Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
R

Roll (Alfred)

Peintre français (Paris 1846  – id. 1919).

Élève d'Harpignies, de Bonnat et de Gérôme, portraitiste au métier souple (Portrait de Mme Roll, 1883, musée de Nantes), il sut parfois camper son modèle avec une solide simplicité, proche de Manet (Portrait du peintre Damoye, 1886, musée d'Amiens). Paysagiste sincère, il se montra surtout habile dans ses fraîches scènes campagnardes (Manda Lametrie fermière, 1887, Orsay) ou ses études sociales, d'un robuste réalisme (le Travail, chantier de Suresnes, 1885, mairie de Cognac). Marqué par le socialisme, il a exprimé, avec force, ses idées humanitaires dans la Grève des mineurs (1884, musée de Valenciennes). Ces toiles, à la facture large, par leurs tons clairs et leurs effets fugitifs de lumière, se souviennent de l'Impressionnisme (Louise Cattel, nourrice, 1894, musée de Lille). Parfois, Roll se plaît à quelque scène de genre, plus ou moins mythologique et d'un goût moins sûr (Femme au taureau, 1885, musée de Buenos Aires). Ses tableaux militaires (Halte là !, 1875, musée de Metz) et ses représentations d'événements contemporains (Pose de la première pierre du pont Alexandre III par le tsar Nicolas II, 1899, Versailles) révèlent un beau sens de la composition. Roll décora cependant avec brio le salon nord de l'Hôtel de Ville de Paris (les Joies de la vie, 1895). Le Petit Palais possède Art, mouvement, travail, lumière, 1889, et a resitué l'œuvre dans le cadre de l'exposition " le Triomphe des mairies, grands décors républicains à Paris, 1870-1914 " (Paris 1986-87). Ce même musée possède aussi de nombreuses esquisses de plafond par Roll.

Romako (Anton)

Peintre autrichien (Atzgersdorf, près de Vienne, 1832  – Vienne 1889).

Élève de l'Académie de Vienne dès l'âge de 15 ans, il travaille successivement à Vienne (l'Amiral Tegetthoff pendant la bataille de Lissa id.) et à Munich, puis se fixe à Venise (1854-55) et à Rome (1857), où il se lie à Liszt et Feuerbach. Il y connaît un grand succès mais, à la suite d'un drame familial, rentre à Vienne en 1876. Les sites de la vallée du Gastein, très colorés, ont été peints à ce moment. Il exécuta alors d'étranges portraits, quelques-uns d'une extraordinaire concentration psychologique, comme celui de la Comtesse Kuefstein (1885, Vienne, Österr. Gal.) Il développe un style personnel au dessin très sec, d'une méticulosité irréelle ; une mélancolie tragique et indéfinissable confère aux visages une intensité ambiguë (Jeune Fille cueillant des roses, Vienne, Österr. Gal.). Sa dernière manière, pendant la période heureuse dite " époque Makart ", n'eut pas de continuateur immédiat. L'artiste connut le succès pendant sa jeunesse, mais mourut solitaire et pauvre. Une exposition organisée à Vienne en 1905 le révéla au grand public. Peu après, Romako sera l'inspirateur du jeune Kokoschka, qui héritera de sa technique, poursuivra ses expériences et saura tirer de ses suggestions un parti personnel. Ses meilleurs tableaux ont été peints les quinze dernières années de sa vie.

Román (Bartolomé)

Peintre espagnol (Montóro, prov. de Cordoue, v. 1590  – ? 1647).

Reconnu par ses contemporains comme l'un des meilleurs peintres madrilènes de la première moitié du XVIIe s., il semble avoir vécu un peu à l'écart, ne cherchant ni la clientèle ni les honneurs, et sa production fut relativement peu abondante. Disciple de V. Carducho, d'abord influencé par le Maniérisme italianisant de l'Escorial — encore sensible dans son Miracle de la Portioncule à la cathédrale d'Ávila —, il semble avoir subi par la suite l'influence des Vénitiens et peut-être celle de Velázquez. S'inspirant de gravures (Repos pendant la fuite en Egypte, Madrid, fondation Santa Marca), il a travaillé surtout pour les couvents madrilènes, représentant de grandes figures processionnelles, nobles et sereines : saints bénédictins et portraits de religieux (le Vénérable Béda du Prado, Saint Gilles du conseil d'État) ; Archange pour les Descalzas Reales et la Encarnación ; et, dans la sacristie de la Encarnación, son chef-d'œuvre, la Parabole des noces (1628), opulent de couleur, solennel et rythmique dans la composition. Il eut de nombreux élèves, parmi lesquels Carreño de Miranda.

romane (peinture)

Un grand nombre de monuments religieux de l'époque dite " romane " ont été partiellement ou entièrement couverts de peintures, sans que cette ornementation soit d'ailleurs une règle absolue. On y distingue deux domaines, d'une part celui de l'influence byzantine, dont les centres principaux hors de l'empire d'Orient sont la Yougoslavie et la Russie kiévienne et novgorodienne, d'autre part celui de l'Occident, c'est-à-dire l'Italie, l'Espagne du Nord, la France capétienne, les pays du monde germanique, l'Angleterre, le Danemark et la Scanie aujourd'hui suédoise. C'est de l'Occident qu'il est essentiellement question ici.

   Malheureusement, dans l'une comme dans l'autre de ces grandes aires, il ne subsiste que de trop rares éléments. Les destructions, les guerres, le mauvais entretien aggravent plutôt qu'ils n'améliorent la situation. Des découvertes, des restaurations récentes, des nettoyages (en Allemagne depuis 1945) n'arrivent pas à compenser nos pertes.

   Donc, une carte de la peinture murale romane reste bien décevante parce qu'elle n'est qu'un constat de la situation actuelle. On y remarque en particulier que les grands sanctuaires y sont presque absents. Ainsi, la peinture de Cluny ne nous est plus connue que par les œuvres de la chapelle de Berzé, qui en dérivent. De même, la décoration du Monte Cassino ne peut être décelée qu'à travers celle de Sant'Angelo in Formis. La découverte, il y a peu, des peintures d'une absidiole de Saint-Martin de Tours rappelle tout ce que nous avons perdu et rend plus précieux et exceptionnel le témoignage d'un grand programme comme celui de Saint-Savin, même si nous ne l'avons pas en entier sous les yeux.

   Numériquement, le nombre de sanctuaires peints aujourd'hui existants reste infime. Dans les limites actuelles de la France, on a dénombré environ 140 églises et chapelles présentant des fragments plus ou moins importants de décoration peinte : c'est bien peu par rapport au nombre des édifices cultuels. Et pour s'en tenir à ce pays, le plus riche d'ailleurs, la carte reste déconcertante. Faut-il attribuer au climat et à ses destructions l'absence presque totale de peintures murales en Bretagne et surtout en Normandie, puissante province romane ? Que dire de la quasi-inexistence de la peinture murale dans ce Languedoc, dont la sculpture romane est si célèbre ? Quelles sont, au contraire, les causes de la richesse, en qualité comme en quantité, du Centre-Ouest ou bien de la Catalogne, Roussillon compris ? On comprend aisément que les contrastes de cette carte aient conduit à parler, souvent à l'excès, d'écoles régionales.

   Dans l'essentiel, les peintures murales qui nous sont parvenues datent du second art roman, c'est-à-dire de la vaste période qui commence à peu près au troisième tiers du XIe s. et se termine, de façon fort diverse selon les régions, entre 1150 et 1250 au moins. Cela est particulièrement vrai de la France.

   Mais nous avons plus d'un exemple de la période précédente, c'est-à-dire du premier art roman, comme celui de Galliano en Italie du Nord, en 1007. Souvent, le groupe dit " ottonien ", c'est-à-dire celui de la peinture de l'Empire au Xe et même pour une part au XIe s., est étudié avec la peinture carolingienne : tel est le cas du grand ensemble d'Oberzell sur la Reichenau (lac de Constance) et de la chapelle voisine de Goldbach, mais aussi parfois des intéressantes fresques de Fulda, dans une église consacrée en 1023. En réalité, un des problèmes clefs de la peinture murale est celui du XIe s., car les chaînons entre l'art proprement carolingien et l'art roman, s'ils paraissent assez nets dans la Germanie impériale, sont confus en Italie et rarissimes en France. On a parfois essayé de proposer des datations plus anciennes que celles communément admises, en particulier grâce à des analogies avec Galliano. Mais, par exemple, le grand décor de la tribune nord de la cathédrale du Puy reste de date fort incertaine : on dit quelquefois 1050 sans aucune certitude, l'étude du monument lui-même restant hésitante dans sa chronologie ; ailleurs est proposée une hypothétique " fin du XIe s. ".

   Les difficultés ne sont pas moindres en ce qui concerne la fin de l'époque dite " romane ". En France, on a proposé les environs de 1180, en pensant en particulier à l'inflexion nouvelle du style de la crypte de Montmorillon en Poitou. Les récentes découvertes (Lutz-en-Dunois, Pouzauges-le-Vieux), la peinture dite " à l'ocre rouge " dans le Maine et l'Anjou, de type rustique et réaliste, montrent que les passages d'un style à l'autre ont souvent été très lents et progressifs et mènent au-delà de 1200.

   Dans les autres pays d'Occident, il n'y a pas d'hésitation possible : il faut souvent dépasser le début du XIIIe s. Dans les pays de culture germanique, à Gurk en Autriche (1267), la Cité céleste ou le Paradis terrestre montrent la coexistence d'un vocabulaire roman et d'une interprétation stylistique nouvelle, ce qu'indiquaient entre 1150 et 1200 déjà de nombreux exemples rhénans comme Schwarzrheindorf et les belles figures de Saint-Géréon de Cologne. En Catalogne, l'art tardif des " frontaux " est plus folklorique que créateur, mais le cas de l'Italie est différent : de la fresque romane tardive aux grands artistes qui, à la limite du duecento et du trecento, ouvrent l'ère de la grande peinture, il y a moins de différences que de rapports. Les fresques d'Anagni (1255) montrent cependant un vaste ensemble bien daté d'esprit nettement conservateur, véritablement archaïque dans le milieu du siècle gothique.