Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
B

Bordone (Paris)
ou Paris Bordon

Peintre italien (Trévise 1500  – Venise 1571).

Vasari, qui n'avait pas fait mention de Bordon dans son édition des Vies parue en 1550 à Florence, écrivit la vie de Bordon en 1568 après avoir rencontré l'artiste à Venise en 1566. Il donne sur lui un témoignage capital, mais malheureusement souvent imprécis. Dès 1518, Bordon est cité comme peintre à Venise, où il se forma sous l'influence de Titien et de Giorgione  il reprend d'abord les thèmes et la technique de ces deux maîtres (Mariage mystique de sainte Catherine, v. 1525, Gênes, coll. R. A. Doria), puis, sous l'influence de Pordenone et de Lotto (la Vierge entre saint Georges et saint Christophe, v. 1525-26, Lovere, Accad. Tadini), sa palette devient plus froide, ses figures plus massives et plus dynamiques (la Pentecôte, Brera). Cette évolution vers un certain maniérisme encore présent dans le Baptême du Christ, v. 1540 (Milan, Brera) est probablement due au fait que Bordon a le plus souvent peint hors de Venise (à Vicence, à Belluno, à Crema, à Milan, à Trévise) et beaucoup voyagé à l'étranger. Selon Vasari (Vies, éd. de 1568), il aurait travaillé en Allemagne (pour les Fugger), à Augsbourg (où ne se retrouve pas sa trace). On ne sait s'il vint en France, à la cour de Fontainebleau, en 1538, comme le dit Vasari, ou bien en 1559, selon le témoignage de P. A. Orlandi (Abecedario pittorico, 1704, Bologne) et de D. M. Federici (Memorie trevigiane sulle opere del disegno, 1803, Venise), ce que son évolution stylistique semble plutôt indiquer. Ses peintures, rarement signées, datées et documentées, ont été parfois fort discutées : son chef-d'œuvre, la Remise de l'anneau au doge (Venise, Accademia), a probablement été commandé en 1533-1535 pour la Scuola Grande di San Marco, et exécuté v. 1545. On y retrouve, en effet, un motif tiré de l'architecte Serlio, dont il s'inspira aussi dans la Bethsabée au bain (v. 1543-1546, Cologne, W. R. M.). À cette époque, Bordon multiplie les perspectives dans les fonds de ses tableaux (Bethsabée à la fontaine, 1552, Hambourg, Kunsthalle) et les architectures fantastiques, d'un goût très maniériste (Annonciation, musée de Caen). Vigoureux portraitiste (Jérôme Craft, 1540, Louvre ; Joueurs d'échecs, musées de Berlin), Bordon est aussi le peintre mondain des belles Vénitiennes (Amants vénitiens, Brera : Portrait de femme, Londres, N. G.) et, vers la fin de sa carrière, d'allégories mythologiques maniérées et froides (Vienne, K. B. M. ; Ermitage), dont certaines ne sont pas sans verser finalement dans la redite et la convention.

Borduas (Paul-Émile)

Peintre canadien (Saint-Hilaire, Québec, 1905  – Paris 1960).

Il entre, dès l'âge de quinze ans, dans l'atelier d'Ozias Leduc, peintre et décorateur d'églises bien connu au Canada. Ce dernier lui enseigne les rudiments de son art pendant trois ans et le prépare à son entrée à l'École des beaux-arts de Montréal. En 1928, Borduas part pour Paris afin d'étudier dans les ateliers d'art sacré.

    De retour au Canada en 1930, il s'oriente vers l'enseignement, et la découverte du Surréalisme, v. 1940, stimule sa production. Ses personnages et les natures mortes de cette époque contiennent déjà des éléments abstraits, comme dans Femme au bijou (1940, Toronto, coll. Ch. S. Band). En 1942, sous l'influence d'André Masson et de Matta, il pratique une peinture véritablement abstraite qui prendra le nom d'" Automatisme " en 1947, lors d'une exposition de groupe à la gal. du Luxembourg, à Paris. Professeur à l'École du meuble de 1937 à 1948, il forme de nombreux disciples, dont plusieurs signent avec lui un manifeste intitulé Refus global (en 1948). Contraint d'abandonner son poste de professeur la même année, il émigre à New York en 1953, puis à Paris en 1955. L'Automatisme de Borduas, qui désigne une peinture exécutée sous la dictée de l'inconscient alors que la raison est gardée à l'état de veille, rejoint l'Action Painting de Jackson Pollock et de Willem de Kooning, sans pourtant rien lui devoir. La seule influence américaine admise par Borduas est celle de Franz Kline, avec qui il partage une prédilection pour les noirs, les blancs et les gris, à partir de 1955. Borduas cherche à rendre un nouvel espace ouvert et mobile, obtenu par un jeu de pâtes lumineuses et diversifiées dans leurs textures. Son œuvre évoque parfois l'image de réalités astrales ou microphysiques. Elle est doublement émouvante lorsque ces mêmes images apparaissent comme des équivalents de réalités psychiques, et son lyrisme est traduit par une technique exemplaire : Trois +quatre + un (1956, Ottawa, N. G.).

   C'est au musée d'Art contemporain de Montréal que Borduas est le mieux représenté. Les musées du Québec ont par ailleurs organisé en 1971 l'intéressante exposition " Borduas et les automatistes, 1942-1955 ". Une nouvelle exposition lui a été consacrée (Montréal, M. A. C.) en 1995.

bordure

Ce terme est apparu au XVIIIe s. pour désigner les cadres. De nos jours, cet emploi serait impropre, et il convient de le réserver pour désigner le décor (petites scènes ou motifs ornementaux) peint ou dessiné sur le support proprement dit et autour des scènes principales d'un tableau, d'une tapisserie ou d'une peinture de manuscrit. (Voir BAS DE PAGE, CADRE, MARGE.)

Bores (Francisco)

Peintre espagnol (Madrid 1898  –Paris 1972).

Formé dans une académie madrilène et surtout au Prado, où il exécute de nombreuses copies, il expose pour la première fois, en 1925, au Salon des artistes ibériques. Il collabore avec différentes revues : Revista de Occidente, dirigée par Ortega y Gasset, España, Alfaro et Indice, dirigée par Juan Ramón Jímenez. Il se rend la même année à Paris, où il s'installe définitivement. Il y rencontre Picasso et Gris et subit alors l'influence de ce dernier, dont il se distingue par une vision plus dynamique, sensible aux valeurs. Il évolue alors vers un art plus réaliste, qu'il exprime en de vastes compositions au dessin aigu et vivant, et figure sur un mode parfois burlesque le petit monde des cafés. De 1923 à 1925, ses œuvres témoignent d'un classicisme qui évolue jusqu'en 1929 vers un style néo-cubiste. Après 1930, il perd en pittoresque ce qu'il gagne en savant raffinement, dans la représentation, intimiste, subtilement colorée, d'ateliers et de natures mortes (Piment rouge, 1939, Villeneuve-d'Ascq, M. A. M.). Dans les œuvres qu'il a réalisées au cours des années 40, resurgit un esprit de la tradition espagnole baroque (Gaudí) et violent (Goya). Il est représenté notamment à Paris (M. N. A. M.), au musée de Lille, au M. A. M. de Villeneuve-d'Ascq (donation Masurel), et à New York (M. O. M. A.), à Londres (Tate Gal.) et à Madrid (M. E. A. C.) où se trouvent conservées d'importantes œuvres sur papier de l'artiste.