Lawson (Ernest)
Peintre américain d'origine canadienne (Halifax, Nouvelle-Écosse, 1873 – Coral Gables, Floride, 1939).
Alors que Manet, Hals et Velázquez étaient les exemples suivis par la plupart des peintres du groupe des Huit, Lawson fut le seul à adopter une esthétique dérivée de celle des impressionnistes français. Ce choix s'explique en grande partie parce qu'il avait étudié à l'Art Students League ; il fut fortement influencé par ses maîtres, J. A. Weir (1852-1919) et surtout le peintre impressionniste John Twachtman, dont il fut l'élève à Cos Cob (Connecticut). En 1893, il séjourna en France, mais, de nouveau insatisfait de l'enseignement de l'Académie Julian, il préféra peindre en plein air, notamment en forêt de Fontainebleau. Une toile peinte en 1894, Église à Moret-sur-Loing, révèle l'influence directe de Sisley.
À New York, en 1898, Lawson fréquenta Glackens, qui l'introduisit auprès des autres peintres de l'Ash-can School. Il exposa avec eux en 1908 à l'exposition des Huit (Winter on the River, New York, Whitney Museum), puis en 1910 aux Independents et en 1913 à l'Armory Show, qu'il continua à organiser. La seule influence du groupe des Huit que l'on puisse déceler dans son œuvre concerne le choix de certains sujets, des scènes de la vie urbaine telles que Wet Night, Gramercy Park (1907, Washington, Hirshhorn Museum).
Le style de Lawson n'est pas uniforme, car, soucieux de rendre l'atmosphère particulière de ses sujets, il modifiait sa palette en fonction de ceux-ci. En 1916, un voyage en Espagne donna à ses toiles un accent plus net et défini (Ségovie, 1916, Minneapolis, Inst. of Arts), qui se retrouve dans quelques-unes des meilleures compositions à la fin de sa vie : Gold Mining, Cripple Creek (1926 ?, Washington, Smithsonian Institution) ou High Bridge (1934, New York, Whitney Museum).
Le Brocquy (Louis)
Peintre irlandais (Dublin 1916).
Sans formation préalable, il visita en 1938-39 les grands musées européens (Louvre ; Londres, N. G.) et fut frappé par la couleur et la matière des tableaux espagnols contemplés à Genève, où se trouvait alors la collection du Prado, particulièrement ceux de Goya. Ses débuts véritables remontent à 1945, avec le thème du " peuple errant " d'Irlande, qui représentait, " dramatiquement peut-être, la condition humaine " et dont le cubisme expressionniste dérive de celui de Guernica (Travelling Woman with Newspaper, 1947). Le thème de la famille l'emporte dans la " période grise " de l'artiste, inaugurée en 1950 et où l'on retrouve les mêmes groupes compacts chargés d'exprimer des idées générales ; les figures sont situées dans un espace sans profondeur et se détachent sur la toile désencombrée, ce qui accentue leur isolement (la Famille, 1951). En 1956 débute la " période blanche " de Le Brocquy, où les formes, souvent issues d'un nu, se dissolvent presque complètement dans l'espace de la toile. À partir de 1964, le motif de la tête et du crâne au milieu d'une vaste plage de couleur pure est privilégié ; il est inspiré par les tentes peintes océaniennes et les sculptures primitives examinées au musée de l'Homme à Paris (Reconstructed Head of William Blake, 1967). Le Brocquy s'est attaché ainsi à décrypter les visages de Joyce, de Beckett et celui de William Butler Yeats (1975-76), ce dernier en maintes variations au fusain, à l'aquarelle ou à l'huile (exposées à Paris, au M. A. M. de la Ville, en 1976), puis ceux de Federico Garcia Lorca et de Francis Bacon, ou même l'évocation du visage de William Shakespeare, décomposés en facettes transparentes et colorées. En 1946, l'artiste s'installa à Londres, en partie à cause de l'hostilité que son œuvre rencontrait en Irlande, et il exposa trois fois à Londres entre 1947 et 1949. Il exécuta, la même année, son premier carton de tapisserie, technique pour laquelle il a continué depuis à travailler avec bonheur. En 1969, il donna une suite d'illustrations pour The Tain, transcription d'une ancienne saga irlandaise. L'artiste est représenté à Londres (Tate Gal. et V. A. M.), à Belfast, à Leeds, à Dublin, aux États-Unis (Buffalo, Detroit, Chicago [Art Club]).
Le Brun (Charles)
Peintre français (Paris 1619- id. 1690).
La jeunesse
Fils d'un sculpteur, Le Brun fut un enfant prodige et bénéficia très tôt de la protection du chancelier Séguier. Entré dans l'atelier de Vouet v. 1634, après une première formation auprès de François Perrier qui le marque d'une façon durable, il assimile rapidement les différents styles à la mode. Il donne à la gravure des dessins qui attestent diverses manières et exécute des peintures pour Richelieu (Hercule et Diomède, 1641, musée de Nottingham ; esquisse à Bayonne, musée Bonnat) et, pour la Corporation des peintres, le Martyre de saint Jean l'Évangéliste (1642, Paris, Saint-Nicolas-du-Chardonnet).
En 1642, il se rend à Rome en compagnie de Poussin, qui continue à guider ses études dans la Ville éternelle. Il y étudia les antiques (pour une information documentaire autant que pour la plastique), Raphaël, les Carrache, Dominiquin et aussi, sans doute, l'œuvre décorative de Pierre de Cortone. Il peint alors Horatius Cocles (Londres, Dulwich College Picture Gal.), Mucius Scevola (musée de Mâcon), le Christ mort sur les genoux de la Vierge (Louvre). Contre le gré de Séguier, il quitte Rome et, après un bref séjour à Lyon (où il peint sans doute la Mort de Caton, musée d'Arras), revient à Paris en 1646, où, tout en bénéficiant encore de la protection du chancelier, il étend rapidement sa clientèle. À deux reprises, il exécute le may de Notre-Dame (la Crucifixion de saint André, 1647 ; esquisse à Northampton, coll. Spencer ; le Martyre de saint Étienne, 1651). La plupart des commandes qu'il reçut sous la régence d'Anne d'Autriche étaient celles de tableaux religieux ou de plafonds peints. Les premiers (le Repas chez Simon, Venise, Accademia ; le Christ servi par les anges, v. 1653, Louvre ; le Silence, 1655, id. ; le Benedicite, id. ; la Madeleine repentante, id.) se distinguent par leur dignité calme et la traduction magistrale des expressions ; les seconds (Hôtel de La Rivière, 1653, Paris, musée Carnavalet ; Psyché enlevée au ciel, petit cabinet du roi, Louvre, auj. détruit ; galerie d'Hercule à l'hôtel Lambert) font preuve d'une riche invention décorative et associent souvent la peinture au relief stuqué sur la voûte, mais les raccourcis excessivement accusés étant toujours évités.
Le Portrait du chancelier Séguier à cheval (Louvre), l'un des chefs-d'œuvre les plus justement populaires de l'artiste, doit dater de cette période (v. 1655).
L'œuvre maîtresse de Le Brun à cette époque est la décoration du château de Vaux-le-Vicomte pour Nicolas Fouquet (1658-1661) ; il eut ainsi l'occasion de déployer son talent à travers bâtiments et jardins, peignant murs et plafonds, et dessinant sculptures et tapisseries (qui furent exécutées à Maincy) ainsi que les projets des fêtes et des spectacles.
Le Brun au service de Louis XIV
À la même époque, il peignit pour Louis XIV la Tente de Darius (1660-61, Versailles), qui servit de manifeste à l'art académique, composition en frise, sobre et classique, dans laquelle les attitudes et les expressions des protagonistes illustrent l'action dramatique.
Le Brun n'eut pas à souffrir de la disgrâce de Fouquet, puisqu'il travailla pour Colbert et pour le roi, et son titre de premier peintre fut confirmé en 1664. Membre fondateur de l'Académie royale de peinture, il y occupa bientôt une place prépondérante. Lorsque Colbert demanda à l'Académie de codifier les règles de l'art, Le Brun en fut l'orateur le plus remarqué, soutenant que la peinture est un art qui s'adresse d'abord à l'intelligence, à l'encontre de ceux qui la jugent en fonction du plaisir de l'œil. Nommé directeur des Gobelins en 1663, il veilla à la formation des artisans, et le contrôle qu'il exerça sur la production des meubles et des tapisseries contribua à assurer l'unité du " style Louis XIV " à travers les résidences royales. Il donne les cartons pour les suites des Quatre Éléments, des Quatre Saisons, des Mois (ou des Maisons royales) et de l'Histoire du roi. La Tente de Darius fut suivie v. 1673 de 4 autres peintures inspirées par la geste d'Alexandre : l'Entrée à Babylone, le Passage du Granique, la Bataille d'Arbelles, Alexandre et Porus, et d'autres sujets furent également esquissés. Les toiles immenses (Louvre) qui servirent de cartons pour les tapisseries des Gobelins étaient probablement destinées à prendre place dans un cycle de peintures épiques, et c'est sans doute leur format, l'impossibilité de leur trouver un lieu d'exposition convenable qui empêchèrent la réalisation du projet initial. La galerie d'Apollon du Louvre, qui devait, dans l'intention de Le Brun, glorifier Louis XIV d'une manière plus franche, demeura également partiellement réalisée quand le roi abandonna Paris pour le nouveau palais de Versailles.
C'est à Versailles, avec l'escalier des Ambassadeurs (1674-1678, auj. détruit : exp. l'escalier des Ambassadeurs, château de Versailles en 1990), la galerie des Glaces (1679-1684 ; esquisses aux musées d'Auxerre, de Troyes, de Compiègne et de Versailles), les salons de la Paix et de la Guerre (1685-86) et la surveillance qu'il exerça sur la décoration des Grands Appartements et du château de Marly, que Le Brun donna la démonstration de son idéal artistique, glorifiant l'absolutisme — exemple qui devait être suivi par les rois et les cours dans toute l'Europe. Louvois ayant succédé à Colbert en 1683, Mignard, rival de Le Brun, bénéficia dès lors de la protection royale. Privé de commandes importantes, Le Brun passa les dernières années de sa vie à exécuter des peintures religieuses de moyen format : la Passion du Christ (Louvre, musées de Troyes et de Saint-Étienne), reprenant la tradition poussinesque de la méditation sur un thème narratif.
Le Brun instaura en France un style qui devait beaucoup au classicisme de Poussin et au baroque italien, et qui pouvait s'adapter aux différents impératifs de la peinture de plafond, de la tapisserie ou du tableau d'histoire. Son autoritarisme, qui lui fut souvent reproché, était une conséquence même de sa supériorité artistique. La gravure contribua à répandre son œuvre, qui, plus vigoureux par la beauté du trait que par la couleur, ne souffrit pas outre mesure de ce procédé de traduction. (Sébastien Le Clerc grava les Tapisseries du roi [1670], et Gérard Audran les peintures de l'Histoire d'Alexandre dans une série d'immenses gravures prodigieusement finies.) Son influence s'étendit bien au-delà des frontières de son pays et de son temps.