Chabot (Hendrik)
Peintre néerlandais (Sprang, Brabant-Septentrional, 1894 – Rotterdam 1949).
Sa famille se fixa en 1906 à Rotterdam, où il fit ses débuts comme décorateur tout en suivant les cours du soir de l'Académie. Il est restaurateur de tableaux à partir de 1915, voyage en Allemagne et à Vienne en 1921-22. Il commence à sculpter en 1922 et devient membre du groupe rotterdamois De Branding. Chabot chercha assez longtemps sa voie et passa d'un symbolisme expressif tardif à une stylisation abstraite inspirée de Van der Leck. L'exemple des expressionnistes flamands (Cantré, Permeke) le retint davantage et lui permit d'affirmer sa personnalité, surtout à partir de 1933, lors d'un séjour dans l'île de Walcheren. L'influence de Permeke, d'abord sensible — il avait visité sa rétrospective en 1930 à Bruxelles — dans la thématique et la technique (Mère et enfant, 1931, Rotterdam, coll. part.), s'atténue v. 1935. Un dessin de qualité très plastique, une gamme où dominent les ocres, les jaunes et les verts dans une pâte maçonnée et ferme restituent l'image d'un terroir fruste, figures, scènes rustiques, paysages (le Gardien d'étable, 1936, B. V. B. ; le Faucheur, 1936, id.). La guerre le marqua profondément. L'incendie de Rotterdam (mai 1940) lui inspira un beau tableau, sobrement évocateur (La Haye, Gemeentemuseum). Les œuvres de ces années d'occupation montrent déportés, résistants, juifs traqués, dans un style un peu répétitif, moins transposé, tandis que les paysages tardifs, en tons chauds, orangés, rouges et jaunes, attestent davantage de lyrisme. Dans l'œuvre du dessinateur, de nombreuses études au fusain, à la craie noire et à l'encre de Chine permettent d'apprécier un talent toujours habile à mettre en évidence le caractère, avec une sobriété plus nuancée. En 1951, le B. V. B. de Rotterdam et le Stedelijk Museum d'Amsterdam lui ont consacré une exposition rétrospective.
Chacón y Rincón (Francisco)
Peintre espagnol (fin du XVe s.).
Ce peintre castillan, dont on sait très peu de chose, offre un double intérêt : d'une part, dans un document de 1480, il apparaît comme " pintor mayor " des Rois Catholiques et chargé d'une sorte d'inspection des peintures du royaume, très significative des préoccupations de la reine Isabelle ; d'autre part, une Pietà signée de lui (Grenade, Escuelas Pias) montre une adaptation assez heureuse, dans un style plus détendu, des compositions de Van der Weyden (et peut-être aussi de la Pietà de Bermejo à la cathédrale de Barcelone).
Chagall (Marc)
Peintre français d'origine russe (Vitebsk 1887 – Saint-Paul-de-Vence 1985).
Les débuts à Vitebsk
Issu d'un milieu modeste, il montre de bonne heure des dispositions pour le dessin et fait ses débuts chez un peintre local, Jehouda Penn. En 1907, il se rend à Saint-Pétersbourg et fréquente, outre l'École impériale des beaux-arts, le cours d'art moderne que Bakst vient d'ouvrir et qui lui révèle certains aspects de la peinture française. Dès lors Paris l'attire : quand un député, Vinaver, lui propose de l'aider d'une petite subvention et lui laisse le choix d'une résidence à Rome ou à Paris, Chagall se prononce en faveur de cette dernière. Dans les tableaux de cette première période, un talent déjà personnel se fait jour. La vie quotidienne de Vitebsk autant que l'esprit et les rites de la doctrine hassidique (elle mettait l'accent sur la valeur d'une effusion à la fois mystique et physique) inspirent des scènes dont la couleur discrète et la mise en page évoquent parfois celles des Nabis, mais dont l'irréalisme spontané est le caractère majeur de tout l'œuvre de Chagall.
Première période parisienne (1910-1914)
Arrivé en août 1910 à Paris, Chagall occupe d'abord un atelier impasse du Maine, puis s'installe en 1912 à la Ruche (2, passage de Dantzig, Paris XVe, rénovée à partir de 1972). Il pénètre rapidement dans le milieu artistique de Paris, fait la connaissance de Delaunay et fréquente les vendredis de Canudo, directeur de la revue Montjoie, où il rencontre La Fresnaye, Gleizes, Metzinger, Marcoussis, Lhote, Le Fauconnier (qui le corrigera à l'Académie de la Palette). Il se lie également avec Cendrars et Apollinaire, et les deux poètes s'enthousiasment pour sa peinture. À Van Gogh, aux fauves, Chagall demande d'abord une leçon de couleur, pour lui un élément essentiel (l'Atelier, 1910 ; le Père, 1910-11) ; il emprunte pourtant au Cubisme et à la conception luministe de Delaunay une manière nouvelle de présenter les rapports formels. La composition gagne alors en clarté et en dynamisme, le dessin en fermeté : Moi et le village (1911, New York, M. O. M. A.) est la première synthèse, sur un thème fréquemment traité, du folklore poétique chagallien et des principes en vigueur à Paris ; À ma fiancée (1911, musée de Berne) est riche d'un symbolisme érotique fort rare à cette époque dans le milieu parisien. D'autres importants tableaux indiquent peu après une exploitation plus concertée du Cubisme, mais toujours à des fins et par des moyens originaux — teintes saturées soumises au dégradé rapide des valeurs, motifs très solidement construits (À la Russie, aux ânes et aux autres, 1911-12, Paris, M. N. A. M. ; Le soldat boit, 1912-13, New York, Guggenheim Museum). Par l'entremise de Guillaume Apollinaire, Chagall rencontre Walden à Paris en 1912, puis expose à Berlin au premier Salon d'automne allemand (1913) et à Der Sturm (juin-juillet 1914).
Seconde période russe (1914-1922)
Il est à Vitebsk quand la guerre éclate. Il exécute en 1914-15 plusieurs études de types israélites sur une dominante colorée, tableaux d'une grande expressivité (le Juif en rose, 1914, Saint-Pétersbourg, Musée russe). En 1917, d'abord soutenu par le gouvernement révolutionnaire grâce à Lounatcharsky, commissaire du peuple à l'Instruction publique, qu'il avait connu à Paris, il est nommé commissaire des Beaux-Arts de sa province, et, en 1918, une première monographie lui est consacrée ; mais l'orientation de la politique artistique le déçoit et il s'oppose à Malevitch : il résilie ses fonctions (1920) et quitte Vitebsk pour Moscou, où il collabore au Théâtre juif : il peint de grands panneaux en 1920, conservés à la gal. Tretiakov (la Musique, la Danse, le Théâtre, la Littérature, etc.) et réalisant décors et costumes pour trois pièces de Scholom Aleichem (1921). Les tableaux de cette seconde période russe ne diffèrent pas sensiblement des précédents ; ils comprennent une suite de vues de Vitebsk ou de vastes compositions inspirées par son mariage avec Bella (Autoportrait au verre de vin, 1917, Paris, M. N. A. M.), mais quelques-uns témoignent d'une brève et singulière résurgence du Cubisme, avec une fidélité inattendue à son esprit (Paysage cubiste, 1919) ou d'expérimentation du travail en pleine pâte (le Père, 1921). Chagall quitte la Russie en 1922.
Le retour en France (1923-1941)
Il s'arrête à Berlin (1922-23), où il rencontre Grosz, Hofer, Meidner, Archipenko et s'initie aux divers procédés de la gravure. Il grave alors pour Paul Cassirer les illustrations de son autobiographie, Mein Leben (26 eaux-fortes et pointes-sèches, publiées sans texte à Berlin en 1923 ; la traduction française, Ma Vie, sera publiée à Paris en 1931). Cette première expérience de la gravure prélude aux grandes commandes faites par Vollard dès le retour de Chagall à Paris, en septembre 1923 : illustrations pour les Âmes mortes de Gogol (118 eaux-fortes, 1924-25), les Fables de La Fontaine (100 eaux-fortes, 1926-1931), la Bible (105 eaux-fortes, 1931-1939, dont 39 planches reprises et achevées de 1952 à 1956) ; à l'occasion de cette dernière entreprise, Chagall fit un voyage en Palestine (1931) et alla étudier les gravures de Rembrandt à Amsterdam (1932). Ces ouvrages majeurs, tous trois publiés par Tériade après la Seconde Guerre mondiale, révèlent une intelligence vive de textes fort différents, et l'artiste a subtilement nuancé ses moyens d'expression : verve cocasse et savoureuse pour les Âmes mortes, monumentalité atténuée par le clair-obscur pour les protagonistes des Fables, stylisation plus libre, mobile, pour évoquer les grands épisodes bibliques. Chagall fut un moment sollicité par les surréalistes, car Breton estimait fort les tableaux d'avant-guerre, modèles d'une " explosion lyrique totale ", et reçut la visite d'Ernst et d'Eluard ; mais cette rencontre fut sans lendemain. Son évolution s'effectuait loin maintenant de la tension conflictuelle caractéristique de ses débuts, et suivant un mode identique au point de vue graphique comme au point de vue pictural : l'élimination des séquelles de l'écriture cubiste aboutit à la fusion des noirs et des blancs d'une part, à l'interpénétration des tons de l'autre. Chagall fait maintenant plus ample connaissance avec la France (séjours en Bretagne, en Auvergne, en Provence, en Savoie) ; le bestiaire familier de Vitebsk s'enrichit de la présence de plus en plus fréquente du poisson et du coq, figurants d'une thématique aux implications symboliques complexes (Le temps n'a pas de rives, 1939-1941, New York, M. O. M. A.). Le bouquet prend aussi une importance croissante, rarement pur prétexte aux jeux de la couleur, plus souvent motif privilégié d'une vision heureuse du monde (les Mariés de la tour Eiffel, 1928). Le climat politique de plus en plus troublé lui inspire la Révolution (qu'il détruisit) en 1937, année où il obtient la nationalité française. L'année suivante, la Crucifixion blanche (Chicago, Art Inst.) inaugure une série plus symbolique et concernant davantage les souffrances du peuple juif. Chagall vit aux États-Unis de 1941 à 1948 ; ce long et douloureux exil (sa femme Bella meurt en 1944) est marqué surtout par les décors et les costumes qu'il exécute pour Aléko (1942) et l'Oiseau de feu (1945) et par les 13 lithographies en couleurs de l'album Four Tales from the Arabian Nights.