Kruger (Barbara)
Artiste américaine (Newarle, New Jersey, 1945).
L'œuvre de Barbara Kruger est une remise en question, par le jeu de la relation texte-photo, du statut de l'image et de ses modes de signification. Après avoir travaillé comme maquettiste pendant une dizaine d'années pour les Conde Nast Publications, elle mêle en 1978 le texte et l'image dans un livre, Picture/Reading, juxtaposant des vues d'appartements de la classe moyenne à une description de la vie des habitants. Tout au long des années 80, Barbara Kruger utilise des photographies de grand format provenant d'illustrations, de publicités découpées, juxtaposées et recadrées, fréquemment des objets, des animaux, des visages ou des mains en gros plan (Achetez-moi, je changerai votre vie, 1984), souvent encadrés de rouge. Introduits dans des bandeaux dans le champ de l'image, des textes, dans un jeu d'opposition visuelle et de contraste de sens, s'adressent au spectateur. Cette relecture critique vient perturber le fonctionnement traditionnel de l'image-publication et remettre en cause les valeurs économiques, les rapports sociaux et les relations hommes-femmes traditionnellement établis (et utilisés comme support constant par l'image publicitaire) [Sans titre, La surveillance est votre raison d'être, 1984]. La relation texte-photo ainsi créée prend un sens critique évident et, parallèlement, pousse le spectateur à rechercher une valeur narrative nouvelle, ouverte à l'œuvre. Exposant régulièrement ses travaux dans les galeries Crousel-Hussenot à Paris (1984-1987) et Mary Boone à New York (1987-1989), l'artiste a présenté son œuvre en 1984 au Nouveau Musée de Villeurbanne et en 1989 au château de Rivoli.
Kruyder (Herman)
Peintre néerlandais (Lage Vuursche 1881 – Amsterdam 1935).
Surtout autodidacte, il suivit les cours de l'école des Arts et Métiers de Haarlem de 1900 à 1904, et jusqu'en 1910 travailla à Delft dans un atelier de vitraux. Il se consacra ensuite exclusivement à la peinture. Les leçons du Cubisme et de l'Expressionnisme allemand et flamand interviennent dans la formation de son style. Vers 1916-17, ses formes deviennent plus expressives et se simplifient, proches des œuvres de Le Fauconnier ou de Léo Gestel (Paradis II, Frans Halsmuseum, Haarlem). De 1921-22 à 1926, il réside à Bennebroek, où il réalise des peintures d'une grande intensité par le rendu dramatique des sujets et l'usage des couleurs vives (le Tueur de cochon, 1923-1925, Eindhoven, Van Abbemuseum). Installé à Blaricum (1927-1935), il se constitua un métier personnel, où la couleur gagne en nuances (le Cavalier, 1933, Amsterdam, Stedelijk Museum), utilisant une matière épaisse et lourde (le Charron, 1931, Eindhoven, Van Abbemuseum). Le symbolisme de certaines représentations (le Taurillon, l'Étalon, 1932-1934, Enschede, Twenthe, Rijksmuseum) et son goût des motifs villageois (Ferme à Blaricum, 1928, Eindhoven, Van Abbemuseum) rapprochent finalement Kruyder des tendances au primitivisme du XXe s. (l'artiste avait connu Rousseau par la reproduction), et son œuvre présente quelque analogie avec celle, flamande, d'un De Smet. Elle a fait l'objet d'une rétrospective au Singermuseum de Laren en 1980.
Krzyzanowski (Konrad)
Peintre et illustrateur polonais (Krzemienczuk, Ukraine, 1872 –Varsovie 1922).
Il étudia à Kiev (1884-88), à l'Académie des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg (1892-1896), où il se lie au groupe Mir Iskusstva, puis à l'école de S. Hollosy à Munich (1897-1900). Dès 1900, il dirigea sa propre école de peinture à Varsovie et, en 1904-1909, il fut professeur à l'École des beaux-arts de Varsovie. Il est connu surtout comme portraitiste ; ses tableaux se distinguent par leur coloris relativement sombre, leur force expressive et leur recherche du caractère (Portrait de Mme Slonska avec sa fille, 1903, musée de Bytom ; Portrait de Mme Alina Glass, 1903, musée de Varsovie. Jouant des effets de clair-obscur et d'une matière fluide, il excella aussi bien dans l'évocation de femmes dolentes et pensives (Portrait d'une artiste russe, 1897, Torun, musée régional) que dans l'exagération agressive et quasi expressionniste (Portrait de Pelagia Witławska, 1912, Varsovie, id.). Il n'est pas sans affinité avec l'Expressionnisme (Nuages, 1906, Varsovie, id.). On lui doit aussi des illustrations pour la revue Chimera à Varsovie. Son rôle pédagogique fut considérable dans le milieu artistique de Varsovie ; il fut prolongé grâce à son élève Tadeusz Pruszkowski et s'exerça sur le groupe d'artistes de la Confrérie de Saint-Luc.
Kubin (Alfred)
Peintre, dessinateur et graveur autrichien (Leitmeritz, Bohême, 1877 – Zwickledt, Haute-Autriche, 1959).
Après une jeunesse difficile (tentative de suicide en 1896) à Salzbourg, il part pour Munich et se forme à l'Académie (1898). Il s'installe en 1906 dans un manoir à Zwickledt, où il demeurera jusqu'à sa mort, ne le quittant que pour accomplir quelques voyages, qui le conduisent notamment à Prague, à Paris (1905 et 1914) et dans les Balkans. À Munich, il découvre les œuvres de Klinger, Goya, Munch, Ensor et Redon, qui l'enthousiasment, ainsi que les trésors du cabinet des Estampes de Munich et les tableaux de Bruegel l'Ancien, qu'il admire lors d'un séjour à Vienne en 1904, et, en 1913, il participe au Salon d'automne organisé par Der Sturm.
Le style très personnel de Kubin a influencé Klee, George Grosz ainsi que De Chirico, et il se situe au confluent du Symbolisme, de l'Expressionnisme et du Surréalisme. Il fait surgir dans ses dessins un univers peuplé de visions crépusculaires ou nocturnes hallucinatoires : la Guerre (1903, Vienne H. M. der Stadt ; La nuit tombe, le jour s'enfuit (v. 1907-1910), mais le grotesque, l'humour, la raillerie, le sarcasme trouvent aussi place dans son art, souvent satirique et moralisateur. Les animaux sont représentés sous les traits d'êtres fabuleux, inquiétants ou espiègles (Sumpfpflanzen, 1903-1906, Vienne, Oberösterreichisches Landesmuseum).
Ses premières œuvres, encore sous l'influence du Symbolisme, sont des lavis légèrement repris d'aquarelle dont les teintes savamment dégradées dégagent une froideur sinistre. Les 20 compositions abstraites qu'il exécute en 1906 ne connaîtront pas de prolongement. À partir de 1907, Kubin n'a plus fait appel qu'à des moyens graphiques pour représenter son univers de crépuscules, d'étrangeté mais aussi de merveilleux. Plus tard, il aura recours de nouveau à l'aquarelle pour rehausser certaines parties de ses dessins. Auteur d'un roman fantastique, Die andere Seite (" l'Autre Côté "), paru en 1908, il illustre également de nombreux ouvrages, notamment ceux de Poe (le Scarabée d'or, 1910 ; le Cœur qui bat, 1923), de Hoffmann, de Flaubert, de Balzac, de Strindberg, de Dostoïevski, de Kleist, de Wedekind et de Tourgueniev. Les ondulations reptiliennes (qui apparaissent pour la première fois en 1907), les grilles et les réseaux qui se resserrent autour des objets sont spécifiques du style de Kubin. Son mépris pour la forme, son écriture désordonnée font qu'il demeure avant tout un dessinateur.