Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Runciman (les)

Peintres britanniques.

Fils d'un entrepreneur d'Édimbourg, Alexander et John travaillèrent comme apprentis dans une entreprise locale de peintures. Puis, avec le soutien financier de sir James Clerk, qui venait de faire reconstruire son château, Penicuik House, en 1761, ils partirent pour Rome (1766) pour y apprendre la peinture d'histoire, genre que jusque-là les artistes britanniques n'avaient pas osé aborder.

 
Alexander (Édimbourg 1736 – id. 1785). Il avait commencé v. 1762 par exécuter des aquarelles très légères inspirées des paysages d'Écosse à la manière des topographes, puis se lia à Rome avec Füssli, qui arriva après lui et l'admira. De retour en Écosse (1771), il fut l'un des premiers à s'inspirer de la poésie " romantique ", empruntant à Ossian les thèmes d'une série décorative de peintures qui lui fut commandée par James Clerk pour Penicuik House. Malheureusement, au cours d'un incendie en 1899, cette suite fut détruite ; avec elle disparaissait l'œuvre principale d'Alexander et une des rares illustrations de sujets celtiques réalisés en Grande-Bretagne. Quelques dessins (la Mort d'Oscar, Édimbourg, N. G.) et de rares peintures (l'Origine de la peinture, Penicuik House ; le Triomphe de David, id., d'après le tableau de Rubens, Kemble Foundation, Fort Worth, Texas) permettent d'évoquer la manière de cet artiste, dont les traits nous sont connus grâce à un double Autoportrait de Brown et de Runciman (1784) conservé au N. M. of Antiquities of Scotland à Édimbourg.

 
John (Édimbourg 1744 – Naples 1768). À Rome, il partageait avec Barry une admiration très vive pour les grandes décorations romaines et plus particulièrement pour l'œuvre de Raphaël. En raison de sa mort prématurée, il subsiste peu de tableaux du peintre. Son chef-d'œuvre, le Roi Lear dans la tempête (1767, Édimbourg, N. G.), révèle comme chez son frère un talent curieusement romantique dans la manière d'aborder un sujet pris au théâtre, mais sans utiliser les artifices de cet art comme le firent les artistes britanniques qui peignirent les tableaux d'inspiration shakespearienne pour la galerie de Boydell à Pall Mall (les tableaux furent dispersés au début du XIXe s.).

Runge (Philipp Otto)

Peintre allemand (Wolgast  1777  – Hambourg  1810).

En 1795, il vint à Hambourg pour s'initier au commerce chez son frère Daniel. La vie artistique qu'il trouve dans cette ville le confirme dans son intention de se consacrer à la peinture. Après avoir étudié le dessin à Hambourg, où il a fréquenté les poètes Claudius et Klopstock, Runge travaille de 1799 à 1801 à l'Académie de Copenhague, où il est l'élève du portraitiste Juel et du peintre d'histoire Abilgaard, puis il part pour Dresde, où il rencontre Anton Graff et Friedrich, et il se lie avec le poète Ludwig Tieck, qui aura une profonde influence sur sa formation intellectuelle. De ces premières années subsistent des portraits au crayon et des projets de composition de figures qui se rapprochent du néo-classicisme de Carstens et de Flaxman. On peut considérer comme le chef-d'œuvre de l'époque de Dresde les quatre gravures, strictement symétriques, des Heures du jour, dont le thème, enrichi par les expériences panthéistes et religieuses de l'artiste, prend ici une dimension inédite. La figure humaine devient le symbole des éléments naturels, d'où naît une harmonieuse relation entre l'homme et la création. Cette nouvelle conception du paysage sera désormais, comme Runge l'explique dans ses lettres, le principal moyen d'expression de l'artiste. Celui-ci rêve d'utiliser ces compositions en décors muraux. Il correspond avec Goethe au sujet de sa théorie des couleurs. Celui-ci le tient pour l'artiste le plus intelligent de son temps. En 1803, il revient à Hambourg, se remet à peindre surtout des portraits, préparation à sa nouvelle conception du paysage animé. C'est dans sa famille qu'il prend le plus souvent ses modèles. Il peint en 1805 ses tableaux Nous trois (autref. au musée de Hambourg, brûlé en 1931) et le Jeune Perthes (musée de Weimar), puis en 1806 les Enfants Hülsenbeck (Kunsthalle de Hambourg). En 1806 et 1807, il travaille à Wolgast, exécute le Double Portrait de ses parents et deux compositions religieuses : le Repos pendant la fuite en Égypte et le Christ sur le lac (tous trois à la Kunsthalle de Hambourg). Fixé de nouveau à Hambourg en 1807, il reprend le thème des Heures du jour et peint une variante du Matin (id.). Après avoir réalisé ces travaux, il entreprend une nouvelle composition sur ce même sujet dans un plus grand format, mais il ne peut achever cet ouvrage (Matin, 1809, id.). Il dépasse ses débuts néo-classiques et académiques et considère le paysage cosmique comme l'" hiéroglyphe " poétique d'une interprétation religieuse de la nature. Il pense ainsi renouveler l'art chrétien. Pendant les deux dernières années de sa vie, Runge consigne le résultat de ses recherches sur la théorie des couleurs dans un traité intitulé Farbenkugel oder Konstruktion des Verhältnisses aller Mischungen der Farben zueinander (la Sphère des couleurs ou Construction des rapports de tous les mélanges des couleurs entre elles, 1810).

   La brièveté de sa vie ne lui a permis de réaliser que partiellement ses projets artistiques. La plus grande partie de son œuvre peint se compose de portraits, qui restent pour nous l'expression la plus directe de son talent, mais auxquels Runge n'attachait qu'une importance secondaire. Ils révèlent l'influence de Graff, mais s'inspirent aussi de modèles anglais de la fin du siècle, tout en se distinguant par un modelé plus ferme, une composition plus rigoureuse et des couleurs plus intenses. Comme on l'a souvent observé, la force d'expression des portraits romantiques allemands est en rapport avec les affinités spirituelles de l'artiste et de son modèle. Cela est plus particulièrement sensible dans les portraits d'enfants, où l'on décèle un sentiment profond de la psyché enfantine. Bien que ce maître soit avec Friedrich le peintre le plus notoire du début du siècle, il eut relativement peu d'influence sur ses contemporains. On trouve dans l'art hambourgeois des réminiscences de son style. Les innovations de Runge dans la peinture de paysage seront suivies, au moins partiellement, par Schinkel. Il n'aura eu de postérité directe que dans l'illustration de livres. Les Heures du jour auront des répercussions jusqu'au Jugendstil. Sa métaphysique de la lumière et sa symbolique des couleurs ont été reprises, entre autres, par les peintres du Blaue Reiter. C'est à la Kunsthalle de Hambourg que l'on trouve la plus grande partie de l'œuvre du maître : des peintures, les gravures des Heures du jour, des dessins, les illustrations d'Ossian. Les musées de Berlin conservent un ensemble de dessins de Runge.