Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
S

Silvestre (les)

Famille de peintres et de graveurs français.

 
Israël (Nancy 1621  – Paris 1691) avait reçu les rudiments du métier de dessinateur et de graveur de son oncle Israël Henriet, et le contact avec les gravures de Callot, dont Henriet était l'éditeur, devait parfaire sa formation, complétée par de nombreux voyages en France et en Italie (1640-1655). Ses gravures, très nombreuses (plus de mille), aussi précises que sèches, lui valurent un grand succès — il fut académicien en 1670. Elles constituent le répertoire topographique le plus important et le plus complet de la France (Vues des châteaux de France), plus particulièrement de Paris (les Lieux les plus remarquables de Paris et de ses environs, Vues et perspectives de la chapelle et maison de la Sorbonne), et parfois même de l'Italie (Vues de Rome, les Stations de Rome, Antiche e moderne vedute di Roma) de la seconde moitié du XVIIe s.

   Les dessins d'Israël Silvestre, méticuleux, trahissent le métier du graveur : Vue de la Seine avec le palais du Louvre (Paris, Inst. néerlandais), Vue de l'église des Carmélites (Paris, musée Carnavalet), Bal dans l'antichambre du roi, Vue et perspective du collège des Quatre-Nations (Louvre). Israël eut plusieurs fils, Charles-François, Louis le Vieux et Louis le Jeune.

 
Louis le Jeune (Sceaux 1675 – Paris 1760) , élève de Charles Le Brun, puis de Bon Boullogne, fit le voyage de Rome, où il connut Carlo Maratta, et visita également Venise et la Lombardie. De retour à Paris, il fut reçu académicien en 1702 (Formation de l'homme par Prométhée, musée de Montpellier). Peintre d'histoire, il reçut commande d'ouvrages importants pour les églises parisiennes, dont une suite de 9 scènes de la Vie de saint Benoît pour Saint-Martin-des-Champs (1 au Louvre, 1 au musée de Béziers, 2 au musée de Perpignan, 3 au musée de Bruxelles), qui le montre lié à la tradition de Le Sueur et proche de Jouvenet. On lui doit également le may de 1703 pour Notre-Dame de Paris, représentant Saint Pierre et le paralytique (musée d'Arras), vaste composition aux lignes sinueuses, tandis que le Moïse sauvé des eaux (1708, musée de Brest) se souvient davantage du classicisme de Poussin. D'un esprit tout différent sont plusieurs tableaux mythologiques, fortement influencés par La Fosse : Apollon et Daphné, Persée et Andromède (Potsdam, Sans-Souci) et probablement la Mort d'Adonis (Dijon, musée Magnin). À la suite du séjour à Paris du prince héritier Frédéric-Auguste de Saxe, Louis le Jeune fut nommé premier peintre du roi Auguste II et, de 1716 à 1748, résidant tantôt en Saxe, tantôt en Pologne, il fut l'un des principaux propagandistes de l'art français outre-Rhin.

   Aidé de nombreux élèves, il travailla pour la cour de Saxe comme un artiste de cour universel, une sorte de nouveau Le Brun, et fut nommé directeur de l'Académie de peinture de Dresde dès 1726. Les destructions des guerres n'ont pas épargné les grandes décorations mythologiques ou allégoriques, telles que le plafond de la salle de bal du palais du comte Brühl à Dresde, figurant la Victoire de Bellérophon sur la chimère (détruit en 1945) ou les scènes de l'Histoire de Psyché peintes pour le Mathematischer Pavillon du Zwinger (id.). Seules subsistent les grandes peintures sur cuir de la salle de billard et de la Monströsen Saal du château de Moritzburg (Histoire de Diane, Scènes de chasse royale). Pour la salle du Trône d'Auguste II, Louis le Jeune peignit des dessus-de-porte (Renaud et Armide, Vénus et Adonis, Vertumne et Pomone, Dresde, Gg) fortement influencés par A. Coypel et Louis Boullogne, et dont on peut rapprocher un autre tableau conservé au musée de Varsovie. Fidèle à la tradition du portrait officiel fixée par Rigaud et Largillière, il a laissé de nombreuses effigies de la famille royale de Saxe ainsi que de la haute société de Dresde et de Varsovie, notamment les portraits équestres d'Auguste II et du Prince héritier Frédéric-Auguste et le joli portrait de la princesse Marie Josèphe de Saxe en Flore (1747, château de Moritzburg). Auguste III lui commanda également un tableau commémorant l'Entrevue de Neuhaus (1737), sur lequel figuraient les principaux personnages de la cour de Saxe (tableau détruit en 1945 ; esquisse au Louvre).

   Parmi les rares compositions religieuses de Louis le Jeune, un Christ en croix formé par des nuées (château de Moritzburg) nous conserve le témoignage d'une apparition, que l'artiste a rendue avec une grande liberté de facture.

   En 1748, âgé de soixante-quatorze ans, Louis de Silvestre (il avait été anobli en 1741) demanda l'autorisation de rentrer en France, où il prit en 1752 la succession de C. A. Coypel comme directeur de l'Académie. Il exposa encore aux Salons de 1750 et de 1757, et il s'éteignit, plus qu'octogénaire, en 1760, laissant à la postérité une œuvre abondante, qui puise à des sources diverses sans parvenir le plus souvent à une synthèse originale.

Sima (Josef)

Peintre français d'origine tchèque (Jaroměř, Bohême orientale, 1891  – Paris 1971).

À partir de 1909, Sima est inscrit à l'École des arts et métiers et à l'École des beaux-arts de Prague. Il découvre alors la peinture impressionniste, la peinture fauve, la peinture cubiste et surtout Cézanne, qui aura sur toute son œuvre une influence durable. En 1920, il gagne la France et travaille quelque temps dans des ateliers de vitraux Mauméjean à Hendaye. Il se fixe ensuite à Paris et obtient la nationalité française en 1926. Ses œuvres sont exposées en 1925 à Prague, où il participe au groupe d'avant-garde Devéstil. Sa peinture, qui était à mi-chemin d'un fauvisme rude (remorqueurs, quais de la Seine, ponts de Paris [Conflans Sainte-Honorine, 1923, musée de Prague]) et d'un cubisme déjà teinté de surréalisme (Le Havre, 1923), connaît une courte période constructiviste après la rencontre de l'artiste avec Mondrian, Van Doesburg et les membres du groupe " l'Esprit nouveau " (1923-1925) en tant que correspondant pour l'architecture de la revue d'avant-garde praguoise " Red ". Mais c'est à partir de 1926 que Sima commence à exprimer sa personnalité profonde, à chercher en lui-même et dans les souvenirs de ses visions privilégiées (la foudre, la forêt, la lumière prismatique, la clarté d'un corps féminin) les principaux éléments de son œuvre, qu'il reprendra tout au long de sa vie dans une incessante transmutation. À la première exposition du Grand Jeu (1929), mouvement proche du surréalisme, dont le programme tient en deux mots : " Révolution-Révélation ", il montre de curieux paysages figés, " dé-réalisés " (Tempêtes électriques), puis expose en 1930 un ensemble de portraits, dont ceux, inquiétants et fantomatiques, de ses amis Daumal et Lecomte (musée de Reims). Jusqu'à la guerre, il peindra souvent sur des thèmes mythologiques des œuvres oscillant entre l'inspiration surréaliste, comme le Retour de Thésée (1933, musée de Prague) ou Souvenir de l'Iliade (1934, id.), et une aspiration au dépouillement abstrait, plus sensible dans les " paysages ". De plus, sensible aux événements contemporains, il peint en 1937 deux œuvres sur la guerre d'Espagne. Une première rétrospective de son œuvre eut lieu à Prague en 1936, puis, à l'exception de deux toiles, Sima cesse pratiquement de peindre de 1939 à 1949. C'est en 1950 qu'il renoue à la fois avec la peinture et avec la nature, reprenant des thèmes anciens — plaines, rochers, forêts — mais comme épurés par une longue méditation ; les Orphée de 1957, apparitions abstraites toutes baignées de lumière, célèbrent le triomphe de celle-ci. Au cours des années suivantes, il réalise une série de peintures présentant dans des espaces abstraits des formes géométriques primaires : triangles, polyèdres, cercles (Ombres grises, 1960, Valence, musée). Plusieurs expositions successives à Paris, des rétrospectives d'abord en France au musée de Reims (1963), ensuite en Tchécoslovaquie (Liberec et Hradec Kralové, 1964) font peu à peu découvrir son œuvre, dont une vaste rétrospective eut lieu en 1968 à Prague, Brno, Bratislava, Ostrava et Paris (M. N. A. M.). Entre-temps, Sima, renouant avec son ancien métier, redécouvrait le vitrail et composait avec Charles Marcq les vitraux du chœur de l'église Saint-Jacques à Reims. Tout au long de sa carrière, l'artiste a réalisé de nombreuses illustrations de livres pour ses amis écrivains, Georges Ribemont-Dessaignes, Pierre Jean Jouve, Roger Gilbert Lecomte ou René Char (l'Effroi la joie, 1971 ; exposition, Paris, Bibliothèque nationale, 1979). Ses œuvres figurent dans les musées de Paris (M. N. A. M.), Grenoble, Reims, Lyon, Rouen, Saint-Étienne, Prague, Brno (République Tchèque), Bruxelles, Vienne, Lausanne et dans de nombreuses coll. part. Une rétrospective a été consacrée à l'artiste (M. A .M. de la Ville de Paris) en 1992.