Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Schongauer (Martin)

Peintre et graveur alsacien (Colmar v.  1450  – Brisach 1491).

Fils d'un orfèvre d'Augsbourg venu s'installer à Colmar, Martin Schongauer est probablement né dans cette ville v. 1450. Il tira très tôt profit du savoir-faire paternel, comme en témoigne sa maîtrise de la technique de la gravure, encore très liée, au milieu du XVe s., à la pratique du métier d'orfèvre. Le style de ses œuvres de maturité suppose également une bonne connaissance de la peinture alsacienne des années 1440-1460 (le peintre strasbourgeois Jost Haller et le Maître du Retable de Stauffenberg).

   Après un court séjour à l'université de Leipzig (1465), Schongauer se rendit vraisemblablement dans les Pays-Bas méridionaux (entre 1465 et 1470). Peut-être séjourna-t-il dans l'atelier de D. Bouts, à Louvain, où il put acquérir une technique picturale soignée. Son voyage en Flandre lui permit en outre d'étudier des œuvres de R. Van der Weyden.

   Peu de panneaux autographes de M. Schongauer nous sont parvenus. Son chef-d'œuvre, la Vierge au buisson de roses (datée 1473 sur son revers ; Colmar, église des Dominicains), allie la monumentalité de la figure de la Vierge à l'intimisme du jardinet qui lui tient lieu d'écrin. Ce retable a été coupé sur les quatre côtés, mais une copie ancienne (Boston, I. S. Gardner Museum) conserve la totalité de la composition, où Dieu le Père et la colombe du Saint-Esprit surmontaient le triangle formé par les deux anges couronnant la Vierge.

   Les volets du retable commandé par Jean d'Orlier, précepteur du couvent des Antonins d'Issenheim, en haute Alsace, furent vraisemblablement peints à la même époque (volets ouverts : Nativité et Saint Antoine et Jean d'Orlier ; volets fermés : l'Annonciation). On retrouve la même ampleur dans ces élégantes figures aux accents essentiellement graphiques. Schongauer est encore l'auteur de trois petits panneaux de dévotion privée : la Sainte Famille (Vienne, Kunsthistorisches Museum), la Nativité (Munich, Alte Pin.) et l'Adoration des bergers (musées de Berlin), où une facture minutieuse acquise en Flandre lui permet un rendu attentif des matières et du paysage. Le Retable des Dominicains de Colmar (Colmar, musée d'Unterlinden), consacré à la Passion et dont l'exécution est sommaire et inégale, n'est qu'une œuvre d'atelier.

   Vers 1488, Schongauer quitta Colmar pour Breisach, petite ville située sur la rive droite du Rhin, où il devait s'éteindre en 1491. Il y peignit, sur les murs de l'avant-nef de l'église Saint-Étienne, un Jugement dernier, redécouvert en 1932 sous un badigeon et endommagé en 1945 par un bombardement. Cette peinture témoigne d'une connaissance de la composition du Polyptyque du Jugement dernier de R. Van der Weyden (Beaune, hôtel-Dieu).

   Mais l'influence de Schongauer sur la peinture allemande de la fin du XVe s. et du début du XVIe s. s'exerça surtout par le biais de ses gravures (116 planches, dont la plupart sont signées du monogramme M. S., avec une croix à une branche en demi-lune). Ces estampes, dont la diffusion atteignit jusqu'à l'Espagne, sont consacrées à des sujets religieux (Vie et Passion du Christ, représentations de la Vierge, des Apôtres, de saints) et profanes (animaux, armoiries, modèles d'orfèvrerie). Elles permettent de mesurer ce que Schongauer doit à la peinture flamande ainsi que l'inventivité du maître colmarien, dont l'art servit véritablement de relais. Ainsi, le Saint Antoine tourmenté par les démons (v. 1470-1475), dont l'une des sources d'inspiration a probablement été le Saint Michel d'A. Van Ouwater (Grenade, Capilla real), aurait été copié par le jeune Michel-Ange.

   Au cours d'une activité artistique extrêmement fertile, interrompue par la mort — une vingtaine d'années de création à peine —, Schongauer avait acquis un grand renom dans les territoires de l'Empire germanique. S'étant rendu en 1492 à Colmar pour y rencontrer le maître, le jeune Dürer fut bien déçu d'apprendre que le " beau Martin " était mort un an auparavant. Son œuvre gravé et dessiné a été présenté à Colmar, musée d'Unterlinden, en 1991.

Schoonhoven (Jan)

Peintre néerlandais (Delft 1914-id. 1994).

Après ses études à l'Académie des beaux-arts de La Haye de 1930 à 1934, les premiers travaux de Jan Schoonhoven le montrent influencé par la peinture expressionniste allemande. De 1940 à 1950, il va s'exprimer dans le style de Paul Klee puis, tandis qu'il entre en 1946 comme fonctionnaire au service des Postes néerlandaises, où il restera jusqu'en 1979, son évolution le conduit vers la peinture de l'école de Paris et le paysagisme abstrait. À partir de 1957, il pratique un tachisme particulièrement radical, qui lui fait acquérir à ce moment une véritable originalité dans le panorama de l'art néerlandais. En 1957, il fonde avec Armando Jan Henderikse et Henk Peeters le Groupe informel néerlandais. Il crée alors ses premiers reliefs, sortes d'excroissances de matière organique constituées d'arêtes et de cavités qui sont réalisées en papier mâché (Abraham, 1958, La Haye, Gemeentemuseum). En 1960, il fonde avec les mêmes artistes le groupe Nul, dont les préoccupations sont proches du groupe Zero en Allemagne et s'appuient sur l'évidence du fait plastique et l'évacuation de toute signification dans la peinture. Schoonhoven réalise alors ses premiers reliefs sériels, constitués d'une trame régulière en relief, en papier mâché et peints en blanc : il n'y a ni composition, ni motif, ni couleur dans ces œuvres, dont l'artiste poursuit la veine jusqu'en 1981. L'année suivante, il exécute plusieurs reliefs en forme de tuiles plates soulevées, qui sont réalisées en carton peint, puis s'arrête de travailler en 1985, sans cesser toutefois de pratiquer le dessin.

   Jan Schoonhoven, l'un des artistes les plus importants des années 1960 aux Pays-Bas, est particulièrement bien représenté dans les musées néerlandais (Amsterdam, Stedelijk Museum) et allemands, ainsi qu'au musée de Grenoble, où il a eu en 1988 sa première exposition organisée par une institution française. Les reliefs et dessins de Schoonhoven (1955-1991) ont été présentés à Maastricht (Bonnefantemuseum) en 1996.