Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
C

Champaigne (Jean-Baptiste de)

Peintre français (Bruxelles 1631  – Paris 1681).

Neveu de Philippe de Champaigne, qui l'appela à Paris en 1642, Jean-Baptiste fut son élève, puis son collaborateur avant de prendre sa succession à sa mort, en 1674, à la tête de l'atelier familial. Il fut reçu à l'Académie en 1663 et devait y commenter, à l'exemple de son oncle, plusieurs œuvres de Poussin. Il travaille à des décors aux Tuileries (Éducation d'Achille et l'Aurore, Louvre) et à Versailles (plafond du Salon de Mercure, 1672). Il est avec Nicolas de Plattemontagne l'auteur d'un remarquable double portrait les représentant tous deux (1654, Rotterdam, B. V. B.).

chanci

Altération du vernis d'un tableau sous forme de moisissures blanches et farineuses dues à l'action de l'humidité sur certains vernis, qu'elle décompose en superficie ou en profondeur.

   Le chanci forme une sorte de voile blanchâtre plus ou moins opaque sur la surface picturale. Pour lui rendre son rôle protecteur et sa transparence, on doit procéder à une " régénération " du vernis.

Chaperon (Nicolas)

Peintre, dessinateur et graveur français (Châteaudun 1612  – Rome [ ? ] 1656).

Essentiellement connu par ses gravures d'après les Loges de Raphaël (1649), Nicolas Chaperon imite dans ses tableaux (Présentation au Temple, Compiègne, chapelle Saint-Nicolas ; esquisse, New York, coll. part.) le style ample de Simon Vouet, dont il fut l'élève, alors que ses dessins le mettent au rang des plus habiles pasticheurs de Poussin qu'il connut à Rome (exemples au Louvre, à l'E. N. S. B. A. et au musée de Besançon).

Chaplin (Charles)

Peintre français (Les Andelys, Eure, 1825  – Paris 1891).

Il se spécialisa dans les figures de fantaisie de femmes jeunes et coquettes, avec un art facile qui veut évoquer le XVIIIe s. (Jeune Fille au chat, Orsay). Napoléon III lui confia la décoration d'un salon des Tuileries. Il laissa des aquarelles et des lithographies.

Charchoune (Serge)

Peintre russe de l'école de Paris (Bougourouslan 1888  – Paris 1975).

Après des études à Kazan, puis à l'École de peinture, de sculpture et d'architecture de Moscou, où il découvre en même temps les impressionnistes, l'avant-garde russe et le Cubisme français, il gagne Berlin et Paris en 1912. Il découvre alors Delacroix, Seurat et Matisse ; à la Palette, il travaille avec Metzinger et surtout Le Fauconnier, dont le " Cubisme physique ", selon Apollinaire, le marque profondément. En 1914, il part pour l'Espagne en compagnie d'Helena Grunhoff, avec qui il expose ses premières toiles de " Cubisme ornemental ", dérivées de motifs mozarabes (Ornemental 1 et 2, 1916, Paris, galerie Creuze). Revenu à Paris, il se rallie à Dada (Serpent ensoiffé, 1921, Milan, gal. Schwartz). À Berlin en 1922-23, Charchoune expose à la gal. Der Sturm et participe à la Grosse Berliner Ausstellung avec notamment Lissitsky et Pougny. Il fonde alors la revue Perevoz Dada (" le Transbordeur Dada ") et collabore à Mecano, revue de Theo Van Doesburg. Mais, curieusement, les toiles de cette époque marquent un retour au Cubisme (Cubisme ornemental n° 3B, 1922, Paris, gal. Creuze) et, lorsqu'il rentre à Paris (juill. 1923), où les derniers soubresauts de Dada se résorbent dans le Surréalisme naissant, il ne se rallie pas à ce dernier, qu'il juge " probolchevique ". Il participe encore à 2 revues dadaïstes (Merz, de Schwitters, et Manomètre, de Malespine), mais, en 1925, découvrant la mystique anthroposophique de Rudolf Steiner, Charchoune choisit une voie radicalement différente. Présenté à Ozenfant par Nadia Léger (1927), il trouve dans le Purisme les bases formelles de l'anthroposophie : Nature morte au bol blanc, 1928 (Paris, gal. Creuze), et se tient à la limite de l'abstraction. En 1942, après s'être libéré du Purisme avec des paysages " mystiques ", il inaugure un " musicalisme " qui lui est spécifique (Thème musical, 1942 ; Nature morte-arabesque, 1946 ; la Musique II, 1951, Paris, gal. Creuze). À partir de 1956, ses transcriptions, d'abord riches en couleurs, ont lentement évolué vers la monochromie et le blanc sur blanc (le Clavecin, 1969, musée de Grenoble).

   Deux rétrospectives ont été consacrées à l'œuvre de ce peintre longtemps méconnu : en 1969 par la gal. Lorenzelli de Bergame et en 1971 par le M. N. A. M. de Paris. Une exposition s'est tenue en 1980-1981 aux Sables-d'Olonne (musée de l'abbaye Sainte-Croix).

Chardin (Jean Siméon)

Peintre français (Paris 1699  – id. 1779).

La carrière de Chardin s'est entièrement déroulée à Paris, entre la rue de Seine, où il est né, les rues Princesse et du Four, où il occupera plusieurs logements, et le Louvre, qu'il habita de 1757 à sa mort.

   Élève de Pierre-Jacques Cazes, Chardin entre ensuite dans l'atelier de Noël-Nicolas Coypel. En 1724, il est reçu maître peintre à l'Académie de Saint-Luc. Quatre ans plus tard, il expose place Dauphine plusieurs natures mortes, dont la Raie (Louvre). Toujours en 1728, l'Académie lui ouvre ses portes, grâce, semble-t-il, à l'appui bienveillant de Nicolas de Largillière, auteur, actuellement quelque peu méconnu, d'admirables natures mortes. Reçu et agréé le même jour, il offre la Raie et le Buffet (Louvre) à l'Académie et en suivra dorénavant fidèlement les séances. En 1731, il épouse Marguerite Saintard, avec qui il était fiancé depuis 1720. La même année naît un fils, Pierre-Jean, dont son père voudra, en vain, faire un peintre d'histoire. Malgré ses premiers succès, Chardin est obligé d'accepter des tâches " peu satisfaitantes ". Ainsi, Jean-Baptiste Van Loo l'engage-t-il à ses côtés pour la restauration de la galerie François-Ier à Fontainebleau. C'est durant cette même période que Chardin se tourne vers le tableau de figures, la scène de genre à la manière des Hollandais : Dame cachetant une lettre (1733, Berlin, Charlottenburg). En 1735, l'artiste perd sa femme. L'inventaire après décès de celle-ci révèle une certaine aisance. En 1737, le Salon, qui n'avait plus eu lieu depuis 1704, sauf en 1725, présente 8 tableaux du peintre. Chardin y exposera fidèlement jusqu'à l'année même de sa mort.

   De 1738 environ datent quelques-unes de ses plus charmantes représentations de l'enfance : le Jeune Homme au violon, l'Enfant au toton (tous deux au Louvre). Il est présenté à Louis XV en 1740 et offre au roi la Mère laborieuse et le Bénédicité (tous deux auj. au Louvre). En 1744, il épouse en secondes noces Marguerite Pouget, qu'il devait immortaliser par le pastel du Louvre de trente ans postérieur. Ces années marquent l'apogée de sa réputation. Louis XV paie 1 500 livres la Serinette (Louvre), le seul tableau de l'artiste que le roi ait acquis. Ses collègues de l'Académie, en témoignage de confiance, le chargent officieusement (1755) puis officiellement (1761) de " l'accrochage " des tableaux du Salon. Cette mission, dont il s'acquitte avec humour, lui permet de mettre en valeur les œuvres qu'il aime et d'entrer en contact avec Diderot, qu'il se plaira à guider.

   Jusqu'en 1770, la réputation de Chardin dans les genres dont il s'est fait une spécialité est grande et sa vie paisible. Mais, à cette date, J. B. M. Pierre devient le tout-puissant directeur de l'Académie, écartant les protecteurs de Chardin, et les dernières années du peintre sont difficiles. Il démissionne de ses différents postes à l'Académie ; la critique s'étonne, certes, devant ce " vieillard infatigable ", ce " phénomène pittoresque ", et devient sévère. Sa vue baisse, l'obligeant à se tourner vers le portrait au pastel (quatre au Louvre), et Chardin meurt dans une indifférence quasi générale qui devait durer presque un siècle.

   " ... Un jour, un artiste fait grand étalage des moyens qu'il employait pour purifier et perfectionner ses couleurs. M. Chardin, impatient de ce bavardage de la part d'un homme à qui il ne reconnoissoit d'autre talent que celui d'une exécution froide et soignée, lui dit : “Mais qui vous a dit qu'on peignît avec les couleurs ? — Avec quoy donc ? répliqua l'autre, fort étonné. — On se sert des couleurs, reprit M. Chardin, mais on peint avec le sentiment.” " C'est ainsi que Cochin parlait de son ami dans une lettre qu'il envoyait, au lendemain de sa mort, à Haillet de Couronne, qui devait prononcer l'éloge funèbre du peintre devant l'académie de Rouen, dont il avait été membre. En effet, c'est ce sentiment qui différencie l'art de Chardin de celui de ses nombreux contemporains, spécialisés comme lui dans ces genres — alors considérés comme mineurs — de la nature morte et de la scène de genre. Chardin a en effet deux registres qu'il pratique tour à tour. Et si, dans la scène de genre, il se tourne de préférence vers les exemples hollandais, qu'il interprétera à sa manière (à une autre échelle et sans chercher par exemple à rendre avec minutie les nuances du satin), dans ses natures mortes (il convient de donner une place à part à l'unique Bouquet de fleurs de la N. G. d'Édimbourg), c'est l'exemple d'un Fyt, de ses émules francisés, tel Pieter Boel, ou encore d'un Largillière qui semble avoir guidé ses premiers pas. Pourtant, le problème de l'évolution paraît, en ce qui concerne Chardin, d'importance secondaire. Les natures mortes d'avant 1730 (un bel ensemble au musée de Karlsruhe) se reconnaissent à un faire particulièrement gras, à une mise en page moins équilibrée, à une construction moins rythmée, et les figures de genre des années 1740 (la Pourvoyeuse, 1739, Louvre ; la Gouvernante, id., Ottawa, N. G.) sont particulièrement savantes dans la juxtaposition des plans et évitent le détail anecdotique. Mais l'essentiel est ailleurs : peintre de la vie bourgeoise, Chardin est surtout peintre de la " vie silencieuse ", des objets les plus familiers comme de leurs usagers. Jamais l'artiste ne sera plus grand toutefois que devant la mort, et l'émotion qui se dégage de toiles comme le Lapin mort (musée d'Amiens) ou le Lièvre au chaudron (Stockholm, Nm) est obtenue sans aucune concession à la facilité de l'anecdote ou à l'effet. Une composition comme la Serinette (Louvre et New York, Frick Coll.) est un chef-d'œuvre d'intimisme " hollandais " élégant et bourgeois, traduit à la française, et le Bocal d'olives (1760, Louvre) comme la Brioche (1763, id.) sont des chefs-d'œuvre d'illusion et de vérisme que Diderot admirait déjà : " Vous revoilà donc, grand magicien, avec vos compositions muettes... comme l'air circule autour de ces objets... C'est une vigueur de couleurs incroyable, une harmonie générale, un effet piquant et vrai, de belles masses, une magie de faire à désespérer, un ragoût dans l'assortiment et l'ordonnance ; éloignez-vous, approchez-vous, même illusion, point de confusion, point de symétrie non plus parce qu'ici il y a calme et repos. " En 1765, il reçoit commande par le marquis de Marigny de trois dessus-de-porte (deux — Attributs de la Musique, Attributs des Arts — sont au Louvre). Enfin les pastels (Autoportraits du Louvre de 1771 et de 1775 ainsi que celui, non daté, et le Portrait de son épouse de 1775, id.) terminent cette carrière par une note d'analyse psychologique jusqu'alors absente.

   On estime à plus de 1 000 le nombre de toiles exécutées par Chardin durant sa longue carrière, ce qui surprend de la part d'un peintre que ses contemporains accusent souvent de " paresse ". Avec plus de 30 tableaux provenant en majeure partie de la collection Lacaze, le Louvre est le musée le plus riche en Chardin. Les musées de Stockholm, Karlsruhe, Glasgow, le musée Jacquemart-André et le musée de la Chasse à Paris possèdent, eux aussi, de beaux ensembles d'œuvres de l'artiste. Une rétrospective lui a été consacrée en 1979 (Paris, Cleveland, Boston).