Tobey (Mark)
Peintre américain (Centerville, Wisconsin, 1890 – Bâle 1976).
Après de brèves études à la High School de Hammond, il exerce différents métiers à Chicago, où sa famille s'est installée, et travaille ensuite comme dessinateur de mode, d'abord à Chicago, puis à New York, où il est tenté par la carrière de portraitiste mondain, mais il préfère gagner sa vie comme décorateur-ensemblier pour pratiquer librement la peinture. C'est sans doute son adhésion vers 1918 à une nouvelle religion d'origine orientale, le béhaïsme, qui fut le point de départ de l'itinéraire spirituel de son art. Son apprentissage de peintre autodidacte, passant alternativement de la peinture traditionnelle à des recherches de rythmes dans l'espace, dura de nombreuses années, au cours desquelles Tobey allait souvent se déplacer (États-Unis, Europe, Proche-Orient). En 1934, il part pour la Chine, où il retrouve le peintre chinois Ting Kwei, qui l'a initié aux techniques du lavis et de la calligraphie. Pourtant, c'est au Japon, où il se rend ensuite, que, dans un monastère zen de Tōkyō, un moine peintre lui révèle l'esprit universel et la signification cosmique du parcours ininterrompu de la ligne calligraphique dans l'espace. Dès son retour en Amérique, ses recherches aboutissent, en 1935, à ce qu'il appelle l'« écriture blanche » (« white writing »), dont le premier exemple est la « tempera » Atmosphère de Broadway (1936, New York, M. o. M. A.), qui est suivie par une série de peintures de même inspiration, les unes descriptives, les autres purement rythmiques. C'est aussi vers la même époque qu'il a la prescience du all over toute la toile est recouverte de signes sans centre ni profondeur. La lisibilité du motif disparaît. Néanmoins, il reste encore fidèle à la figuration jusqu'en 1945, comme en témoigne le Torse balafré, de 1945 (Paris, M. N. A. M.). Bientôt, il renonce à l'écriture blanche pour adopter une nouvelle manière, sombre, qu'il approfondira jusqu'en 1953, année où le blanc réapparaît comme élément dominant. S'il s'inspire toujours de son observation de la nature et refuse l'« abstrait », qui n'aurait aucune affinité avec la vie, il se plaît à varier les moyens et les styles de son écriture picturale pour découvrir les plus secrètes correspondances entre ses impulsions intériorisées et les rythmes de l'univers. Il a reconnu l'influence de l'Extrême-Orient lorsqu'il a nommé « sumi » (terme japonais désignant le lavis à l'encre de Chine) certaines de ses œuvres de 1957 (Nature morte sumi ; Calligraphy in White). Tobey a connu la consécration, tant aux États-Unis, par plusieurs récompenses, comme le prix national de la fondation Guggenheim en 1957 ou son élection à l'Académie américaine des arts et des sciences en 1958, qu'en Europe, où il reçut, la même année, le grand prix international de peinture à la Biennale de Venise. Installé à Bâle en 1960, il y mena jusqu'à sa mort une vie solitaire de travail intense (Sagittarious Red, 1963, musée de Bâle). Il est représenté notamment à New York (M. o. M. A. et Metropolitan Museum), à Londres (Tate Gal.) et à Paris (M. N. A. M.).
Tocqué (Louis)
Peintre français (Paris 1696 – id. 1772).
Fils du peintre d'architectures Luc, il fut, v. 1710, l'élève de Nicolas Bertin, et, v. 1718-1724, celui de Nattier, dont il épousa la fille. Quelques commandes officielles marquent une première période entre sa réception à l'Académie (Louis Galloche et Jean-Louis Lemoyne, 1734, Louvre) et son voyage en Europe du Nord ; son art se caractérise alors par une franchise du trait qui rappelle certaines effigies de A. S. Belle : le Dauphin (1739, id.), Marie Leszczynska (1740, id.). Appelé par l'impératrice Élisabeth à Saint-Pétersbourg pour succéder au portraitiste Louis Caravaque, mort en 1754, Tocqué fit quelques portraits à la Cour (1756-1758, Élisabeth, Ermitage), passa à Copenhague (où il devait revenir en 1769).
Une palette sobre, un ensemble d'harmonies assourdies accordées à un fond austère témoignent de la grande sensibilité d'un artiste qui s'est attaché à rendre l'éclat des accessoires (Comtesse Loménie de Brienne, 1737, musée de Strasbourg ; Madame Dangé, 1753, Louvre), à étudier plus attentivement certaines physionomies (Madame Doyen, Paris, musée Carnavalet) ou à évoquer l'importance sociale d'une personnalité par l'effet des drapés et la fermeté du modelé des visages : Marquis de Lücker (1743, musée d'Orléans). L'œuvre de Tocqué est une transposition adoucie de celui de Rigaud et sera imité par des artistes d'importance secondaire, comme Jean Valade et Guillaume Voiriot.
Toepffer (Wolfgang Adam)
Peintre et caricaturiste suisse originaire de Franconie (Genève 1766 – Morillon 1847).
Après un apprentissage de graveur, il part pour Paris, où il travaille dans l'atelier de Suvée (1789-1792). De retour à Genève, il y débute au Salon de 1895 et se consacre à l'enseignement du dessin. Interprète sensible de la campagne genevoise et savoyarde, Toepffer rend avec verve la poésie des scènes champêtres et villageoises (Sortie d'église en hiver, 1826, Genève, musée d'Art et d'Histoire), rendues dans une technique méticuleuse influencée par le peintre français J L. Demarne. Ses dessins et ses esquisses sont d'une technique beaucoup plus libre que ses huiles. Dans ses caricatures, son esprit à la fois mordant, sagace et spirituel se donne libre cours. Adam Toepffer, s'il ne peut être considéré comme un grand créateur, reste néanmoins dans l'histoire de la peinture genevoise un petit maître exquis. Il est bien représenté au musée de Genève.
toile
Tissu de fil de lin, de chanvre ou de coton utilisé comme support pictural après avoir reçu une préparation appropriée. Par extension, on désigne sous ce nom tout tissu cloué sur un châssis servant de support pictural, quelle que soit la nature des fibres qui le constituent. Jusqu'au XIXe s., les toiles étaient à base de chanvre, de lin, de soie, quelquefois de genêt, ou d'ortie. De nouveaux textiles sont apparus depuis : le coton, le jute (très utilisé par les expressionnistes allemands), le coco, les fibres synthétiques, les tissus de papier ou à base de verre, etc.
Avant d'être directement employée comme support, la toile a connu en peinture des usages divers : associée à des feuilles de papyrus, elle a servi en Égypte à la fabrication des cartonnages peints destinés à entourer les momies ; mêlée à de l'enduit, elle a été utilisée au Moyen Âge pour protéger et renforcer les joints des panneaux en bois (face et revers). Les débuts de son utilisation comme support indépendant ne remontent qu'aux environs du XVe siècle.
Ces premières toiles à structure fine étaient recouvertes d'une peinture de texture mince. On les désignait sous le nom de tela rensa (tableaux de Mantegna, Hugo Van der Goes, Dürer). La nature du tissage a varié selon les époques, les écoles de peinture et la densité de l'armure. L'apparition au XVIe s. du croisé – et les dessins qui en dérivent, tels que le chevron, les arêtes de poisson, qui ont donné aux toiles une structure rude et saillante – a déterminé de nouveaux caractères de la surface peinte (elle a permis de peindre par touches empâtées : les Vénitiens, Rembrandt).
Au XVIIe s., en Italie, les toiles furent tissées de façon très lâche ; en France, à la même époque, on a utilisé des toiles simples à tissage régulier, plus ou moins grosses (toiles de Poussin : 19 fils de chaîne et de trame au cm2 pour les plus fines, et 7 fils de chaîne et de trame au cm2 pour les plus grosses). Au XVIIIe s. apparaissent des toiles tissées à la machine et les premières toiles toutes préparées par les manufactures.
La préparation a la double fonction de protéger les fibres contre l'action destructrice des liants et des pigments de la couche picturale et de faire adhérer celles-ci au support. Les toiles les plus résistantes sont celles dont les fils de chaîne ou de trame sont serrés et de qualité et grosseur équivalentes. Le tissage lui-même, important pour l'aspect du tableau (chevron, croisé), joue un rôle mineur dans la conservation des toiles.