Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
C

conversation piece

Terme anglais désignant une certaine catégorie de tableaux située à mi-chemin entre le portrait, la scène de genre et le paysage : on y voit plusieurs personnages identifiés, représentés généralement dans leur maison, leur château ou leur jardin et ayant entre eux des rapports de conversation ou de communication.

   La conversation piece se distingue du portrait de groupe en ce que les personnages décrits, non idéalisés, ne sont pas liés par des relations officielles, mais, au contraire, intimes (il s'agit, en effet, le plus souvent, de membres d'une même famille) ; elle se distingue de la scène de genre ou d'intérieur en ce que le milieu décrit est l'habitat de la famille, scrupuleusement détaillé. Les relations psychologiques entre les différents personnages, souvent indiquées par un geste ou un regard, ou entre ces personnages et le milieu dans lequel ils vivent ou même entre eux et le spectateur, qu'ils semblent inviter à partager leur vie, demeurent les caractéristiques essentielles de la conversation piece, qui apparaît dans son aspect domestique et social comme un genre bourgeois. C'est pourquoi les deux pays où s'épanouit principalement ce type de peinture furent la Hollande et l'Angleterre. Cependant, la conversation piece ne désigne le plus souvent que les scènes de société peintes en Angleterre au XVIIIe s.

   L'origine de la " scène de conversation " se situe non pas en Italie (les portraits de groupe vénitiens ne peuvent, en effet, être considérés comme des précurseurs du genre), mais en Flandres : c'est le Portrait des époux Arnolfini de Van Eyck (Londres, N. G.) qui en est le prototype ; les deux personnages sont dépeints dans leur chambre nuptiale et, par l'intermédiaire du miroir, sont reliés au spectateur. On peut aussi considérer, à la suite des Arnolfini, la série des changeurs et banquiers créée par Van Eyck et continuée par P. Christus (Saint Éloi et les fiancés, Metropolitan Museum, coll. Lehman) et Q. Metsys (le Prêteur et sa femme, Louvre) comme des prototypes du genre. Mais ce n'est qu'au XVIIe s., en Flandres (Gillis Van Tilborch, Gonzales Coques) et en Hollande (Jan Quinkhard, Gabriel Metsus, Adriaen Van Ostade, Thomas de Keyser, Pieter Codde), que s'est développée cette conception antiaristocratique du portrait de groupe situé soit dans un intérieur (Van Tilborch : Famille dans un intérieur, Rotterdam, B. V. B. ; Van Ostade : la Famille de Goyer, 1650, La Haye, musée Bredius ; Rembrandt : l'Architecte naval et sa femme, 1633, Londres, Buckingham Palace), soit dans une cour (Pieter De Hooch : Famille dans une cour, Vienne, Akademie) ou un jardin (Rubens : Rubens et sa femme dans leur jardin, Munich, Alte Pin. ; Jordaens : Famille dans un jardin, Prado ; Hals : Couple dans un parc, Rijksmuseum). En France, la scène de conversation est assez rare (Largillière : le Portrait de famille, Louvre) ; la tendance est plutôt aux tableaux de mode et aux fêtes galantes, situés à l'opposé même de la conversation piece. C'est pourtant l'influence française (avec les voyages de Largillière et de Watteau en Angleterre et le rayonnement de l'œuvre de Watteau à travers Gravelot), s'ajoutant au fort courant venu de Hollande et des Flandres, qui donna à la conversation piece anglaise du XVIIIe s. le caractère que nous lui connaissons.

   Une des premières conversation pieces fut peinte par P. Mercier, artiste d'origine française. Frédéric prince de Galles et ses sœurs (1733, Londres, N. P. G.) ; c'est lui aussi qui créa la conversation piece musicale, certes dérivée des " moments musicaux " hollandais, mais qui reste typique du genre en Angleterre (la Partie musicale, Londres, Tate Gal. ; les Cinq Sens, New Haven, Yale Center for British Art). La scène de conversation, reflet de l'Angleterre parlementaire du XVIIIe s., est révélatrice de ce goût pour le portrait de famille de petit ou de moyen format, dont la liberté l'oppose au portrait de cour. Après Mercier, le genre fut illustré par Dandridge (la Famille Price, Metropolitan Museum), Francis Hay (la Famille Tyers, New Haven, Yale Center for British Art) et connut son apogée avec Hogarth (Assemblée à Wanstead House, musée de Philadelphie ; le Mariage de Stephen Beckingham et de Mary Cox, Metropolitan Museum ; la Famille Strode, Londres, Tate Gal. ; la Réunion de famille, New Haven, Yale Center for British Art ; David Garrick et sa femme, Windsor Castle) et Zoffany, qui, très lié avec le comédien Garrick, créa la conversation piece de théâtre (Charles Towneley dans sa bibliothèque, Burnley, Towneley Hall Art Gal. and Museum ; le Menuet, Glasgow, Art Gal. ; la Famille Drummond, New Haven, Yale Center for British Art ; la Reine Charlotte et deux de ses enfants, Windsor Castle ; la Famille Bradshow, Tate Gal.). Des artistes comme Gainsborough (Conversation dans un parc, Louvre ; Mr et Mrs Andrew, Londres, N. G.), Romney (Peter et James Romney, New Haven, Yale Center for British Art), Stubbs (le Colonel Pocklington et ses sœurs, 1769, Washington, N. G.) ou Reynolds (Lady Cockburn et ses enfants, 1773, Londres, N. G.) prolongèrent brillamment le genre de la conversation piece, qui alla en s'affadissant à l'aube du XIXe s.

   À la fin du XVIIIe s. et pendant tout le XIXe, la scène de conversation se répandit dans tous les pays européens et jusqu'aux États-Unis, mais la précision quasi photographique des groupes en était un signe de déclin. C'est paradoxalement en France avec Vincent (la Famille Boyer-Fonfrède, Versailles), Boilly (la Famille Gohin, 1787, Paris, musée des Arts décoratifs), Gauffier et surtout dans les dessins d'Ingres (la Famille de Lucien Bonaparte, Cambridge [Mass.], Fogg Art Museum ; la Famille Stamaty, la Famille Forestier, Louvre ; la Famille Lethière, Boston, M. F. A.) que le genre se maintint avec toute la spontanéité et le naturel qu'avaient su lui conférer les artistes anglais du XVIIIe s.

Cooper (les)

Miniaturistes britanniques.

 
Alexander (Londres v. 1605  – Stockholm v. 1660). Également auteur de dessins, d'aquarelles (paysages), il vécut en Hollande, puis se fixa en Suède, où il devint le portraitiste de la reine Christine. Le Rijksmuseum d'Amsterdam conserve de lui 2 portraits du roi Jacques II d'Angleterre.

 
Samuel ( ? 1609 – Londres 1672). Son frère, fut son élève et celui de leur oncle John Hoskins, chez lequel il fit son apprentissage. Il s'établit à son compte après 1634 et effectua de nombreux voyages sur le continent jusqu'en 1642, date à laquelle il s'installa à Londres. Il se fit rapidement connaître en Angleterre et à l'étranger comme le " Van Dyck en petit ". Il s'affranchit vite du style traditionnel de la miniature, représenté par Oliver, Hilliard et Hoskins, et obtint bientôt de nombreuses commandes, des royalistes comme des puritains, car il avait l'art de discerner le caractère intime de son modèle. On peut comparer Cooper à Hilliard, et les considérer comme les deux plus grands miniaturistes anglais. Ses portraits de Charles II et de Cromwell sont conservés à Londres (Wallace Coll.), ainsi que son Autoportrait (V. A. M.).