Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Tommaso da Modena

Peintre italien (Modène v. 1325 – Modène v. 1379).

Tommaso se forma dans le milieu très actif des peintres et miniaturistes bolonais, comme l'attestent 2 petits retables portatifs peints dans sa jeunesse (le Christ aux limbes, saint Jean, sainte Catherine, 1345, Modène, Pin. Estense ; Reliquaire, Baltimore, W. A. G.).

   En 1352, il se trouvait déjà depuis quelque temps en Vénétie, où, à Trévise, il était occupé à la décoration de la salle capitulaire au couvent dominicain de S. Niccolò (auj. Seminario). Il aligne sur les murs une étonnante série de portraits de dominicains célèbres, représentés à l'étude dans leurs cellules, avec un réalisme aigu et pénétrant. Une élégance plus subtile caractérise les figures de Saints qu'il exécute à fresque à l'église S. Niccolò, à Trévise encore.

   De 1360 environ datent un diptyque avec le Christ mort et la Vierge et un triptyque avec la Vierge entre saint Wenceslas et saint Palmatius, œuvres d'un coloris solide et chatoyant adouci par un clair-obscur très fin, commandées pour le château de Karltejn, en Bohême, où elles se trouvent toujours. Il n'est pas nécessaire de supposer que Tommaso se soit rendu en personne en Bohême, mais la présence de ses œuvres témoigne de la faveur dont jouissait l'art italien à Prague.

   Vers 1360-1365, Tommaso exécute pour l'église S. Margherita (Trévise) un deuxième cycle important de fresques figurant des Scènes de la vie de sainte Ursule (maintenant détachées et conservées au Museo Civico de Trévise). Le sujet se prêtait à une iconographie copieuse, à de vives descriptions des personnages et des costumes, que le peintre sut traduire en un style vigoureux, mais assoupli par un coloris lumineux et vibrant. D'autres fresques lui sont à juste titre attribuées dans d'autres églises de Trévise (S. Francesco, S. Lucia, S. Niccolò). Parmi les peintures sur bois qu'on lui doit, citons un petit Retable portatif (Bologne, P. N.) et une Vierge (coll. part.).

   Si l'activité de Tommaso miniaturiste fut certainement grande, elle n'est plus documentée que par une feuille avec la Vierge et l'Enfant (Florence, Fond. Longhi) et par quelques feuilles d'un « Offiziolo » de la Sainte Vierge représentant les Mois (Forlì, Biblioteca Comunale) : celles-ci datent probablement de la dernière phase de son activité. L'art de Tommaso se distingue de celui des Bolonais, plus fantaisiste, par un sentiment de mesure et de sérénité. Tommaso est un interprète aigu du réalisme émilien, qu'il applique à la représentation d'une humanité puissante, sanguine, joviale. Il laissa une trace profonde sur la peinture vénitienne de cette époque.

ton

Degré de saturation ou de luminosité, d'intensité lumineuse, présenté par une teinte, allant du plus foncé au plus clair. Valeur d'une teinte : tons clairs, tons obscurs. Effet dominant des couleurs : une peinture froide de ton. Degré d'intensité du coloris.

   Les tons chauds se rapprochent du rouge et de l'orangé. Les tons froids se rapprochent du bleu. Les tons rompus sont obtenus par des mélanges pigmentaires, et en particulier avec du gris. Le ton local est le ton d'une forme colorée imitant la couleur des objets naturels que le peintre cherche à représenter conformément aux règles de la perspective, c'est-à-dire en tenant compte de la place ou du plan que cette forme colorée occupe dans le tableau.

tondo

Tableau de forme circulaire (abréviation de l'italien rotondo, « rond »), particulièrement en vogue en Italie à la Renaissance et notamment à Florence, où, dès l'époque du Gothique international (Maître du Jugement de Pâris du Bargello), il apparaît sous la forme du desco da parto (plateau d'accouchée) et devient un format adopté pour représenter la Vierge et l'Enfant ou la Sainte Famille (Michel-Ange, Tondo Doni, Offices).

Toorenvliet (Jacob)

Peintre néerlandais (Leyde 1635/1636 – id.  1719).

Cité en 1670 à Rome et à Venise, et de 1676 à 1679 à Vienne, Jacob Toorenvliet travaille surtout à Leyde, où il est inscrit, en 1686, à la gilde de Saint-Luc, dont il devient le doyen en 1703. Comme beaucoup de peintres des Pays-Bas du Nord, son voyage italien n'influença pas son style ; il peignait en effet des scènes de genre typiquement hollandaises, dans la manière précise et fine de Dou et de Mieris : la Leçon de musique (Rijksmuseum), la Marchande de gibier (Dresde, Gg), Buveur et buveuse (musée de Bordeaux).

Toorop

Famille de peintres néerlandais.

 
Johannes Theodoor, dit Jan (Poerworedjo, Java, 1858 – La Haye 1928). Originaire de Java, Toorop arriva en 1872 aux Pays-Bas et se forma successivement à Delft, à Amsterdam (1880-1881), à Bruxelles (1882), où il fut membre des Vingt (1885), auxquels il plaisait par sa nature « spiritualisée, complexe, toujours en quête de recherches nouvelles ».

   Après des débuts impressionnistes, un séjour en Angleterre en 1884 avec Verhaeren lui permet des références aux préraphaélites ; au cours d'un deuxième séjour, il rencontre Whistler et tombe sous le charme des théories de William Morris sur « l'Art et le Socialisme ». À Paris (1889), ses contacts avec Félicien Rops et Odilon Redon décidèrent de son ralliement enthousiaste au symbolisme, dont il est, avec Johan Thorn-Prikker, la principale figure en Hollande. Cet art essentiellement graphique, stylisé et aux effets recherchés, trahit l'influence de Aubrey Beardsley (les Trois Fiancées, 1893, Otterlo, Kröller-Müller ; affiche pour Delftsche Slaolie, litho, 1895, Amsterdam, Stedelijk Museum). Toorop revint, après 1900, à une esthétique plus simple et plus colorée, où la leçon du néo-impressionnisme compose avec celle de Van Gogh (Canal près de Middelburg, 1907, id.).

   Le rôle qu'eut Johannes Toorop dans l'art européen de la fin du XIXe s. lui donna une place importante en Hollande, et l'artiste contribua à l'évolution première de Mondrian. Mais, converti au catholicisme, il pratiqua de nouveau une manière de symbolisme religieux, décoratif et monumental, où la trace du cubisme est sensible (la Sainte Fuite, id.). On lui doit également des vitraux pour Saint-Joseph de Nimègue. Il est représenté dans les musées hollandais à La Haye, à Amsterdam et surtout à Otterlo (Rijksmuseum Kröller-Müller).

 
Charley (Katwijk 1891 – Bergen 1955). Elle reçut sa première formation dans l'atelier de son père, le peintre Jan Toorop. Elle commence à travailler dès 1912 dans un style expressionnisto-cubiste influencé par l'art de Le Fauconnier. De 1919 à 1921, elle séjourne à Paris où elle se lie d'amitié avec Mondrian. En 1922, elle s'établit à Bergen et pratique dans ses paysages, et surtout dans ses portraits (souvent de groupe ou de famille), ses scènes de genre et ses natures mortes, un réalisme fortement teinté d'expressionnisme par son insistance et son goût de la monumentalité (Paysan de Walcheren, 1939-1940, La Haye, Gemeentemuseum). Elle est la mère du peintre Edgar Fernhout. Son œuvre est bien représentée dans les musées néerlandais, en particulier à Otterlo (Rijksmuseum Kröller-Müller), qui lui a consacré une exposition en 1996, et à Rotterdam (musée Boymans Van Beuningen).