genre (peinture de) (suite)
Angleterre, Espagne
Il faut attendre le XVIIIe s. pour pouvoir parler de la peinture de genre anglaise. Les impulsions viennent alors du continent, mais elles déterminent des réactions véritablement anglaises. Très tôt aussi, le romantisme oriente les artistes vers la poésie de la vie au contact de la nature. Les portraits collectifs des Pays-Bas et les Fêtes galantes de Watteau suscitent les " Conversation pieces ", qui acheminent le portrait vers le genre. Hogarth oscille entre les sujets de théâtre et la satire, mais on lui doit la Marchande de crevettes. Gainsborough fréquente Gravelot (fixé à Londres de 1732 à 1745) et se tourne vers la pastorale (Bûcherons et laitière, Paysans allant au marché). Il découvre l'œuvre de Murillo chez les collectionneurs anglais et peint les Petits Mendiants.
En Espagne, le goût du " populaire ", du " plébéien " reste vif. Les " majos " et les " majas " sont fréquemment les modèles de peintres comme Camaron, Maella, Carnicero, tandis que Paret s'intéresse davantage à la bourgeoisie aisée de Madrid (la Puerta del Sol, le Magasin d'antiquités). Goya les éclipse tous : l'histoire et l'anecdote, le souvenir amusé et le cauchemar, les marchandes de fleurs et les fous nous plongent dans l'Espagne qu'il a connue, dans son époque telle qu'il l'a vécue, entre la paix et la guerre, les instants de joie et l'angoisse, les rumeurs de la Cour et les gémissements des condamnés.
Le XIXe siècle
France
La Révolution oriente les esprits vers les célébrations patriotiques et les artistes vers les sujets exaltant les vertus antiques, puis les campagnes napoléoniennes. Boilly, Demarne, Granet témoignent cependant que toute la France n'est pas sur les champs de bataille. On prend la diligence et on envoie les enfants à l'école, on prie dans les monastères, on danse dans les villages parce que les soldats reviennent parfois de la guerre.
Géricault trouve des sujets autour de lui, mais il estompe ce qu'ils ont de " quotidien " (la Course de chevaux barbes). Le " quotidien " ne suffit pas davantage à Delacroix. Il lui faut ajouter l'exotisme du Maroc aux scènes d'intérieur, l'envol de la Liberté sur les barricades aux scènes de rue. Daumier ne cesse de regarder autour de lui, mais il voit surtout l'injustice, la misère, le cynisme, et il le dit.
Au milieu du siècle, de réaction en réaction — au Classicisme de David, au Romantisme et à ses restitutions médiévales —, les peintres et les écrivains reviennent à la réalité. C'est là que Millet trouve sa voie, dans le domaine limité des horizons paysans, mais avec une intuition des atmosphères qui donne une intensité singulière à ses toiles.
Dans toute l'Europe, les petits maîtres (en France : Bonvin, Ribot, le virtuose Meissonier et bien d'autres) illustrent ce goût bourgeois des sujets rustiques où comptent surtout l'anecdote, qui triomphe en Allemagne et dans l'Europe centrale avec la vogue du Biedermeier, et qui trouvera de nombreux adeptes dans l'Angleterre victorienne.
L'attitude de Courbet n'est pas la contemplation, mais le combat, contre les autorités du Salon et contre le gouvernement, contre les formes et contre les couleurs. Ses œuvres ont la force de sa conviction, de son obstination, et elles dépassent par là la peinture de genre.
L'Impressionnisme
On pourrait penser que l'Impressionnisme la dépasse également ou se situe à côté. Car, pour le peintre, l'ambiance colorée n'a-t-elle pas plus d'importance en elle-même que la présence des promeneurs sous les ombrages des Tuileries ou des canotiers sous une tonnelle ? En fait, Manet, Renoir, Monet ont bien " vu " comme cela les faits et gestes de leurs contemporains, et ils ont voulu nous les montrer comme ils les ont vus, choisissant l'heure, la lumière, la mise en page qui leur permettraient de traduire plus exactement ce qu'ils avaient senti. Pas d'allégorie ici, pas de clin d'œil, pas de démonstration, mais seulement l'évocation des belles journées d'été à Argenteuil, des chaleureuses soirées au café, des incursions familières dans les coulisses de l'Opéra. Cézanne, lui, pense plus sans doute à la toile, à la surface peinte, construite autour des Joueurs de cartes. Van Gogh a copié certains sujets de Millet, mais pour les intégrer à son univers personnel, où il sait que le spectateur ne le suivra pas, tandis que Lautrec, avec des moyens tout différents, montre des " climats ", des personnages qu'on aurait aimé connaître. Les élégantes en voilette et les " cercleux " de Béraud ou de Tissot ne font que nous amuser. Mais la France de la fin du siècle s'y reconnaissait avec une meilleure conscience.
L'intimisme de Vuillard ou celui de Bonnard (Enfant mangeant des cerises, 1895) ajoutent un chapitre attachant à l'histoire de la peinture de genre, qui va connaître ensuite d'inquiétantes métamorphoses. Le " sujet " quel qu'il soit perd de son importance pour laisser le peintre libre de ses jeux : il joue parfois, comme Matisse, avec la couleur, pour montrer une chambre ouverte sur un port ; il joue avec le trait et avec l'objet, comme Picasso, pour montrer son atelier.