Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
G

Gay (Nikolaï Nikolaïevitch)

Peintre russe (près de Voronej 1831  – gouv. de Tchernigov 1894).

Formé à l'Académie de Saint-Pétersbourg dans l'atelier de Bassine, il obtient en 1857 une bourse qui lui permet de se rendre en Italie, à Rome et à Naples (1857-1860), puis à Florence (1861-1869). Influencé par Ivanov et par les écrits de Renan, Gay confère à la peinture religieuse un ton dramatique et réaliste ; son envoi de 1863, la Cène, suscite à Saint-Pétersbourg un véritable engouement, qui contribue au déclenchement de la " révolte des Quatorze ". Nommé, en 1872, membre de l'Académie de Saint-Pétersbourg, il abandonne la peinture en 1876 et se retire à la campagne dans la province de Tchernigov, où il étudie la religion et la philosophie ; il se lie d'amitié avec Tolstoï dès 1882 (leur correspondance est publiée en Russie en 1930). À partir de 1889, il reprend son activité avec plusieurs grandes toiles sur la vie du Christ, dans un style tout à fait personnel, alliant des accents mystiques et expressifs à un traitement réaliste et monumental (Qu'est-ce que la vérité ?, 1890 ; la Crucifixion, plusieurs versions de 1892 à 1894, Moscou, Gal. Tretiakov ; Paris, Orsay). Parallèlement, il exécute tout au long de sa carrière des portraits (Chtchedrine, 1872 ; Tolstoï, 1884 ; Autoportrait, 1892-1893). Ses œuvres sont, pour la plupart, conservées à Saint-Pétersbourg (Musée russe) et à Moscou (musée Pouchkine, Gal. Tretiakov).

Geddes (Andrew)

Peintre et graveur britannique (Édimbourg 1783  – Londres 1844).

Après des études classiques à Édimbourg, il arrive à Londres en 1807 pour étudier à la Royal Academy School, où il rencontre Wilkie. De retour à Édimbourg en 1810, Geddes commence sa carrière comme portraitiste ; de nouveau à Londres en 1814, il choisit la capitale anglaise comme résidence principale sans pour cela abandonner son pays natal, où il retournera fréquemment. Grand voyageur, il visite la France, l'Allemagne et l'Italie (1814 et 1828-1831), étudie les maîtres anciens, en particulier les Vénitiens. En 1832, il est reçu A. R. A. Si Geddes n'a pas la vigueur d'un Raeburn ou la facilité d'un Gordon, il se révèle cependant portraitiste de talent, remarquable par son sens de la couleur et la sensibilité du trait (George Sanders, 1816, Édimbourg, N. G.). Beaucoup de ses œuvres suivent une glorieuse tradition, et le portrait de la Mère de l'artiste (1822, id.) doit beaucoup à Rembrandt, dont Geddes possédait une importante collection d'estampes. Lui-même graveur de qualité, il a fait revivre avec Wilkie l'art de la gravure en Écosse : copies de tableaux anciens, paysages, portraits.

Geel (Jacob Van)

Peintre néerlandais ( ? v.  1584/85  – Dordrecht apr.  1638).

Paysagiste dont la première mention est retrouvée en 1615 à Middelburg, ville où il résida jusqu'en 1625, il était en 1626 à Delft et faisait partie en 1633 de la gilde de Dordrecht, où il travaillait encore en 1638. Au travers des documents, on sent transparaître une vie inquiète et triste : deux mariages malheureux l'un et l'autre, et un harcèlement constant par une meute de créanciers.

   Son paysage le plus ancien, daté de 1615 (Detroit, Inst. of Arts), reprend la tradition bruegélienne des paysagistes flamands de la fin du XVIe s. et surtout de Gillis Van Coninxloo. Plus tard, et sans doute sous l'influence de Seghers, ses paysages atteignent au fantastique dans un maniérisme de formes très particulier : Van Geel dispose des rochers bizarres et des arbres déchiquetés, tourmentés, surchargés d'un lichen étrange, dans ses Paysages forestiers ou ses Vues de montagnes (1625, Munich, anc. coll. J. Bohler ; 1634, musée de Lierre ; 1635). Il accentue encore ces formes inquiétantes et ces effets contrastés de lumière dans son Grand Groupe d'arbres du Rijksmuseum (v. 1637) et dans ses derniers paysages (1637, Brunswick, Herzog Anton Ulrich-Museum), qui subissent incontestablement l'influence d'Elsheimer. Cette peinture du déclin et de la mort est représentée par d'autres artistes, Keirinckx notamment et G. d'Hondecoeter.

Geest (Wybrand Symonsz de)

Peintre néerlandais (Leeuwarden 1592  – id. apr. 1660).

Il vécut tout d'abord à Anvers, puis à Utrecht, en 1613, où il fut l'élève de Bloemaert. De 1614 à 1618, il voyagea en Flandres, en France et en Italie ; il est cité à Rome. On conserve une Madeleine (1620, Barcelone, coll. part.), où il copie un chef-d'œuvre de Caravage. En 1622, il épousa la sœur de Saskia Van Uylenburg, devenant ainsi le beau-frère de Rembrandt, qui ne devait du reste l'influencer que passagèrement. Il peignit surtout de majestueux portraits officiels qui attestent, avec quelque raideur provinciale, la connaissance de l'art de Van Dyck, tels ceux de la famille de Nassau (William Frederik, 1632, Rijksmuseum ; Henry Casimir, 1632, id. ; Ernest Casimir, 1633, id.) ou le Portrait d'homme (1659, musée de Lille) et son pendant, le Portrait de femme (1659, Rijksmuseum). Le style de ses tableaux d'histoire rappelle souvent celui de Honthorst.

Gelder (Aert de)
ou Arent de Gelder

Peintre néerlandais (Dordrecht 1645  – id.  1727).

Il passa d'abord v. 1660 dans l'atelier de Hoogstraten, qui semble ne l'avoir aucunement marqué, et compta parmi les derniers élèves de Rembrandt à Amsterdam vers 1661-1663. Il fut l'un de ceux qui surent le mieux saisir l'esprit et la technique des dernières années du maître, qu'il maintint en plein XVIIIe s. contre la réaction de la peinture fine, léchée et aristocratique, de la seconde moitié du Siècle d'or. Revenu par la suite à Dordrecht, Gelder fit la connaissance d'Houbraken, qui lui doit sans doute maintes précisions sur Rembrandt. Son œuvre se répartit essentiellement en tableaux religieux et en portraits, mais partout s'y affirme la même technique large et riche imitée de Rembrandt — coloris chaud à base de rouges et d'ors cuivrés, facture libre, empâtement des lumières —, technique pourtant propre à Gelder par ses irisations colorées de roses et de mauves pâles, son clair-obscur tout en délicatesse et une sorte de légèreté frémissante et de tendresse sentimentale qui annonce bien le XVIIIe s. et que l'on retrouvera chez un Fragonard : le peintre apparaît ici très en avance sur son temps.

   Dès 1671, Gelder est en pleine possession de sa manière, comme le montre son grand Ecce Homo de Dresde (Gg), inspiré d'une fameuse gravure de Rembrandt (1655). De l'année 1685 datent nombre de tableaux de Gelder, dont quelques chefs-d'œuvre, comme l'Autoportrait de Francfort (Städel. Inst.), Esther et Mardochée du musée de Budapest, Esther (Munich, Alte Pin.), l'évocation presque romantique, dans son mystère inquiet, d'Ernst Van Beveren (Rijksmuseum), en somptueux habit brodé d'or comme Rembrandt aimait en déguiser ses modèles ou lui-même.

   L'une des plus belles parties de son œuvre est formée par l'émouvante série de la Passion en 22 tableaux, dont 20 étaient achevés en 1715 selon Arnold Houbraken, et que le peintre garda chez lui jusqu'à sa mort (10 auj. à Munich, Alte Pin., et 2 au Rijksmuseum). À partir de cette date, Aert Gelder s'arrêta pratiquement de peindre, hormis l'imposant Portrait de famille du Dr Boerhave (1722, Rijksmuseum). Aux XVIIIe et XIXe s., les tableaux de Gelder ont souvent été pris pour des Rembrandt, tel le fameux " Rembrandt du Pecq ", l'Abraham et les trois anges de Rotterdam (B. V. B. ; provenant d'une coll. part. de la banlieue parisienne), qui fit l'objet de toute une polémique v. 1890. Mais rien ne saurait mieux témoigner en faveur d'un artiste dont les tableaux paraissaient trop beaux pour être d'un autre que Rembrandt.