salon (suite)
La critique des Salons
Elle constitue un véritable genre littéraire, où, très souvent, s'exprime la passion des esprits. Elle forme un document précieux à plus d'un titre : non seulement elle restitue le jugement des contemporains et témoigne de l'évolution esthétique du temps, mais encore elle consigne les circonstances événementielles des expositions et les descriptions des œuvres, rarement indiquées dans les " livrets " et les catalogues.
La critique proprement dite apparaît au XVIIIe s. Certes, les premiers Salons avaient dû susciter une vive curiosité : des commentaires signés de noms de fantaisie (Minos, Cassandre, Le Chinois, Raphaël ou Badigeon), ou le Salon de Mallet de Viriville, le laissent supposer. En fait les premières critiques imprimées paraissent pour la première fois en 1737, puis viennent des " lettres " d'amateurs, parfois si violentes qu'il devient obligatoire de les signer. Quelques gazettes adoptent une rubrique spécialisée, certaines se montrant dévouées à l'Académie, d'autres plus polémiques. Les salonniers, tels Caylus, Boillet de Saint-Julien, La Font de Saint-Yenne, Cochin, qui ne sont pas des critiques d'art professionnels mais des amateurs ou des moralistes, sont très nombreux, surtout dans la seconde moitié du siècle. La Correspondance littéraire de Grimm publie des comptes rendus de 1753 à 1781 ; Diderot en est le principal rédacteur entre 1759 et 1781. L'Année littéraire ou le Mercure de France publient des commentaires de Fréron, Marmontel, Grimm, Restif de La Bretonne, parfois assez violents ; c'est pourquoi de nombreuses brochures ou pamphlets sont publiés à l'étranger, à Londres ou Amsterdam plus particulièrement. C'est aux thèmes figurés et aux choix purement esthétiques que s'intéressent surtout les rédacteurs de ces commentaires ; rares sont ceux qui portent leur examen sur le " métier " et la technique.
La critique des Salons peut être particulièrement bien étudiée à la B. N. de Paris, au cabinet des Estampes, qui conserve le fonds Deloynes, où est rassemblée, année par année, et à la suite d'un exemplaire du livret officiel, la presque totalité de la critique de chaque Salon. Une autre source pour la connaissance des Salons réside dans les vues des expositions de 1785 et 1787 gravées par Martini, et surtout dans les dessins de Gabriel de Saint-Aubin donnés en marge des livrets des Salons de 1761, 1769 et 1777 ; pour le XIXe s., il faut noter l'importante suite gravée par C. P. Landon dans ses Annales du musée, qui reproduit et commente les principales œuvres exposées aux Salons sous l'Empire et la Restauration. Les Salons du XIXe s. sont commentés encore plus assidûment par les chroniqueurs, politiques ou moralistes. Guizot analyse l'état des beaux-arts en France à l'occasion du Salon de 1816. Thiers publie 2 Salons en 1822 et 1824 dans le Constitutionnel ; Gustave Planche, qui en laisse 7 de 1831 à 1849, et Jules Janin, 2 en 1834 et 1845, sont des critiques spécialisés. Le Salon de 1836 est relaté par Alfred de Musset dans la Revue des Deux Mondes. En 1837, Théophile Gautier commence dans la presse sa série des Salons, qu'il continue presque chaque année jusqu'en 1850. Prosper Mérimée publie également dans la Revue des Deux Mondes (sous la signature " un Anglais "). Le Salon de 1840 est l'objet de plusieurs études, notamment de Charles Blanc et d'Alphonse Karr. Arsène Houssaye, dans la Revue de Paris de 1843 et 1844, prend le thème du Salon pour juger les mœurs, tandis que Thoré considère plutôt l'exécution des œuvres. On lira encore deux Salons de ce dernier en 1845 et 1847. Les trois Salons publiés par Baudelaire en 1845, 1846 et 1849 demeurent, avec ceux des Goncourt, les plus célèbres du XIXe s. Citons encore parmi les auteurs les plus connus Théodore de Banville, qui écrivait dans le Pouvoir, Chamfleury, dans le Messager de l'Assemblée.
De nos jours, la plume du chroniqueur est passée désormais aux historiens d'art et aux critiques spécialisés.