Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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musées de peinture

Les premières collections

Dans l'Antiquité classique, le mot musée désignait le sanctuaire voué aux Muses, puis il fut appliqué par extension aux édifices où se pratiquaient les arts libéraux auxquels présidaient ces Muses ; ces édifices réunissaient les éléments scientifiques nécessaires à l'étude des arts ; ainsi, le " Mouseion " de Ptolémée Philadelphe, fondé à Alexandrie au IIIe s., était un grand monument consacré aux lettres et aux arts ; il comprenait, avec la " bibliothèque ", un amphithéâtre, des parcs botaniques et zoologiques, des salles anatomiques, tout un ensemble dont était responsable un prêtre.

   Les véritables musées grecs, comme le seront plus tard les temples, portiques ou thermes romains, étaient les lieux à caractère public et le plus souvent religieux ; l'Acropole, véritable musée en soi, abritait en plus une pinacothèque comprise dans l'aile nord des Propylées. La Renaissance donne au mot son sens moderne : le musée est le lieu où sont rassemblés les objets destinés à l'étude des arts, des sciences et des lettres. De nos jours, le musée est une institution officielle, en général à vocation didactique, où sont conservées, étudiées et diffusées les œuvres scientifiques, historiques et artistiques.

La fondation des musées modernes

Les musées ont, en Europe, pris naturellement la suite des grandes collections royales et princières qui se sont ouvertes progressivement aux artistes et au public.

   L'esprit des philosophes, avec qui beaucoup de monarques entretiennent des relations, incite ces derniers à rendre publiques, ou accessibles au moins, les collections. Une idée moralisatrice, née de l'Encyclopédie, veut que ces collections servent de stimulant aux créateurs, de modèles aux artistes et aux étudiants. C'est ainsi que s'opère à Florence, à Dresde, à Kassel, à Düsseldorf, à Vienne le passage de la collection au musée.

   L'Ashmolean Museum à Oxford offrit très tôt un exemple de musée public à caractère pédagogique. Ouvert en 1683, il rassemble les collections constituées par les " Tradescant ", voyageurs infatigables. Celles-ci ont été par la suite léguées à Ashmole, qui les donna, renforcées par ses propres acquisitions, à l'université d'Oxford en 1677. Mais la véritable réflexion sur la manière de constituer une collection naît au XVIIIe s. L'esprit scientifique qui se développait alors voulait que soient représentés le plus possible d'écoles et de peintres différents, satisfaisant la curiosité historique à côté de la recherche esthétique. On rédige alors des traités pour guider les amateurs, on se soucie de l'authenticité des œuvres, de leur conservation.

Le Louvre

En France, un érudit curieux, La Font de Saint-Yenne, soumet à Colbert un manifeste demandant l'exposition publique des collections de la Couronne pour les artistes : il publie en 1744 ses Réflexions sur quelques causes de la décadence de la peinture en France ; depuis le règne de Louis XV, les tableaux étaient invisibles, entassés dans les bâtiments de Versailles, bien qu'un choix en ait été présenté au palais du Luxembourg dès 1756. Dans son Dialogue des Grands de 1749, La Font de Saint-Yenne suggère le Louvre, inhabité, pour y montrer les tableaux de la Couronne resserrés loin de la capitale, entassés dans des salles dont l'éclairage est souvent défectueux.

   Nommé directeur général des Bâtiments par Louix XVI, le comte d'Angiviller reprit l'idée de Saint-Yenne, que Diderot avait développée dans l'Encyclopédie à l'article " Louvre ". Il décide de rassembler dans le palais du Louvre les chefs-d'œuvre des écoles anciennes et modernes sous le nom de " Museum ", et il fait transporter, en 1775, les plans en relief et les modèles de forteresses aux Invalides. Influencé par les idées didactiques et pédagogiques du temps, il voulut que les collections ouvertes au public pussent lui enseigner l'histoire de la peinture, et, après avoir fait dresser par le peintre Durameau un catalogue précis des tableaux de mérite à montrer, il poursuivit une politique d'achat des artistes importants qui n'étaient pas représentés à Versailles, notamment des écoles flamande et hollandaise.

   Il entreprend une véritable politique muséologique : restauration et encadrement des tableaux avec cartels, commission pour étudier les problèmes d'éclairage et de lutte contre l'incendie posés par l'installation prévue des tableaux dans la Grande Galerie. Hubert Robert, nommé garde des tableaux du roi en 1784, se consacra à ce travail, et les vues imaginaires de la Grande Galerie, dont la plupart sont conservées au Louvre, sont le témoin des recherches du peintre. Alors que le problème de l'éclairage zénithal de la Grande Galerie ne fut résolu qu'un peu plus tard, celui du Salon carré le fut dès 1784, pour l'ouverture du Salon de cette même année.

   Survint la Révolution : la Constituante et la Convention, par les décrets du 2 novembre 1789 et la loi du 12 février 1792 sur le rassemblement et la conservation des œuvres d'art appartenant aux religieux et aux émigrés, reprirent ces projets, les enrichissant par des moyens de confiscation privée et de conquête auxquels Angiviller n'avait évidemment pas pensé. C'est le 1er octobre 1792 que le ministre de l'Intérieur, Roland, décrète l'installation au Louvre du Museum, dont il nomme David le surveillant. L'ouverture eut lieu en novembre 1793.

   La répartition des chefs-d'œuvre conquis alla plus loin. Une intention historique et didactique dispersa les objets entre 3 grands musées : le Louvre, Versailles (Museum spécial de l'école française) et le musée des Monuments français, fondé par Alexandre Lenoir et qui dura jusqu'en 1815. Le Louvre fut réservé à la peinture italienne. Versailles devait être consacré à l'école française commençant à Vouet et à Poussin ; on estimait que ces artistes correspondaient à l'apogée de cette école, dont le déclin postérieur devait être imputé à la " décadence des mœurs ". Ce qui précédait ces deux peintres était tenu pour des balbutiements inutiles.

   La politique napoléonienne poursuit les prélèvements de la Convention et du Directoire et opère un immense transfert des œuvres d'art à travers l'Europe. La tendance centralisatrice de l'époque destine à Paris la vocation de " métropole des arts " ; à cette fin, on réquisitionne les œuvres dans les pays occupés et conquis. Ces réquisitions sont facilitées lorsque Napoléon, en 1810, supprime les ordres monastiques en Italie et que leurs biens immenses doivent revenir à la France : le musée Napoléon constitue le symbole officiel de cet impérialisme centralisateur.

   Louis XVIII crée en 1818 le musée national du Luxembourg, destiné aux artistes contemporains, et qui sera à l'origine du musée national d'Art moderne.

   Louis-Philippe, lui, est à l'origine du musée consacré à " toutes les gloires de la France " et installé à Versailles, typique du goût pour les musées historiques, autour de la galerie des Batailles, où travaillent les artistes les plus célèbres du temps.

   Le Louvre s'agrandit considérablement entre 1824 et 1875 sous les règnes successifs de Charles X, Louis-Philippe, et sous le second Empire (décoration des salles égyptiennes, du Salon carré). Napoléon III, convaincu de la légitimité du pouvoir qu'il détient, reprend le " grand dessein " des rois, c'est-à-dire réunir le Louvre et le palais des Tuileries. Ce vaste projet dont l'idée première remonte aux Valois fut souvent remis en question. Les architectes de Napoléon III, Visconti et Lefuel, achèvent ce palais immense, qui comporte le " musée des Souverains ", des locaux administratifs et ministériels ; la galerie du Bord-de-l'Eau trouvait un pendant dans l'aile qui relie le pavillon de Marsan au vieux Louvre. C'est à ce moment sont construites les grandes salles de peintures.

   À partir de 1983 est élaboré et réalisé le projet " Grand Louvre " qui annexe au musée les espaces de l'aile Richelieu, au nord du palais, jusque-là occupés par le ministère des Finances, et installe en sous-sol l'ensemble des équipements (accueil, auditorium, salles d'exposition, réserves, librairie, restaurants) qui manquaient cruellement. Œuvre pour l'essentiel de l'architecte sino-américain I. M. Peï et rapidement symbolisé par sa pyramide de verre, à la fois entrée et signal au centre du musée réorganisé, le Louvre rénové a pu être inauguré pour son bi-centenaire en 1993 ; quelques années seront nécessaires pour terminer les équipements, notamment dans la partie sud du palais.