Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
C

Cesi (Bartolomeo)

Peintre italien (Bologne 1556  – id. 1629).

Élève de Nosadella, selon Malvasia, il essaie d'abord de concilier les éléments novateurs apportés par les Carrache et ceux de son éducation, marquée par le maniérisme tardif. Sa première œuvre connue, le décor à fresque de la chapelle Vezza de S. Stefano à Bologne, date de 1574. Sa seconde œuvre documentée est la Crucifixion avec des saints à S. Martino à Bologne (1584-1585). L'artiste y témoigne d'une adhésion à l'esprit de la Contre-Réforme dans l'interprétation de la peinture sacrée apparaissant à Bologne à la suite de la publication du Discours autour des images sacrées et profanes de Gabriele Paleotti (1582). Il s'inspire à nouveau des exemples romains, ceux de Muziano et Venusti notamment. Cherchant un équilibre entre " nature " et " idée ", il tente de se rapprocher d'un certain réalisme, comme le montrent les peintures Saint Benoît écoutant l'harmonie céleste (Bologne, S. Proclo, 1588-90) et la Vierge en gloire avec des saints (Bologne, P. N.). En 1591, à Rome, au contact des œuvres de Pulzone, son style se cristallise dans la répétition de formes idéales et intemporelles. De retour à Bologne, Cesi réalise des fresques (presque totalement perdues) dans la chapelle de S. Maria dei Bulgari dans l'Archiginnasio de Bologne (Vertus chrétiennes et Scènes de la vie de la Vierge, 1594). Son art trouve son accomplissement en 1594 et 1595 : décor de la coupole de la chartreuse de Maggiano (Sienne), Assomption de la Vierge (pour l'autel de la même chartreuse, aujourd'hui au dôme de Sienne) et triptyque avec la Vierge en gloire et les saints Benoît, Jean-Baptiste et François (Bologne, S. Giacomo Maggiore). Ces œuvres témoignent de l'influence évidente de Fra Bartolomeo, de Corrège, et surtout des Carrache, interprétée avec solennité et un profond sentiment religieux. À partir de 1595, ses tableaux sont empreints d'une atmosphère irréelle et spirituelle, reflet des principes rigoureux de la Contre-Réforme : Triptyque de S. Domenico à S. Gerolamo alla Certosa et à S. Domenico de Bologne (v. 1601). Son activité se poursuit de façon très dense jusqu'à sa mort (fresques du Palazzo Fava, Histoires d'Énée). Cesi est l'un des meilleurs dessinateurs du XVIe siècle bolonais.

Céspedes (Pablo de)

Peintre espagnol (Alcolea de Torote, prov. de Tolède av. 1548  – Cordoue 1608).

Il est le représentant le plus important de l'école de Cordoue pendant le dernier tiers du XVIe s. Après des études à l'université d'Alcalá qui firent de lui un véritable humaniste, il séjourna à Rome plusieurs années avant 1577, puis de nouveau en 1852 ; il y travailla avec F. Zuccaro. Ses contemporains ont loué dans sa peinture le coloris qui l'apparente à Corrège, mais les œuvres qui nous sont parvenues sont plus proches de Michel-Ange que du maître de Parme (Nativité, chapelle de la Descente de Croix, Rome, église de la Trinité-des-Monts). De retour en Espagne, il s'installa à Cordoue mais se rendit à maintes reprises à Séville, où il fréquenta l'Académie de Mal Lara et Pacheco. En 1587, il peignit à Guadalupe, où il se rendit avec F. Zuccaro, le retable de la chapelle Sainte-Anne dans un pur style romaniste. Le Retable de la Cène et celui de Sainte Anne (cath. de Cordoue, peints en 1595) ont des accents plus personnels : éclairage latéral, lourdes draperies, nature morte au premier plan annoncent l'école andalouse du début du XVIIe s. Cespedes doit sa célébrité à ses écrits théoriques, dont les principaux sont le Discours sur la comparaison de l'art antique et moderne (1604) et le Poème de la Peinture, publié par Francisco Pacheco dans son Art de la peinture, paru en 1649. Ces ouvrages, qui témoignent de l'érudition de leur auteur, firent connaître à l'Espagne les peintres italiens contemporains.

Cézanne (Paul)

Peintre français (Aix-en-Provence 1839  – id. 1906).

D'origine aixoise et dauphinoise, ouvrier puis négociant chapelier, le père de Cézanne devient en 1847 banquier, assurant à son fils un avenir dénué de préoccupations financières. De 1852 à 1858, Paul reçoit une solide formation humaniste au collège Bourbon d'Aix. Zola y devient son ami. Ensemble, ils font de longues promenades agitées de rêves et de discussions. Bachelier en 1858, Cézanne entre à la faculté de droit, mais l'échange de lettres qu'il entretient avec Zola l'encourage bientôt à réclamer son indépendance, prétextant une vocation picturale qui semble alors reposer avant tout sur le mirage intellectuel de la capitale. Les Quatre Saisons (1860, Paris, Petit Palais) dont il décore le " Jas de Bouffan ", maison de campagne que son père vient d'acquérir, témoignent surtout d'une juvénile maladresse. À Paris, en 1861, il fréquente l'Académie Suisse, reçoit les conseils de son compatriote Villevieille, mais son inexpérience le décourage : il revient à la banque paternelle pour peu de temps, sa vocation de peintre s'étant définitivement affirmée. De 1862 à 1869, entre Paris et Aix, Cézanne, qui ne connaissait que les caravagesques des églises aixoises et les collections importantes, mais peu actuelles, du musée Granet, assiste au conflit opposant l'éclectisme cultivé et fade des milieux officiels au réalisme révolutionnaire de Courbet, de Manet et des " refusés " de 1863. Conciliation anachronique de l'art des musées et du modernisme, l'œuvre de Delacroix apparaît alors, à la rétrospective de 1864, comme un ultime vocabulaire où puiser ses justifications. Perméable à ces influences variées, il participe aux réunions du café Guerbois et est ébloui par le lyrisme de Géricault ou de Daumier.

La phase baroque

Cézanne traduit ses débordements et ses angoisses dans ce qu'il appelle sa manière " couillarde ". En une pâte éclatante et boueuse, lourde de noirs épais, brutalement maçonnés, il évoque les scènes de genre érotiques et macabres que lui inspirent les baroques italiens et espagnols ou tel de leurs imitateurs, comme Ribot (le Festin, v. 1867-1872 ; la Madeleine, 1869, Paris, Orsay ; l'Autopsie, 1867-1869). Plus tenus, ses portraits et ses natures mortes témoignent alors d'une force et d'une intensité surprenantes (le Nègre Scipion, 1865, musée de São Paulo ; Portrait d'Emperaire, 1866, Paris, Orsay ; l'Oncle Dominique, 1866, Paris, Orsay ; Metropolitan Museum ; le Père de l'artiste, Washington, N. G. ; la Pendule au marbre noir, 1869-1871, coll. Niarchos). Se trouvant à l'Estaque (1870) au moment où éclate la guerre entre la France et l'Allemagne, Cézanne ignorera le conflit jusqu'à la fin des hostilités. Il y peint sur le motif de nombreux paysages aux plages colorées, audacieusement composés (la Neige fondante à l'Estaque, 1870, Zurich, coll. Bührle). Cette période souvent méconnue fut l'objet d'une exposition en 1988 (Londres, Paris, Washington).

Contacts avec l'Impressionnisme

Prêt à assimiler les recherches des impressionnistes, il s'installe en 1872-73 auprès de Pissarro, à Auvers-sur-Oise, et subit son influence. Humainement détendu auprès de sa compagne, Hortense Fiquet, qui vient de lui donner un fils, et de ses amis Guillaumin, Van Gogh et surtout le docteur Gachet, Cézanne substitue en petites touches beurrées le " ton au modelé ", définissant dans des paysages comme la Maison du pendu (1873, Paris, Orsay) ou des natures mortes telles que le Buffet du musée de Budapest (1873-1877) un univers personnel fortement animé, mais toujours soumis aux exigences du tableau. Réservant l'analyse psychologique aux autoportraits riches de défiance et de passions (anc. coll. Lecomte, v. 1873-1876 ; Washington, Phillips Coll., v. 1877), Cézanne observe simplement la cadence des volumes et des tons dans l'espace pictural. L'assise géométrique de Madame Cézanne au fauteuil rouge (1877, Boston, M. F. A.), le dialogue serein de la Nature morte au vase et aux fruits du Metropolitan Museum (v. 1877), l'ordonnance des arbres du Clos des Mathurins (v. 1877, Moscou, musée Pouchkine) témoignent de préoccupations identiques, que le peintre s'attachera désormais à résoudre. Prétextes à variations rythmiques, les corps résolument déformés de la Lutte d'amour (1875-76) rappellent Rubens et Titien, comme les Baigneurs et Baigneuses qu'il commence dès lors. En 1874, Cézanne avait participé à la première exposition des impressionnistes chez Nadar ; il présente en 1877 16 toiles et aquarelles à l'exposition impressionniste de la rue Pelletier. Blessé par les ricanements de la presse et du public, il s'abstiendra désormais d'exposer avec ses amis.