Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
V

velatura

Terme italien couramment employé pour désigner un glacis.

Velázquez (Diego de Silva)

Peintre espagnol (Séville 1599  – Madrid 1660).

Prince incontesté de l'école espagnole, le peintre de Philippe IV est exemplaire par son destin comme par son œuvre : un génie plein d'aisance, un homme dont la finesse et la courtoisie gagnent l'amitié du roi et forcent le respect des envieux ; une vie digne, peu chargée d'événements et que les remous de la cour n'ont jamais troublée ; une carrière à la fois éclatante et discrète, dont l'ascension paisible rapelle celle de Rubens. Trois faits majeurs en rythment les étapes : l'installation à Madrid (1623) après les débuts sévillans, les deux séjours en Italie, le premier de dix-huit mois (août 1629-janv. 1631), le second de deux ans et demi (janv. 1649-juin 1651).

Les années sévillanes

Diego de Silva Velázquez (il inversera plus tard l'ordre de ses patronymes, comme l'ont fait plusieurs artistes du temps) naît à Séville et y est baptisé le 6 juin 1599 : ses parents, nés aussi à Séville, appartiennent tous deux à la hidalguia ; la famille de son père vient de Porto. En 1611, ses dons précoces le font inscrire comme apprenti chez Pacheco, peintre de transition mais excellent professeur, humaniste et théoricien de son art, chez qui se réunissent les poètes et les peintres de Séville. Diego, son élève préféré, reçu brillamment en 1617 dans la corporation des peintres, devient son gendre l'année suivante. Les œuvres de cette première époque reflètent à peine l'influence de Pacheco, davantage celle du fougueux coloriste Herrera ; celle de Montañés, le maître de la sculpture polychrome et surtout la vague de ténébrisme et de naturalisme caravagesque qui déferle sur Séville et conquiert toute la jeune génération. Ce sont d'abord des scènes de vie populaire incorporant, à la manière d'Aersten ou de Beuckelaer, d'importantes natures mortes — œufs, poissons, cruches et fiasques, en général avec des personnages assez grands : le Vendeur d'eau (Londres, Apsley House), la Vieille Femme faisant frire des œufs (1618, première œuvre datée, Édimbourg, N.G.), les Musiciens (musée de Berlin), Trois Hommes à table (Ermitage) ayant parfois un double sens et d'autres fois, un prétexte sacré : les Pèlerins d'Emmaüs (New York, Métropolitain Museum), le Christ chez Marthe et Marie (Londres, N.G.) ; ce sont des tableaux d'un éclat dur, aux volumes puissamment accusés, qui semblent parfois taillés dans du bois, exprimant avec violence la qualité des matières, les contrastes de lumière et de couleur. Ils suffisent à révéler un maître, qui peint avec le même succès des portraits, d'un relief sculptural : Mère Jerónima de la Fuente (Prado), et des sujets religieux : l'Immaculée et le Saint Jean à Pathmos (Londres, N.G.), l'Apparition de la Vierge à saint Ildefonse (Séville, Palais archiépiscopal), l'éclatante Adoration des mages de 1619 (Prado) et Saint Thomas (musée d'Orléans).

Velázquez à la cour (1623-1629)

La cour de Madrid exerçant une véritable fascination sur les artistes sévillans, Pacheco compte sur le comte-duc d'Olivares, andalou et tout-puissant ministre du jeune Philippe IV, pour introduire son gendre au palais. Après un premier séjour infructueux en 1622 (Portrait de Luis de Góngora [Boston, Museum of Fine Arts], Velázquez retourne à Madrid dès août 1623 pour briguer la succession de Villandrando, peintre du roi. Un portrait (perdu) du roi lui attire la faveur de Philippe IV et il est nommé peintre du roi en octobre. Devait alors commencer, entre le jeune roi épris de peinture et le jeune Sévillan, une relation qui, pendant une quarantaine d'années, allait créer l'un des meilleurs exemples de mécénat royal. À l'admiration réelle du roi répondait l'ambition de Velázquez, qui mena, parallèlement à son rôle de peintre, une carrière de courtisan qui le conduisit à occuper en 1652 le plus haut poste de la cour, celui d'Aposentador Mayor de Palacio, maréchal du palaisSi beaucoup de ses premières œuvres ont disparu, plusieurs portraits de la famille royale (Philippe IV, Don Carlos, Prado), Olivares (Hispanic Society, New York, São Paulo, Museu de Arte) nous montrent la permanence du naturalisme sévillan, alors que l'Expulsion des morisques (1627, disparue), qui lui permit de s'affirmer face aux autres grands peintres de la cour, révèle l'admiration pour Titien, si bien représenté dans la pinacothèque royale. Le second séjour de Rubens à Madrid, en 1628, ouvre de nouveaux horizons à Velázquez, qui, dans les Buveurs (Prado), mêle Bacchus, traité en dieu, à une représentation réaliste des paysans.

   Les conseils de Rubens, l'arrivée à la cour d'œuvres italiennes contemporaines augmentent son désir d'aller en Italie et, en juin 1629, il obtient la permission royale.

Premier voyage en Italie (1629-30)

S'arrêtant à Gênes, Venise, Ferrare, Rome et Naples, où il dut rencontrer Ribera, Velázquez fit avant tout un voyage d'études et copia de nombreuses œuvres (Communion des apôtres de Tintoret, Prado). Les compositions probablement peintes en Italie comme la Forge de Vulcain (Prado) et la Tunique de Joseph (Escorial) montrent le changement drastique de sa manière : une palette plus claire et plus nuancée, un intérêt beaucoup plus grand pour l'espace, la lumière, le goût pour l'histoire et la représentation des " affetti ", l'étude des corps nus... À Naples, il peignit Marie de Hongrie, sœur de Philippe IV (Prado), où le modelé délicat du visage s'impose sur l'ensemble, traité très légèrement.

Velázquez, peintre de la cour

Rentré à Madrid, il s'en éloignera une fois, entre 1630 et 1644, en dix-huit ans, pour accompagner son maître en Aragon durant la campagne contre les Catalans révoltés (1644). L'Italie lui a appris le " grand style ", a assoupli son dessin, aiguisé encore son regard. Velázquez campe des figures, désormais sans raideur, dans un espace baigné d'air, avec des harmonies de gris, d'ocres, de verts qui n'appartiennent qu'à lui. Il demeure avant tout le portraitiste de la famille royale : il transforme les couleurs vénitiennes en une gamme subtile, mêlant brun, rouge et gris, et installe ses personnages dans un cadre qui devient atmosphère (Philippe IV en brun et argent, Londres, National Gallery), où apparaît sa technique " impressionniste ", Philippe IV en chasseur, Baltasar Carlos en chasseur (Prado, Madrid), le Comte-Duc d'Olivares à cheval (Prado), Philippe IV à Fraga (1644, Frick Collection, New York). Sa force d'introspection se lit dans la Dame à l'éventail (Londres, Wallace Collection), Martínez Montañes (Prado) et surtout dans la longue galerie des bouffons et des nains (1632-1649, Pablo de Valladolid, Niño de Vallecas, Calabacillas, Don Sebastian de Morra, Prado), où l'humanité, le respect adoucissent la difformité, la différence. Peu nombreuses, les peintures religieuses sont proches du classicisme d'un Guido Reni (Christ en croix, Prado ; le Christ à la colonne, Londres, Nat. Gallery ; Couronnement de la Vierge, plus tardif Prado).

   Devenu valet de la garde-robe (1634), valet de chambre du roi en 1643, il s'occupa de plus en plus de l'aménagement des palais madrilènes, jouant certainement un rôle dans la conception du décor du Salon des Royaumes (1634), pièce centrale du nouveau palais du Buen Retiro : la Reddition de Breda (Les Lances, Prado), centrée sur la noblesse du geste de Spinola, vainqueur des Hollandais, accompagnait les peintures de victoire commandées à V. Carducho, Maino, Leonardo, Zurbarán... tandis que les deux entrées de la salle étaient dominées par les portraits équestes des souverains et de l'héritier, Baltasar Carlos, peints sur le fond de la montagne du Guadarrama (Prado). Au rendez-vous de chasse de la Torre de la Parada, ses portraits du roi, de son fils et de don Fernando en chasseur (Prado), les interprétations " picaresques " de Ménippe et Esope (id.) voisinaient avec le cycle mythologique conçu par Rubens. " Surintendant des travaux particuliers " dans l'Alcázar de Madrid depuis 1643, il dirigea l'aménagement du Salon des Miroirs, du Salon octogone et c'est en grande partie grâce au prétexte de trouver des antiques pour les orner qu'il put entreprendre en 1649 un second voyage en Italie.