Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Ibels (Henri Gabriel)

Peintre, dessinateur et lithographe français (Paris 1867  – id. 1936).

Il fit partie du groupe des Nabis, dès sa formation, à l'Académie Julian. Ses pastels, vivement colorés, représentant des militaires ou des forains, ses lithographies pour les programmes du Théâtre-Libre de Lugné-Poe, ses dessins-charges (publiés dans le Siècle, le Cri de Paris, l'Escarmouche de l'écrivain anarchiste Georges Darien, et surtout dans son propre journal, le Sifflet) dépeignent toujours avec verve et un grand sens de la simplification le peuple de Paris et les scènes de la vie quotidienne à la fin du siècle. Délibérément " dreyfusardes " pendant l'Affaire, les caricatures d'Ibels répondaient à celles de l'autre parti, signées Caran d'Ache et Forain. On lui doit également des affiches (Jane Dehay au Trianon-Concert).

icône

Terme employé dans les pays de religion orthodoxe pour désigner toute peinture religieuse exécutée sur panneau de bois (par opposition à la peinture murale).

   L'icône représente l'image d'un saint personnage ou un fragment de sa vie et illustre des scènes chrétiennes ou bibliques. Les plus anciennes icônes connues datent des VIe-VIIe s. et l'on en exécute encore de nos jours. À l'instar des portraits funéraires de l'époque romaine trouvés au Fayoum, les icônes étaient peintes à l'encaustique. Plus tard, elles le furent à la détrempe ; une toile très fine était collée sur une planche en bois, puis recouverte d'une mince couche de plâtre pour recevoir la peinture. Il existe aussi quelques icônes en orfèvrerie, comme celle de l'Archange Michel (Venise, trésor de Saint-Marc), image en or exécutée au repoussé et incrustée d'émaux. D'autres icônes sont en bronze, en stéatite, en ivoire ou en céramique lustrée ; on a aussi fabriqué, au XIVe s., des icônes en mosaïque au moyen de cubes minuscules. À partir du XIVe s. également apparaissent de grandes icônes peintes des deux côtés, à l'usage des processions ; le plus souvent, le Christ ou la Vierge à l'Enfant y sont figurés à l'avers, le Crucifiement ou la Descente de croix au revers.

   Les idées sur le caractère et la fonction des images, développées par leurs défenseurs pendant la période iconoclaste (726-843), ont eu une très grande influence sur leur forme même, surtout sur celle des icônes qui représentent des personnages sacrés. D'après ces auteurs, entre l'image et son modèle il y a différence de nature, mais identité morale ; la révérence témoignée à l'image passe au modèle, d'où la nécessité de figurer une image fidèle ; des types immuables se sont ainsi constitués. En outre, on considérait que quelque chose de la force intime et de la sainteté du modèle résidait dans l'image, et que sa contemplation était un moyen d'atteindre à l'intelligible. C'est ce qui explique aussi l'aspect hiératique et le caractère " immatériel " de la plupart de ces représentations, où l'accent est mis sur le contenu spirituel plutôt que sur la réalité de l'aspect physique. Ce caractère est moins marqué dans les icônes à scènes, qui ne sont pas des icônes cultuelles. En évoquant les événements de l'Ancien et du Nouveau Testament, ou en rappelant la vie édifiante des saints proposés comme modèles, ces représentations sont destinées à l'instruction religieuse des fidèles.

   La plus importante collection d'icônes byzantines se trouve au monastère de Sainte-Catherine sur le mont Sinaï, où elle comprend des centaines d'images allant des VIe-VIIe s. jusqu'à l'époque contemporaine. Les icônes des pays balkaniques sont très proches des icônes byzantines. Un ensemble précieux d'icônes yougoslaves est conservé au Musée national de Belgrade et dans les églises d'Ohrid, mais les icônes russes, surtout celles des XVe-XVIe s., sont les plus originales.

iconographie et iconologie

L'iconographie est l'étude de la signification des images. Le terme peut s'appliquer au portrait (l'iconographie de Mozart par exemple), et les archéologues l'emploient généralement dans ce sens. Les historiens d'art lui donnent en revanche une acception plus large, pour désigner la discipline dont l'objet principal est l'identification et la classification du thème des œuvres d'art. On emploie parfois de façon synonyme le mot iconologie, bien qu'il soit plus correct et plus utile de le réserver pour une plus vaste interprétation du sens d'une œuvre d'art au sein d'une culture spécifique.

   Erwin Panofsky a décrit trois degrés d'interprétation (Studies in Iconology, New York, 1939). Le premier, préiconographique, détermine le sujet principal ou naturel, à la fois descriptif et expressif, par exemple un homme qui se hâte en en portant un autre plus vieux et en conduisant un enfant, une femme coiffée d'un bonnet phrygien, un homme tenant un œillet. Le deuxième degré, iconographique, identifie le thème secondaire ou conventionnel : Énée avec Anchise et Ascagne, la personnification de la Liberté, un portrait de Dürer. Enfin, l'interprétation iconologique voit dans le thème d'Énée et d'Anchise un exemple de piété filiale, rattache la personnification de la Liberté aux images de la Révolution française ou montre comment l'œillet identifie Dürer à un homme amoureux. Panofsky conduit l'interprétation iconologique plus loin que d'autres auteurs : il y ajoute l'examen des caractéristiques stylistiques et formelles employées parfois inconsciemment par l'artiste, mais qui, pour l'historien, révèlent des attitudes et des choix propres à une époque ou à un lieu particuliers, et qui éclairent la situation culturelle dans laquelle l'œuvre a été élaborée.

   L'étude du développement, des changements et de l'action réciproque des formules représentatives fait partie de l'iconographie : on emploie une image traditionnelle, par exemple Hermès portant un mouton ou la Victoire en train de voler, pour un nouveau sujet tel qu'un Christ assimilé au Bon Pasteur ou un Ange volant. Quand la nouvelle formule ne s'adapte pas réellement à l'ancienne (Judith représentée sur un cheval de guerre avec la tête d'Holopherne, emprunt fait à l'image consacrée de Salomé présentant la tête de saint Jean-Baptiste), on parle d'une " contamination ".

   La méthode iconographique s'applique non seulement aux œuvres d'art figuratives, mais aussi à l'architecture.

Historique

L'iconographie a ses racines profondes dans l'histoire de l'étude de l'art du passé. En effet, depuis la Renaissance et jusqu'au XIXe s., elle constitua l'objet principal de la recherche, comme elle demeure encore le propos essentiel de l'ethnographe et de l'anthropologue. Les nombreux ouvrages publiés au XVIe s. sur les monnaies, les pierres gravées et les sculptures antiques furent consacrés aux sujets représentés et non au style. Les monnaies, en particulier, furent étudiées pour leur valeur de témoignage sur l'aspect physique des hommes et des femmes de l'Antiquité, tandis que le revers des pièces donnait des modèles pour la représentation de concepts comme ceux de la Victoire, de la Fortune, de la Justice... et le premier manuel consacré à ce type de personnification, l'Iconologia de Cesare Ripa (1re éd., Rome, 1593), les exploita largement. De même, Vincenzo Cartari utilisa aussi bien les œuvres d'art anciennes que les textes (Le Imagini degli dei degli antichi, 1re éd., Venise, 1556), quand d'autres auteurs y cherchaient des renseignements sur le costume ou le rituel. Les artistes firent grand usage de tels livres afin de contrôler l'exactitude de leurs peintures inspirées de sujets antiques ou de construire leurs allégories à partir d'images généralement acceptées et reconnaissables. Ainsi, les études iconographiques sur l'art ancien engendrèrent de nouvelles œuvres d'art, interprétées par l'iconographe moderne grâce à ces mêmes manuels.

   Cette tradition fut florissante pendant tout le XVIIe s. chez des auteurs tels que Girolamo Aleandro le Jeune, Giovanni Pietro Bellori ou Claude Menestrier, dont les écrits influencèrent à leur tour les peintures mythologiques d'artistes érudits, comme Poussin. Elle atteignit son apogée au début du XVIIIe s. dans le compendium de Montfaucon l'Antiquité expliquée (Paris, 1719, avec suppléments plus tardifs). De cette approche iconographique de l'Antiquité est née une habitude de grouper les œuvres selon leur sujet. Cette pratique, poursuivie de Montfaucon à Clarac (Musée de la sculpture antique et moderne, Paris, 1826-1853) et à S. Reinach (Répertoire de la sculpture grecque et romaine, Paris, 1897-98) et généralement employée dans tous les ouvrages sur les pierres gravées antiques, s'est montrée précieuse notamment lorsque les autres systèmes, chronologiques ou topographiques, sont inutilisables. Les subdivisions thématiques, utilisées par Adam Bartsch (le Peintre-graveur, 1re éd., Vienne, 1802-1820), ont établi un procédé souvent repris dans les catalogues postérieurs.