Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Grand Tour

Voyage, entré dans les mœurs britanniques dès 1720, que tout Anglais de bonne souche se devait de faire jusqu'en Italie, le plus souvent en traversant la France et la Suisse, en compagnie d'un ou de plusieurs guides capables de lui montrer ce qui était digne d'être vu et de faire son éducation. Aucun aristocrate ou gentilhomme au XVIIIe s. n'avait véritablement achevé son éducation tant qu'il n'avait pas vécu au moins un an à l'étranger.

   Au cours de ce voyage, le gentilhomme acquérait rapidement une teinture de la langue et des mœurs italiennes ou françaises. Il revenait en Angleterre l'esprit rempli de tournures élégantes sur les beautés de la baie de Naples, la splendeur du Vésuve et l'éclat de la Renaissance à Florence et à Rome.

   C'était aussi l'attrait du passé qui s'exerçait sur les voyageurs du Grand Tour. Herculanum et Pompéi venaient d'être exhumées et des artistes comme Gavin Hamilton employaient leur temps de manière profitable en achetant et en vendant des marbres et des statues antiques. Les voyageurs du Grand Tour patronnaient les artistes modernes tout en faisant le commerce des antiquités. Batoni fit ainsi d'innombrables portraits d'aristocrates britanniques séjournant à Rome, dans un décor de sculptures et de ruines antiques.

   Le Grand Tour avait cependant une valeur particulière pour les artistes et les architectes. C'était l'occasion d'emplois de tuteurs ou de cicérones auprès des gentilshommes anglais, ou le prétexte de bourses de voyages pour l'Italie. Ils y étudiaient les maîtres de la Renaissance comme Raphaël ou Michel-Ange ou des artistes plus proches d'eux comme Caravage, Guido Reni et Guerchin. Les architectes pouvaient examiner les ruines de Rome et de Naples, et cet intérêt contribua à l'expansion du mouvement néo-classique, en peinture comme en architecture et en sculpture, à travers toute l'Europe, après 1760.

   Le Grand Tour fut touché par le Romantisme, qu'il influença en mettant l'accent sur la nostalgie du passé au détriment des valeurs rationnelles. Les Alpes, montagnes à la fois sauvages et pittoresques, inspirèrent crainte et terreur. Wright of Derby fut très fortement impressionné à la vue d'une éruption du Vésuve.

   Le Grand Tour eut pour résultat d'offrir des perspectives esthétiques nouvelles aux artistes britanniques aussi bien qu'aux Allemands, aux Scandinaves et aux Russes. Il contribua à introduire et à diffuser au nord des Alpes de nombreuses œuvres d'art qui étaient restées jusque-là en Italie et offrit en particulier à l'art anglais de plus solides fondements.

Grandville (Jean Ignace Isidore Gérard, dit)

Dessinateur français (Nancy 1803  – Vanves, Hauts-de-Seine, 1847).

Formé auprès du miniaturiste Mansion, puis dans l'atelier de H. Lecomte, il travailla vers 1820 à l'Opéra-Comique où il fréquenta Mlle Mars, Boïeldieu, David d'Angers. Collaborateur fécond des journaux satiriques du temps (de 1830 à 1835, les journaux de Philipon, le Charivari, la Caricature), illustrateur de nombreux écrivains : Swift, La Fontaine, D. Defoe, Florian, il laissa une œuvre considérable. Au contraire de Daumier et de ses émules, qui apportèrent à leurs charges l'accent réaliste des choses vécues, il traita la caricature en symboliste, métamorphosant ses personnages en bêtes ou en végétaux, ou donnant aux animaux, en les vêtant, des attitudes humaines (les Métamorphoses du Jour, 1828 ; les Animaux peints par eux-mêmes, 1839). Presque tous ses dessins ont disparu. Ce qui subsiste témoigne de la force de son génie complexe, trahi par l'imprimerie. Il exprima tantôt une fantaisie poétique (les Fleurs animées, 1847, aquarelles, bibl. de Nancy) qui suscita des imitateurs en Angleterre, tantôt une fantasmagorie visionnaire (Crime et expiation, 1847, lavis, id.) annonciatrice de Redon et que le Surréalisme revendiqua. Il est largement représenté au Musée lorrain de Nancy.

Granet (François Marius)

Peintre français (Aix-en-Provence 1775  – id. 1849).

Fils d'un maître maçon aixois, il reçut du paysagiste Constantin d'Aix sa première formation. Puis il suivit à Paris son ami le peintre Auguste de Forbin, qui facilita son entrée dans l'atelier de David (1799-1801). Il habita en même temps que Girodet et Ingres (à qui il resta attaché) au couvent désaffecté des Capucins, où il trouva le premier modèle des cloîtres qui le rendirent célèbre. En 1802, il partit pour Rome. Il n'en revint que dix-sept ans plus tard et y retourna à plusieurs reprises (Intérieur de l'église souterraine de S. Martino in Monte à Rome, 1802, musée de Montpellier ; Vue intérieure du Colisée à Rome, 1806, Louvre ; Chœur de l'église des Capucins à Rome, 1815, Metropolitan Museum). Rapidement, sa réputation de peintre de genre grandit et il exerça une influence considérable sur les artistes de son temps, créant la vogue des paysanneries italiennes, qu'illustrèrent à sa suite Léopold Robert, Schnetz, Bodinier. Il précéda Robert-Fleury et Meissonier par ses scènes d'intérieur anecdotiques inspirées des Hollandais du XVIIe s., et Bonvin prolongea le goût de ses scènes conventuelles. De nos jours sont plus appréciées les sépias ou aquarelles — vues de Rome, de la campagne romaine, de Paris, ou de Versailles (Louvre et musée d'Aix-en-Provence) —, les pochades exécutées sur le vif, où il exprima une science des valeurs, une justesse spontanée, une sensibilité à la lumière annonciatrices de Corot : Vue de Rome, le Jeune Dessinateur (1818), Léontine peignant (Dijon, musée Magnin), et nombreux exemples au musée d'Aix-en-Provence. Grâce à l'appui du comte de Forbin, devenu directeur des Musées nationaux, il fut nommé en 1826 conservateur des peintures du Louvre, puis, en 1830, fut chargé de la direction des Galeries historiques de Versailles, pour lesquelles il exécuta plus tard divers tableaux destinés aux salles des croisades (Godefroy de Bouillon dépose dans l'église du Saint-Sépulcre les trophées d'Ascalon, 1839 ; Chapitre de l'ordre du Temple, 1845). Il légua sa fortune et ses collections à sa ville natale, dont le musée porte son nom.