Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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signature

Les premières signatures de peintres apparaissent dans la céramique grecque au milieu du VIIe s. av. J.-C., mais il faut attendre la figure noire, puis la figure rouge pour que le système des signatures s'établisse d'une manière définitive. Dans la céramique grecque, il existe deux sortes de signatures : celle du peintre (Exékias, Euphronios, Macron, Douris... m'a peint) et celle du potier (Amasis, Andokidès, Cléophradès... m'a fait) ; on désigne alors sous le nom de Peintre d'Amasis, d'Andokidès, de Cléophradès... le peintre qui a orné les vases de ces potiers : ainsi, un des plus beaux exemples de la céramique grecque, le Vase François (Florence, Musée archéologique), porte une double signature : celle de Clitias, le peintre, et celle d'Ergotimos, le potier. La signature d'artiste réapparaîtra ensuite dans la peinture, tout d'abord en Italie au XIIIe s. et, par la suite, les peintres ne cesseront de signer leurs œuvres, le plus souvent dans un but d'authentification.

   Cela, du reste, n'a pas empêché la prolifération de fausses signatures, soit sur un faux, soit sur une peinture originale d'un maître oublié, signée, dans un but commercial, du nom d'un artiste alors à la mode.

   On peut dire, d'une manière générale, que, mis à part les primitifs, les artistes flamands, néerlandais et français signent plus fréquemment leurs œuvres que les peintres italiens ; mais aucune règle ne saurait être définie en ce domaine, et l'on doit se borner à constater le grand nombre ou l'absence de signatures chez tel artiste ou dans telle école.

   Les signatures, qui peuvent parfois prendre la forme d'un monogramme, sont inscrites, soit en cursif, soit en romain, généralement au bas du tableau ; il faut noter que, parfois, elles sont cachées ou s'intègrent dans un morceau d'architecture peint. Souvent rédigées en latin, elles se composent du nom, parfois du prénom du peintre et sont quelquefois suivies de la date et du lieu d'exécution de l'œuvre ; elles sont aussi parfois suivies du verbe latin fecit, me fecit (m'a fait) abrégé en f. ou du verbe latin pinxit, me pinxit (m'a peint) abrégé en p. L'Autoportrait de Poussin (Louvre) est ainsi signé : Effigies Nicolai Poussini Andelyensis Pictoris. Anno Aetatis 56. Romae Anno jubilei 1650 (portrait du peintre Nicolas Poussin des Andelys, âgé de 56 ans, fait à Rome en 1650). En plus de la fonction d'authentification signalée plus haut, les signatures prennent souvent une valeur plastique et ornementale ; c'est le cas du monogramme d'Albrecht Dürer, ou des signatures inscrites dans des " cartellino ", ou encore de certaines signatures, telle celle de Maurice Denis, qui signait MAUD, ou celle de Van Eyck, dont la signature dans le Mariage des époux Arnolfini (Londres, N. G.) — Johannes de Eyck fuit hic — constitue, au centre du tableau, grâce à sa calligraphie raffinée, un des éléments importants du tableau.

Signorelli (Luca)

Peintre italien (Cortona v. 1445  – id. v. 1523).

Formé à l'école de Piero della Francesca, il en hérite le sens de la construction rigoureuse des volumes et le goût pour le monumental, qui ne l'abandonnera jamais jusqu'à la fin de sa vie. Il ne nous reste, de ses débuts, que quelques fragments des fresques qu'il peignit en 1474 sur la tour de l'évêché de Città di Castello. Les liens avec l'art de Piero y sont si forts que l'on a même proposé de regrouper autour de ces fresques quelques œuvres (Vierges du M. F. A. de Boston, du Christ Church College d'Oxford et de la coll. Cini de Venise) dont la conception, sinon l'exécution, revient directement au maître de Borgo San Sepolcro. En fait, l'état de conservation des fragments est si mauvais qu'il est impossible de les considérer comme une référence sûre. La période de formation de Luca reste ainsi assez obscure. En travaillant, à partir de 1479, à la décoration à fresque de la sacristie de la cure de la Santa Casa de Lorette, son langage s'est déjà enrichi d'expériences nouvelles, de la connaissance, notamment, de la peinture florentine contemporaine, dominée à cette époque par des problèmes de ligne et de mouvement foncièrement opposés à la poétique de Piero della Francesca. Il semblerait, mais la question est loin d'avoir trouvé une réponse définitive, que le premier intermédiaire de cette culture, dont le rôle sera fondamental dans l'orientation postérieure de l'artiste, ait été Bartolomeo della Gatta, collaborateur de Luca à la Santa Casa. Ce sont en tout cas les recherches de Verrocchio et de Pollaiolo qui marquent le style des anges musiciens de la voûte ainsi que celui, synthétique et dramatique, de la Conversion de saint Paul sur un des murs de la sacristie. On a fixé à une date à peu près contemporaine les 2 panneaux de la Brera représentant la Flagellation et la Vierge à l'Enfant, qui offrent les mêmes caractéristiques de vitalité linéaire et sont pourtant encore liés, dans leur conception, à l'enseignement de Piero. Dans la grande fresque que Luca exécuta en 1480-81 à la chapelle Sixtine à Rome (Testament et mort de Moïse), le problème de la collaboration avec Bartolomeo della Gatta se pose de nouveau et de façon plus nette, car, bien que l'on ne reconnaisse pas ici l'influence de Pérugin, qui a été condisciple de Luca à l'école de Piero della Francesca, l'intervention d'une autre main est sensible dans le groupe de droite de la composition. Le contact avec Bartolomeo della Gatta est encore visible dans le tableau d'autel de la cathédrale de Pérouse (Vierge en trône parmi des saints, 1484), où, d'autre part, le langage de Luca s'achemine vers sa pleine maturation, dans son attention de plus en plus vive à la définition anatomique des nus par une ligne tendue et vibrante à laquelle s'associe un clair-obscur puissamment plastique. C'est en effet dans le domaine du nu, ressenti, sur les traces de Pollaiolo, comme le moyen le plus efficace d'exaltation de la forme, mais aussi, plus personnellement, comme la manière la plus directe d'atteindre picturalement cette harmonie miraculeuse qui fait de l'homme le protagoniste de l'univers, que Luca va obtenir ses résultats les plus hauts. La critique actuelle a tendance à diminuer la portée de son art et sans doute a-t-elle raison de vouloir atténuer l'opinion traditionnelle selon laquelle l'artiste cortonais serait le précurseur direct de Michel-Ange. Néanmoins, dans la renonciation consciente à toutes ces possibilités de raffinement formel que lui offrait son adhésion à la culture florentine, dans le dépouillement austère de ses compositions, qui s'articulent concrètement sur des masses monumentales, Luca a trouvé indubitablement des accents novateurs qui dépassent en quelque sorte la tradition du XVe s. Cela était particulièrement vrai pour le tableau détruit du musée de Berlin, l'Éducation de Pan (v. 1490), qui, en raison de la sévère autorité avec laquelle était traité le thème mythologique, a été considéré, à tort, comme l'affirmation d'une poétique antibotticellienne. À la même lignée appartiennent de nombreuses peintures exécutées entre cette période et la fin du siècle, qui fut le moment le plus heureux de la production de l'artiste. Des œuvres comme le tondo de la Vierge à l'Enfant (Offices), la Vierge en trône parmi des saints (musée de Volterra), le tondo de la Sainte Famille (Offices) anticipent réellement des solutions du premier cinquecento. Bien qu'elles soient affaiblies par la collaboration d'aides, les fresques pour le cloître de Monte Oliveto Maggiore, représentant des scènes de la vie de saint Benoît, sont encore un témoignage remarquable des capacités de synthèse et de puissance plastique de Luca (restauration en cours, 1996). Avec la décoration à fresque de la chapelle S. Brizio dans la cathédrale d'Orvieto, les recherches du peintre sont portées à leur extrême accomplissement, mais elles annoncent déjà les premiers symptômes d'une régression stylistique. Exécuté entre 1499 et 1504, ce cycle, considéré traditionnellement comme l'œuvre maîtresse de Luca, souffre dans son ensemble d'un certain déséquilibre dans la composition et, par son audace de conception, trahit par moments l'embarras du peintre lors de l'exécution. Le programme iconographique établi par Fra Angelico, qui avait commencé la décoration de la voûte, prévoyait, pour la partie murale, la représentation des Damnés et des Bienheureux, sur l'exemple de la chapelle Strozzi à S. Maria Novella. Signorelli y ajouta les deux scènes de la Fin du monde et de l'Antéchrist, cette dernière en hommage, semble-t-il, à la doctrine de Savonarole. Sur le socle sont illustrés, en camaïeu, les onze premiers chants du " Purgatoire " de Dante. Malgré ses faiblesses dans la réalisation, ce monument pictural qui inspirera Michel-Ange révèle une haute spiritualité qui traduit bien les exigences et l'esprit de la culture italienne du XVe s.

   L'alourdissement des formes, l'insistance dans l'analyse anatomique, qui ont déjà fait leur apparition dans les fresques d'Orvieto, compromettent de plus en plus la production du peintre. Et s'il trouve encore des accents grandioses dans la Déposition de la cathédrale de Cortone (1502), en cédant ensuite à des suggestions d'origine raphaélesque qui l'amènent à adoucir les tons de sa palette, Signorelli ne fait qu'accentuer le contraste, toujours inhérent à son style, entre la définition linéaire et les effets chromatiques.

   Bien que son atelier eût été très fréquenté et très actif, il ne laissa aucun successeur remarquable ; il était devenu à la fin de sa vie le représentant d'une tradition conservatrice et provinciale, qui fut submergée par les grands événements dont l'Italie centrale fut le théâtre dès le début du XVIe s.