Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
A

Asselijn (Jan)

Peintre néerlandais (Diemen, près d'Amsterdam, 1615  – Amsterdam 1652).

Il est aussi appelé Krabbetje (petit crabe), surnom qu'il dut à la déformation de sa main, tordue par la paralysie. Après des débuts de peintre de batailles pittoresques, influencé par Esaias Van de Velde et Jan Marten le Jeune, son maître présumé (av. 1634), il réside en Italie entre 1635 et 1642. À son retour, il se marie à Lyon (1644), séjourne à Paris, où il travaille à l'hôtel Lambert avec Patel et Swanevelt (trois tableaux au Louvre), revient à Amsterdam en 1647. Marqué bien davantage en Italie par Van Laer que par Claude Lorrain, il ne trouve qu'à son retour dans les Pays-Bas son style de paysagiste et devient, avec Jan Both, le principal créateur du genre du paysage italianisant, dans lequel une animation très fouillée contraste avec une nature immense et apaisée, sous une lumière d'une pureté idéale. Maître coloriste, Asselijn est aussi, à l'occasion, le créateur de lyriques et impressionnantes études d'animaux : le célèbre Cygne (Rijksmuseum), allégorie de la Hollande ou du sort de l'homme politique Jan de Wit, et la Tête de bœuf (deux versions, musées de Schwerin et de Nîmes) ; il représenta aussi des batailles (Attaque d'un chariot par des brigands, Aix-en-Provence, musée Granet). Berchem, Dujardin, Pijnacker lui doivent ainsi quelques suggestions majeures. Il est très bien représenté à Vienne (Akademie).

Assereto (Gioacchino)

Peintre italien (Gênes 1600  – id. 1649).

Élève, selon Soprani (1674), de Luciano Borzone et d'Ansaldo, il ne fit le voyage de Rome qu'en 1639. À cette date, son style est déjà formé, unissant la leçon des peintres lombards (en particulier Cerano) au naturalisme de Caravage. L'art d'Assereto se caractérise par un goût pour une expression violente qui se manifeste dans ses tableaux de chevalet, aux personnages lourds et aux couleurs sourdes : Job bafoué (musée de Budapest), Christ à la colonne (musée de Savone), Histoire de Tobie (musée de Marseille), dans ses fresques habilement agencées du palais Granello (1634) et du palais Negrone (1644), tous deux à Gênes, ou dans ses scintillantes esquisses : Lapidation de saint Étienne (Lucques, P. N.). La lumière crépusculaire jette un effet métallique sur les plis des vêtements pour mieux mettre en valeur les lignes dynamiques des compositions. Beaucoup de tableaux d'Assereto sont encore conservés à Gênes (églises, musées et coll. part.).

assiette

Nom donné, dans la peinture du Moyen Âge, à la préparation particulière, étendue sur le parchemin, le bois ou tout autre support, destinée à recevoir l'or en feuille ou en poudre. L'assiette est généralement constituée de craie ou de plâtre broyé, mélangé à de la colle ou, selon Cennini, à une composition de bol d'Arménie mélangé avec du blanc d'œuf. Une fois appliqué, l'or était poli à l'ongle, à la dent de loup ou à l'aide d'une agate.

Ast (Balthasar Van der)

Peintre néerlandais (Middelburg v.  1593  – Delft 1657).

Maître à Utrecht en 1619, il s'installe en 1632 à Delft, où il restera jusqu'à sa mort. Sa plus ancienne œuvre datée est de 1610. Très lié avec le grand peintre de fleurs Ambrosius Bosschaert, son beau-frère et son maître, dont il protégea à son tour les enfants, Johannes, Abraham et Ambrosius le Jeune, il porta à une minutieuse perfection l'exécution de la nature morte de fleurs d'origine maniériste, mise à l'honneur à Middelburg au début du siècle par l'atelier de Bosschaert (Coquillages, Saint-Omer, musée de l'Hôtel Sandelin). Chez lui, les thèmes se diversifient (fleurs, fruits, insectes, coquillages surtout) et les ordonnances se compliquent davantage, souvent par juxtaposition de plusieurs natures mortes, comme dans le chef-d'œuvre du musée de Douai, le plus grand tableau connu du maître. Curieux de perspective, exécutant raffiné, sensible à l'éclat des tons comme aux nuances de la lumière, préoccupé de recherches décoratives parfois très proches de celles des Flamands Snyders et Adriaen Van Utrecht, il a joué un rôle déterminant dans l'évolution de la nature morte néerlandaise en accordant la même importance aux considérations picturales et au simple naturalisme. J. D. de Heem, son disciple, et plus tard J. Van Huysum lui devront beaucoup. L'iconographie de ses œuvres n'est pas aussi simple qu'il y paraît. Il s'agit en général de Vanitas très complexes : celles représentant des coquillages, allusion aux grandes collections constituées à l'époque, et où le coquillage représente le vice, par un lien avec les complexes emblemata du XVIe siècle.

atelier

Local où travaille un peintre ou un sculpteur avec ses aides, ses apprentis ou ses élèves. Ensemble des collaborateurs et des élèves formés par un maître. On appelle travail d'atelier un travail exécuté par des apprentis ou des élèves sous la direction d'un maître, ou d'après ses dessins. Une œuvre anonyme est dite " de l'atelier de tel maître " lorsqu'elle a été faite par l'entourage immédiat ou sous la surveillance de ce maître. Lumière d'atelier : lumière neutre et diffuse propre à éclairer un tableau ; en général, les ateliers sont orientés vers le nord afin de recevoir une lumière égale aux différentes heures du jour (celui de Titien en revanche l'était vers l'ouest).

   Avant le XIIIe s. existaient en France deux types d'ateliers : les ateliers fixes, ou scriptoria, sorte de cellules situées dans les galeries des cloîtres, où travaillaient les moines, seuls ou en groupe, et les ateliers itinérants des fresquistes, attachés au service d'une abbaye mais appelés à se déplacer d'un lieu à un autre pour exécuter différents ensembles décoratifs. Les scriptoria disparaissent au moment de la laïcisation de la miniature, et les ateliers qui les remplacent sont organisés suivant des règles corporatives. Une hiérarchie s'établit entre les différents collaborateurs du maître : les élèves les plus habiles composent les scènes figurées, d'autres les colorient, certains sont spécialisés dans les champaignes, ou fonds (les femmes en particulier), tandis que les aides broient les couleurs. En Italie, au XVe s., dans les principaux centres urbains, les ateliers (botteghe) sont organisés comme de véritables entreprises pour que le maître puisse répondre aux demandes variées de la clientèle. Maître et apprentis savent pratiquer la peinture, la sculpture et diverses autres techniques de décoration, mais ils se font également aider par des menuisiers, des doreurs et des tailleurs de moulures. En France, durant la même époque, le lieu de travail des artistes est plus précaire : certains peintres travaillent dans leur chambre, d'autres sont logés par le roi ou les seigneurs, dont ils deviennent les valets (ou " varlets "). Sous Henri IV, les galeries du Louvre sont aménagées en ateliers, et ceux-ci sont distribués aux valets du roi et des princes, mais on ignore quel était l'aménagement précis des locaux.

   Au XVIIe s., le peintre accède à un statut social distinct de celui de l'artisan. L'atelier d'Anvers dans lequel Rubens s'installe en 1615 a l'aspect d'une demeure patricienne : il renferme de riches collections d'antiques et de tableaux, est visité par les grands de l'époque et reçoit collaborateurs et élèves tels que Van Dyck, Snyders, de Vos. L'atelier-boutique disparaît au profit de l'atelier comme lieu de création et d'enseignement, et l'on assiste à une véritable floraison d'ateliers, surtout en Flandre. Mais, en France, depuis la création par Colbert d'un monopole d'État sur les manufactures et les arts libéraux, l'enseignement est pris en charge par l'Académie, qui pensionne les artistes agréés ; il comporte des conférences théoriques, des cours de perspective et d'anatomie, et surtout l'on " pose le modèle " masculin.

   L'évolution du marché de l'art, auquel la bourgeoisie a largement accès, contribue cependant, au XVIIIe s., à entraîner une décentralisation de la production artistique. L'École militaire de Paris crée des ateliers, l'École gratuite de dessin ouverte par J.-J. Bachelier en 1766 obtient un grand succès, de nombreux lycées d'art sont institués. Les ateliers, tant privés qu'appartenant aux diverses académies, se multiplient dans les provinces françaises ; à l'instar de l'École gratuite de peinture de Lyon, fondée en 1762, de nombreuses écoles provinciales apparaissent, celles de Tours et d'Orléans par exemple. Sur le plan européen, un vaste échange d'influences s'opère entre les ateliers d'Espagne, de Flandre, de France, d'Allemagne, de Hollande, d'Italie. La diffusion artistique est accélérée par la production des ateliers de gravure, notamment ceux de Tardieu, de Le Bas ou de Wille, à Paris.

   À partir de la fin du XVIIIe s., le rapport du maître et de l'élève évolue : le savoir-faire technique fait place peu à peu à un enseignement purement formel. Autour d'eux, les grands maîtres constituent de véritables foyers d'artistes. Chez David étudièrent Gros, Riesener, Girodet, Gérard, Isabey, Granet ; chez Regnault : Guérin, Blondel, Lefèvre ; chez Guérin : Delacroix et Géricault ; chez Ingres : Chassériau, Amaury-Duval, les frères Flandrin. Les derniers artistes encore installés au Louvre en sont chassés par la révolution de 1848.

   La fin du XIXe s. marque un changement considérable dans la fonction de l'atelier : il devient essentiellement un lieu de création personnelle, où, tel un sanctuaire, les œuvres sont exposées avant d'être présentées au Salon. Finalement, l'artiste recherche surtout un lieu de travail favorable à l'inspiration, et sa prédilection se porte sur Montmartre, Montparnasse, la Provence, le Var ou les Alpes-Maritimes. Les maîtres de l'École des beaux-arts continuent à dispenser un enseignement didactique. La peinture moderne naît pour ainsi dire dans leurs ateliers : c'est chez Gleyre que se rencontrent les impressionnistes avant de se réunir au café Guerbois ; Monet et Degas fréquentent celui de Couture ; F. Cormon compte Lautrec, Van Gogh, Anquetin, Bernard, Villon parmi ses élèves. Les fauves fraternisent chez G. Moreau. La plupart de ces peintres, réagissant contre l'art officiel, étudient conjointement dans les ateliers libres — l'Académie Suisse et l'atelier Colarossi, notamment —, où l'on dessine sans corrections. Beaucoup passent aussi dans les académies privées, celles de E. Carrière et de Ranson ou celles de F. Léger et de A. Lhote, d'audience plus particulièrement étrangère. L'atelier peut parfois être constitué de la mise en commun d'un local et de matériaux, comme le fit Die Brücke jusqu'en 1913. Quelques ateliers sont spécialisés dans la taille-douce : à Paris, outre celui de Friedlaender ou de Hayter, l'atelier G. Leblanc perpétue l'entreprise fondée par Rémond en 1793 et reprise par Salmon en 1845.

   Lieu privilégié de la création artistique et de la vie du peintre, l'atelier a fait l'objet d'une abondante iconographie. Le thème prend naissance avec la représentation, nouvelle au XVe s., de Saint Luc peignant la Vierge. Van der Weyden en donna deux des premières versions pour la confrérie de Saint-Luc à Bruxelles (Ermitage ; M. F. A. de Boston). Durant le XVIe s., la scène est figurée avec prédilection, surtout en Flandre, et garde un caractère religieux. Le saint protecteur des peintres est assis ou à genoux devant la Vierge, seule ou avec l'Enfant ; parfois, un ange inspirateur dirige sa main, ou encore, faisant office d'apprentis, plusieurs l'assistent. Dans son tableau exécuté pour la gilde, F. Floris s'est représenté lui-même comme un apprenti en train de broyer les couleurs (musée d'Anvers). Le lieu est encore indéterminé, le plus souvent un palais ou une église donnant sur un palais, au XVe s., et, au XVIe s., un cabinet où, tableau dans le tableau, un chevalet vient préciser la nature du lieu. Consécration de la dignité du peintre, qui possède patron et confrérie, le thème de saint Luc peignant la Vierge se perpétue jusqu'au XVIIe s. (chez Lanfranco, Zurbarán ou Mignard, par exemple) et ne disparaît qu'avec les corporations de peintres.

   Au XVIIe s., la multiplication des ateliers s'accompagne de leurs nombreuses représentations, en particulier dans les Flandres : scènes de genre, tantôt prétexte à présenter un cabinet d'amateur, comme dans l'Atelier d'un artiste de D. Teniers le Jeune (Raby Castle, Lord Barnard Coll.), tantôt idéales et somptueuses ou, au contraire, assez réalistes pour décrire l'atmosphère laborieuse du lieu de travail, comme chez Van Ostade (Rijksmuseum). L'atelier du peintre peut aussi se charger d'un intérêt purement symbolique et poétique : ceux de Velázquez, de Rembrandt ou de Vermeer évoquent la création elle-même. Puis, avec la " grande manière ", le thème tend à disparaître.

   Au XIXe s., les peintres ont beaucoup aimé se représenter dans leurs ateliers, entourés de leurs élèves et de leurs amis. La Réunion d'artistes dans l'atelier d'Isabey (Louvre) est une simple galerie de portraits où Boilly insiste sur l'aspect social de la vie en atelier, comme Cochereau dans l'Atelier de David (Louvre). C'est aussi à cette époque que devient fréquente la figuration d'Apelle peignant Campaspe, scène significative du rôle accordé au peintre par le prince. L'atelier prend dans la seconde moitié du XIXe s. une importance qu'il n'avait jamais eue. L'artiste choisit comme cadre privilégié le lieu clos où ses recherches s'élaborent ; citons Delacroix et son Coin d'atelier (Louvre), et Corot retiré rue du Paradis-Poissonnière. Il est aussi représentatif d'un programme et manifeste l'appartenance à un même groupe artistique, comme l'Allégorie réelle de Courbet (Louvre), l'Atelier de la rue Condamine de Bazille (1870, musée d'Orsay), l'Atelier des Batignolles de Fantin-Latour (id.) ou les Poseuses de Seurat (Merion, Penn., Barnes Foundation). Un grand nombre de peintres récents abordent le thème " évocation de la démarche artistique ", chez Matisse et Picasso notamment, où il prend la forme du Peintre et son modèle. Une quasi-disparition de l'autoportrait s'accompagne d'une expression de l'espace de l'atelier, suggestive d'un univers intime, chez Braque, Marquet, Dufy, Chagall, Giacometti, Lichtenstein, Szafran.