Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Rivera (Manuel)

Peintre espagnol (Grenade 1927  – Madrid 1995).

Il se forme à l'école des Beaux-Arts de Séville. En 1951, s'installe à Madrid ; deux ans plus tard il se rallie à l'Abstraction et, en 1957, il devient membre du groupe El Paso. En 1956, il commence à utiliser des écrans, puis des grillages métalliques pour accentuer les effets de superposition et de moiré, au détriment de la composition. Ses œuvres acquièrent alors une qualité de transparence mouvante, spatiale et presque aquatique. La lumière, la vibration des formes lumineuses évoquent le cinétisme, bien que l'esthétique de Rivera soit très proche de l'informel. En 1965, l'introduction d'une couleur plus vive donne aux tableaux de l'artiste davantage de luminosité et de lyrisme. Rivera a travaillé en 1967-1968 à des peintures sur papier japon. Les " grilles " qu'il réalise au début des années 70 semblent annoncer un retour à une conception plus libérée. Il participe à des expositions de groupe à Madrid et à Barcelone parmi de nombreux abstraits, ainsi qu'aux Biennales de São Paulo et de Venise. Le M.A.M. de la Ville de Paris lui consacra une rétrospective en 1976. Manuel Rivera est représenté à Londres (Tate Gal.), Cuenca (musée d'Art abstrait espagnol), Madrid (M. E. A. C. et Fondation March), Amsterdam (Stedelijk Museum), La Haye (Gemeentemuseum), Zurich (Kunsthaus), New York (Guggenheim Museum, M. O. M. A.).

Rivers (Larry)

Peintre américain (New York 1923-id. 2002).

Rivers commença à peindre en 1945, après avoir été musicien de jazz et étudié la composition. Il fut l'élève de Hans Hofmann en 1947-48, puis de William Baziotes. Résidant à New York et à Paris entre 1948 et 1951, il fit la connaissance des principaux peintres expressionnistes abstraits (De Kooning, Pollock, Frankenthaler) ainsi que des poètes Frank O'Hara et John Ashbery. Tout en conservant les jeux de palette de l'Expressionnisme abstrait, il fut l'un des premiers artistes à réintroduire avec assurance la figuration dans la peinture américaine de l'après-guerre. Dès 1951, il prit pour sujet une œuvre ancienne dont il donna une version originale, The Burial (d'après l'Enterrement à Ornans de Courbet, Fort Wayne Art Inst.). Deux ans plus tard, Washington crossing the Delaware (1953, New York, M. O. M. A.) établissait plus fermement encore son iconographie, fondée sur une interprétation nouvelle de peintures célèbres. Une toile telle que Double Portrait of Berdie (1955, New York, Whitney Museum) apportait d'autre part une solution moderne à un genre " classique " en représentant, à la manière d'une séquence photographique, la même personne dans deux attitudes différentes (Atelier, 1956, Minneapolis Inst. of Art). En 1957, Rivers exécuta une série de sculptures en métal soudé (Kabuki in a Rectangle) qui peuvent être considérées comme le point de départ de ses recherches tridimensionnelles. Celles-ci aboutirent à des constructions qui mêlent peinture et sculpture (Don't fall, 1966, Paris, M. N. A. M. ; Black Olympia, 1970).

   En raison de son intérêt précoce pour une imagerie préexistante — tableaux de maîtres, photographies de magazines (Last Civil War Veteran, 1959, New York, M. O. M. A.), images publicitaires (Dutch Masters and Cigars, 1963) ou billets de banque —, Rivers a souvent été considéré comme l'un des précurseurs les plus originaux du pop art. Il a été lié également au mouvement du Nouveau Réalisme et, en particulier, à Jean Tinguely.

Rivière (Henri)

Peintre et graveur français (Paris 1864  – id. 1951).

Rivière illustra auprès d'Émile Bin les Voyages d'A'Kempis d'Émile Goudeau et les Farfadets de Mélandri, avant de collaborer, influencé par Willette, au Chat noir de Rodolphe Salis (1882). Il créa alors pour le cabaret montmartrois son célèbre Petit Théâtre d'ombres chinoises (1886-1898), dont le succès fut immense. Il découpait dans le zinc les silhouettes de ses personnages et peignait sur verre des décors lumineux. Il mit en scène Héro et Léandre (Haraucourt), Phryné et Ailleurs (Maurice Donnay) ainsi que Sainte Geneviève, oratorio de Léopold Dauphin. Il réalisa aussi sur la musique de Fragerolle les Clairs de lune, l'Enfant prodigue et la Marche à l'Étoile, qu'il publia ensuite en albums. Symboliste, quelque peu mystique, il rêvait de piété candide, de cantiques païens, de folklore naïvement philosophique et retrouvait l'esprit des mystères du Moyen Âge. Son style synthétique, proche des Nabis, était à la fois décoratif et d'une simplicité émouvante et douce. Rivière publia, après un séjour en Bretagne, une soixantaine de gravures sur bois, en couleurs, fort rares, les Paysages bretons (1890-1894), dont le dépouillement rappelle l'art japonais, qu'il aimait, mais où il exprime une poésie modeste et traditionnelle, un sens exquis des horizons français, semblable à celui de Puvis de Chavannes. Il exécuta aussi de nombreuses eaux-fortes et lithographies en couleurs, évocations délicates de Paris (les Trente-Six Vues de la tour Eiffel, 1888-1902, inspirées par les Vues du Fuji-Yama d'Hokusai), visions mélancoliques d'une Bretagne encore sauvage (Au vent du noroît, 1906), expressions sensibles des saisons (l'Hiver, 1896) et des Aspects de la nature (1897-98). Les aquarelles qu'il peignit sur le motif, plus colorées et impressionnistes, ont beaucoup de charme. Mais certaines, par leurs rêveries macabres (les Silhouettes du crépuscule), le rattachent plus étroitement au Symbolisme.

Rizi (Fray Juan)
ou Fray Juan Ricci

Peintre espagnol (Madrid 1600  – Mont Cassin 1681).

Fils d'Antonio Rizi, Bolonais, l'un des peintres mineurs attirés en Espagne par les travaux de l'Escorial, Rizi se forme à Madrid et entre, en 1627, dans l'ordre bénédictin au monastère de Montserrat. Désormais, il passera d'un couvent à l'autre pour peindre des cycles d'histoires monastiques, notamment à San Martín de Madrid, à San Millán de la Cogolla, en Vieille-Castille, à San Juan de Burgos ; il peint également dans cette ville sept tableaux (Saint Paul ermite, Saint François, divers saints martyrs), pour le " trascoro " de la cathédrale. Après avoir exercé plusieurs charges dans son ordre — notamment celle d'abbé à Medina del Campo —, il passe en Italie à partir de 1662 ; nommé évêque en Italie du Sud, il termine sa vie au monastère du mont Cassin. On ne connaît aucun tableau de cette dernière période italienne. En revanche, les œuvres de l'artiste conservées en Espagne font apprécier un style très personnel, d'un réalisme viril, d'une touche moelleuse et rapide, d'une couleur riche et sévère, où les rouges sombres et les carmins jouent un rôle prédominant. Fray Juan Rizi est le meilleur peintre castillan des thèmes monastiques, qu'il traite avec une gravité monumentale (Repas de saint Benoît et Saint Benoît bénissant le pain, Prado ; Dernière Messe de saint Benoît, Madrid, Académie San Fernando), souvent avec de violents contrastes lumineux qui rappellent sa formation ténébriste.

   Il apparaît comme une sorte de Zurbarán castillan, qui remplace les blancs des moines de la Merci et des Chartreux par les noirs puissants de l'ordre bénédictin, mais avec une égale intensité dans l'individualisation des visages, dont beaucoup semblent des portraits. Son habileté de portraitiste est attestée par le Don Tiburcio de Redin du Prado et par l'admirable (et assez vélazquézien) Fray Alonso de San Vítores du musée de Burgos.

   Par malheur, comme pour Zurbarán, ses grands ensembles ont été en majorité dispersés. Seuls restent en place le " trascoro " de la cathédrale de Burgos et le cycle imposant de San Millán de la Cogolla (1653-1655), assez difficile d'accès, mais qui groupe autour du grandiose Saint Millán du retable principal — solitaire vénérable mué en guerrier pour mettre les Maures en fuite — une vingtaine de remarquables peintures. Ce cycle est pour Rizi l'équivalent du cycle de Guadalupe pour Zurbarán.

   Fray Juan Rizi fut aussi un savant et un théoricien de son art. Professeur de dessin de l'infant Baltazar Carlos et de la duchesse de Béjar, il écrivit pour cette jeune femme un traité de perspective, de géométrie et d'anatomie artistique qu'il illustra de beaux dessins (De pintura sabia).

   Son frère cadet, Francisco (Madrid 1614 -l'Escorial 1685) , fut également un peintre réputé. Élève à Madrid de Carducho, mais influencé certainement par Rubens, les Vénitiens et les Génois, il fut un des initiateurs de la peinture baroque madrilène et reste un de ses maîtres les plus dynamiques et les plus somptueux. Après le succès de la Bénédiction de la cathédrale de Tolède par l'archevêque Jiménez de Rada (1653), cathédrale de Tolède, il fut nommé peintre de la cathédrale. Peintre du roi en 1656, il se spécialisa dans la peinture décorative et dans la fresque (chapelle du Miracle aux Descalzas Reales de Madrid), collaborant parfois avec Carreño (Madrid, S. Antonio de los Portugueses). Mais il exécuta surtout de très nombreux décors pour le théâtre et les fêtes royales. Travaillant en même temps pour les églises de Madrid et des environs, il peignit de grands tableaux d'autel à la composition très mouvementée, au riche coloris, servi par une technique toujours brillante et facile, parfois hâtive et négligée (la Vierge avec saint Philippe et saint François, 1650, couvent du Pardo ; la Libération de sainte Léocadie, Madrid, San Jerónimo ; Martyre de saint Pierre, église de Fuente del Saz ; de nombreuses Immaculées). Deux portraits d'une grande vivacité, Un général d'artillerie (Prado) et le Chasseur de renard du roi (Madrid, coll. d'Albe), dénotant une forte influence flamande, révèlent son talent encore mal connu de portraitiste. Sur un plan mineur, il faut rappeler le tableau qui représente l'Auto da fe de 1683 sur la Plaza Mayor de Madrid (Prado) comme un documentaire d'une rare valeur.