Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Franciabigio (Francesco di Cristofano, dit)

Peintre italien (Florence 1484  – id. 1525).

Sa première œuvre connue est la Nativité peinte à fresque en 1510 dans la villa Capponi à Montici (auj. au Museo del Cenacolo di San Salvi à Florence). Elle confirme le texte de Vasari suivant lequel le peintre fut élève de Mariotto Albertinelli et révèle aussi la connaissance de Piero di Cosimo. Mais, peu après, l'Annonciation de Turin (Gal. Sabauda) et surtout le Mariage de la Vierge peint à fresque dans le petit cloître de l'église de l'Annunziata à Florence (1513) indiquent une adhésion franche à l'art d'Andrea del Sarto : cet exemple restera déterminant pour Franciabigio, sans, toutefois, réprimer jamais un naturalisme sincère et une fermeté de conception, héritée du XVe s., qui l'empêchera, jusqu'à la fin de sa carrière, de céder aux suggestions de la " manière ". Parmi ses œuvres les plus intéressantes, il faut mentionner la Cène du couvent de la Calza (1514), la Vierge de saint Job (1516, Offices), deux Scènes de la vie de saint Jean (Saint Jean béni par son père et Rencontre de saint Jean et de Jésus) peintes à fresque dans le cloître du Scalzo (1518-19), le Triomphe et le Tribut de César, fresques de la villa Médicis à Poggio a Caiano (1521), et la Lettre d'Urias (1523, Dresde, Gg). Franciabigio fut aussi un excellent portraitiste, d'inspiration raphaélesque, comme en témoignent les Portraits d'hommes aux Offices (1514), à la N. G. de Londres, au Louvre, à la gal. Liechtenstein de Vaduz (1517), à Berlin (1522).

Francis (Sam)

Peintre américain (San Mateo, Californie, 1923  – Santa Monica 1994).

Après des études de médecine et de psychologie à l'université de Berkeley, il est mobilisé dans l'aviation de 1943 à 1945. Blessé et hospitalisé, il commença de s'intéresser à la peinture à l'instigation d'un ami, David Parks, professeur à l'École des beaux-arts de San Francisco, et exposa pour la première fois dans cette ville en 1948. En 1950, il se rend à Paris, où il réside longtemps en dehors de fréquents séjours à New York et en Californie et de voyages autour du monde de 1957 à 1959, qui le mènent au Mexique, en Inde, en Thaïlande, à Hongkong et au Japon, où il s'arrête plusieurs fois pour travailler. Il retourna aux États-Unis en 1961 et s'installa en 1962 à Santa Monica, en Californie.

   C'est à Paris que Sam Francis a d'abord été connu et estimé ; dès 1952, la gal. Nina Dausset lui organisa sa première exposition, que deux autres devaient suivre bientôt à la gal. Rive droite, la première préfacée par Georges Duthuit en 1955 et la seconde en 1956 sous l'égide de Michel Tapié, qui, dans Un art autre, avait déjà situé Sam Francis parmi les " signifiants de l'informel ", auxquels il apportait, après Pollock, une nouvelle dimension spatiale à l'échelle américaine (Deep Orange and Black, 1954-55, Bâle, Kunstmuseum). C'est en effet le sentiment de l'espace, lieu d'épanchement de la lumière, qui conditionne l'expression " tachiste " de Sam Francis, lequel a précisé pour lui-même que " l'espace, c'est la couleur " et reconnu dans ce sens l'importance de l'exemple de Monet, de Bonnard et de Matisse. Par de larges et vigoureuses taches de couleurs, claires ou foncées, il module la surface des grands formats, qu'il travaille volontiers, pour créer des espaces mouvants imprégnés d'une vie intense (In Lovely Blueness, 1955-1957, Paris, M. N. A. M.). Dans ses " bleus " (série Blue Balls, 1960-65), il a distendu de plus en plus les intervalles séparant les taches de couleurs, qu'il repousse vers les bords de la toile pour faire éclater la " forme ouverte " du blanc. C'est en effet aux différentes façons d'étendre ou de restreindre ce blanc originel par divers cadrages ou réseaux de tracés gestuels que Sam Francis va se consacrer principalement. À partir de 1975, une de ses méthodes les plus courantes consiste à le diviser régulièrement par un quadrillage de la surface du tableau, la peinture étant passée au rouleau avec des reprises ultérieures à la main. Ses œuvres sont conservées dans de nombreux musées américains (notamment à New York, M. O. M. A. et Guggenheim Museum, au Museum of Contemporary Art de Los Angeles, par une donation de dix œuvres en 1993) ainsi qu'à Londres (Tate Gal.), à Paris (M. N. A. M.) et à Zurich (Kunsthaus). Mais c'est à Tōkyō (musée Idemitsu) qu'est réuni le plus important ensemble de ses peintures. Une grande rétrospective a été présentée en Allemagne (Bonn) en 1993 et une exposition les Années parisiennes, 1950-1961 a eu lieu à Paris (G. N. du Jeu de Paume) en 1995-96.

Franck (Hans Ulrich)

Peintre et graveur allemand (Kaufbeuren v.  1590/1595  – Augsbourg  1675).

On ne sait pas grand-chose de sa formation ni de sa jeunesse, durant laquelle il peignit quelques tableaux d'églises (Kaufbeuren et Beuerberg). Il s'installa à Augsbourg en 1637. Franck est surtout connu comme graveur, en particulier pour sa très célèbre série de 25 eaux-fortes, parues entre 1643 et 1656, où il dépeint avec complaisance, dans un style qui évoque souvent les gueux de Callot, les horreurs de la guerre de Trente Ans. Après les Hollandais Vrancx, Tyllis, Snayers, il découvre sur les champs de bataille les possibilités pittoresques et décoratives du drame. Les tueries, scènes de pillage, de viols, et autres atrocités de la guerre sont l'expression de la détresse matérielle et morale d'un peuple. Elles influenceront bien des générations d'artistes allemands, impressionnant profondément leur âme. Le fils de Franck, Franz Friedrich (Kaufbeuren 1627 - Augsbourg 1687) , peintre d'histoire, de natures mortes et de portraits, fut influencé à la fois par son père, par Schönfeld, le cercle de Rembrandt et les peintres italiens de natures mortes.

Francke (Meister, c'est-à-dire Maître)

Peintre allemand (actif à Hambourg pendant la première moitié du XVe s.).

C'est un des représentants les plus originaux du Gothique international allemand. Il réinterprète les formes d'un style courtois dans le sens d'un expressionnisme religieux, où il traduit directement ses méditations sur la Passion ou la vie des saints.

   On ne possède sur lui que très peu de documents : c'est un moine dominicain — ce qui explique que son nom ne figure sur aucun registre municipal — originaire de Zutphen en Gueldre, où il serait né v. 1380-1390 ; il peint pour la cathédrale de Münster 2 panneaux de la Vierge et de saint Jean-Baptiste, sans doute av. 1420 (détruits) ; en 1424, il passe contrat d'un retable pour l'église Saint-Jean de Hambourg avec la confrérie des Englandfahrer, retable conservé et qui a permis le regroupement stylistique du reste de son œuvre ; puis, sa célébrité se répandant autour de la Baltique dans les villes affiliées à la Hanse, il peint en 1429 un retable pour la confrérie des Têtes-Noires de Reval en Estonie (détruit).

   Son œuvre se compose de 2 tableaux représentant l'Homme de douleur (musées de Leipzig et de Hambourg) et de 2 grands retables à volets : le Retable de sainte Barbe (musée d'Helsinki), sans doute exécuté pour la cathédrale du port hanséatique d'Åbo en Finlande, comporte un intérieur sculpté probablement dans l'atelier du peintre, ou sur ses dessins, et des doubles volets peints avec 8 scènes de la vie de sainte Barbe ; du Retable des " Englandfahrer ", dit " retable de saint Thomas Becket " (musée de Hambourg), incomplètement conservé, il subsiste un fragment du panneau central peint (Crucifixion) et, des doubles volets, 4 Scènes de la Passion sur fond d'or, 2 Scènes de l'enfance du Christ et 2 Scènes de l'histoire de saint Thomas Becket sur fond rouge étoilé.

   On a considéré, depuis B. Martens (1929) et Stange (1938), le Retable de sainte Barbe comme un ouvrage des débuts du peintre, qui se serait formé au contact intime de la miniature française, dans un esprit ouvert au monde extérieur, et s'en serait détourné ensuite dans le Retable de saint Thomas pour se limiter à l'essentiel et exprimer, avec des moyens réduits, une vision subjective personnelle. Mais il convient de préférer une chronologie différente qui donne une plus juste idée d'un peintre médiéval évoluant vers le réalisme sous les diverses influences artistiques de son époque.

   Il semble que son origine gueldroise ait été déterminante dans son œuvre : il trouvait là un répertoire iconographique particulier et surtout un climat d'expressionnisme mystique traduit artistiquement dans un récit simplifié et efficace. En outre, il subit en Gueldre l'influence du style gothique international franco-flamand, largement importé grâce à la duchesse Marie de Gueldre, princesse française ; il emprunte aux manuscrits des environs de 1410, connus directement ou par des recueils de modèles, des motifs de détail ou des formules de composition. Son goût de l'expressivité par les formes simples et d'un espace plat réduit au jeu des personnages le rapproche des premières œuvres des frères Limbourg (Belles Heures). En Westphalie, il apprend la version allemande du Gothique international, particulièrement devant le Retable de Wildungen de Conrad de Soest, à qui il emprunte la composition de sa Crucifixion et les types des visages, des mains et des plis. De cette époque datent l'Homme de douleur de Leipzig (v. 1420), le Retable de saint Thomas (1424), que l'ignorance de l'anatomie et du modelé, les plis fluides, la calligraphie, la composition sans profondeur obligent à placer tôt dans la carrière du peintre. Puis il perfectionne sa connaissance de la peinture occidentale ; le Retable de sainte Barbe (v. 1430-1435) et l'Homme de douleur de Hambourg (v. 1435-1440) montrent un goût nouveau pour le volume, le modelé, les plis gonflés et lourds, les paysages mieux structurés. La carrière de Francke se situe ainsi à mi-chemin du Gothique international tardif et du futur réalisme. Peintre régional, monacal et d'une inspiration toute personnelle, il n'a pas fait école ; cependant, plusieurs retables en Basse-Allemagne ou dans des villes hanséatiques rappellent ses formes, ses motifs, son mode de récit expressif et ramassé, et les prolongent, comme chez Johann Koerbecke, dans le courant réaliste au-delà du milieu du XVe s.