Klein, Bürkell et le Hambourgeois Kauffmann, avec qui il peint des paysages. Ses premiers essais de paysages au bord du lac de Starnberg présentent des panoramas d'une grande précision (Pöcking ; Paysage de Haute-Bavière, Hambourg, Kunsthalle). Après un séjour dans le Tyrol et à Vienne, en 1830, il retourne à Hambourg, où il peint au bord de l'Elbe de vastes étendues lumineuses de sable, d'eau et de ciel, dans une vision pré-impressionniste, ainsi que de nombreux dessins et aquarelles de pêcheurs et de paysans.

   Un voyage en Hollande, en 1841, le met en contact avec la peinture paysagiste du XVIIe s. (Oldachs, Wasmanns), qui l'amène à privilégier l'étude de la lumière et des effets atmosphériques (Plage près de Blankenesee, 1842, id.). Il occupe une place importante parmi les peintres hambourgeois du XIXe siècle.

 
Martin (Hambourg 1811 – id. 1881). Martin, le plus jeune des trois frères Gensler, est formé par Rachau et par son aîné, Günther ; il montre une prédilection pour la peinture hollandaise. Après un voyage à Munich en 1835, il entre à l'Académie de Düsseldorf en 1836. De retour à Hambourg, il produit plusieurs tableaux de genre ainsi que des aquarelles (Paysage de landes ; Ruines après l'incendie de Hambourg de 1842, Hambourg, Kunsthalle). Passionné d'histoire de l'art, d'archéologie, il dessine de nombreux projets de mobilier et de décors de style gothique (coupe d'apparat, grille et vitraux pour l'église Sainte-Marie de Lübeck), rédige plusieurs études, et appartient à la commission des bâtiments de la ville.