Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Soutman (Pieter Claesz)

Peintre et aquafortiste néerlandais (Haarlem v. 1580  – id. 1657).

Élève de Rubens à Anvers, Soutman fit partie aux alentours de 1620 du cercle de graveurs qui travaillaient dans l'atelier de Rubens ; sa production fut assez considérable. On sait qu'il a un élève en 1619 et qu'il devient citoyen d'Anvers en 1620. En 1624, il entra au service du roi de Pologne. En 1628, il était revenu à Haarlem, où il fut inscrit à la gilde de Saint-Luc de 1630 à 1633. Comme peintre, il a surtout laissé des portraits d'une facture large et grasse où intervient le double souvenir de Rubens et de Hals, tels son Frans de Lies Van Wissen (1649, Bruxelles, M. R. B. A.) et surtout la Famille Van Beresteyn (Louvre), longtemps attribuée à Hals, puis à Pot ; il fut le maître de Jan Timans et de Cornelis de Visscher. Il participa aussi à la décoration de la Huis Ten Bosch de La Haye.

Soutter (Louis)

Dessinateur et peintre suisse (Morges 1871  – Ballaigues 1942).

Soutter est une des figures les plus attachantes de l'art suisse. Il abandonna des études d'architecture pour travailler le violon à Bruxelles avec E. Ysaïe. En 1896, il se rend à Colorado Springs, ville natale de sa femme, et y enseigne le violon et le dessin. Huit ans plus tard, il revient à Lausanne.

   Il fait un premier séjour en clinique psychiatrique en 1906 : c'est le début de presque vingt années de vie malheureuse et vagabonde, où seule la musique lui sert de gagne-pain.

   En 1923, sa famille le met à l'asile de vieillards de Ballaigues, où il finira ses jours, soutenu par Le Corbusier, Auberjonois et Maxime Vallotton. La quasi-totalité de son œuvre date de cette époque. Faute d'argent, Soutter n'utilisa pratiquement point d'autre matériel que des cahiers d'écolier, des torchons et de l'encre ordinaire. Il ne datait ni ne signait ses œuvres, mais les complétait d'une légende suggestive ; quant à son style, qui n'entre dans aucune catégorie, il évoque l'Expressionnisme de Rouault dans les clairs-obscurs et les empâtements. Peu après son arrivée à Ballaigues, Soutter illustra de nombreux livres (Flaubert, Mme de Staël, Morax) et copia des maîtres anciens. Jusqu'en 1930, il exécute des dessins en hachures, exacerbant les zones d'ombres et de lumières, illustrant principalement des architectures de rêve, villes, temples antiques, châteaux médiévaux (Ville et coupoles, Lausanne, musée cantonal des Beaux-Arts) ainsi que de multiples dessins de figures souvent allégoriques (l'Orgueil) où les personnages se distinguent difficilement des fonds nerveux et hachurés.

   De 1930 à 1937, hormis quelques dessins dont la thématique est tirée de la matière (le Bouquet), la majeure partie de son œuvre graphique illustre des figures féminines, d'un fort érotisme (Nous souffrons d'amour, Lausanne, musée cantonal des Beaux-Arts) ou des visages de femmes, tentateurs et terrifiants, issus des obsessions de l'artiste (Georges ne vit plus, musée Jenisch, musée des Beaux-Arts de Vevey). En 1937, la baisse de sa vue pousse Soutter à changer de style, créant des peintures dites au doigt avec de l'encre noire, de la gouache, du vernis copal, de l'huile. D'une forte puissance expressive, ces représentations de silhouettes forment des danses insensées de figures serpentines (Happy Day). Certaines œuvres, prises dans un rythme rapide, combinent le dialogue du noir et du blanc avec l'usage de couleurs vives posées en taches (Or, or) ou la tension de certains personnages aux couleurs crues (Masquerade in Slums, 1931). Le thème de la passion du Christ, accentuant par de violents contrastes de noirs et de rouges le caractère tragique des scènes, fait l'objet de nombreuses variations au cours de cette dernière période, intensifiant le rendu de la misère et de la souffrance liées à la représentation humaine (Sang de croix, Lausanne, musée cantonal des Beaux-Arts).

   De grandes expositions ont rendu l'œuvre de Soutter à sa juste place : à Lausanne, en 1961, 1974, 1986 ; à Marseille, musée Cantini, en 1987 ; à Martigny, Fondation Pierre Giannada, et à Troyes, M. A. M., en 1990.

Souza-Cardoso (Amadeo de)

Peintre portugais (Amarante 1887  – Espinho 1918).

Né dans une riche famille de propriétaires fonciers du Nord du Portugal, il fréquenta l'École des beaux-arts de Lisbonne avant de venir à Paris (1906) pour y poursuivre des études d'architecture. Il abandonna bientôt cette voie et — lié d'amitié avec Modigliani, avec qui il exposa en 1911 — se consacra définitivement au dessin (XX Dessins, préface de Jérôme Doucet, Paris, 1912) et à la peinture. Il exposa au Salon des indépendants (1911, 1912, 1914), au Salon d'automne (1912) et participa à l'Armory Show (New York, 1913). Après avoir suivi la manière précieuse de Modigliani, il fut attiré par le Cubisme en 1912 et, au cours de la même année, évolua rapidement vers l'Abstraction. Dès 1914, ses tableaux évoquaient les futures réalisations du Purisme. La guerre le contraignit à regagner son pays. Bien qu'il ait subi l'influence des Delaunay, émigrés au Portugal, en 1915-16, il vécut les dernières années de sa vie isolé dans la propriété de sa famille et fut victime de l'épidémie de grippe espagnole à la veille de son retour à Paris. Ses œuvres ultimes révèlent des éléments complexes, expressionnistes, futuristes, voire dadaïstes. Les quelque 150 toiles qu'il a laissées lui confèrent la première place parmi les artistes portugais de sa génération et pourraient lui assurer une position relativement importante sur un plan international. Son œuvre, encore mal connu à l'étranger, a fait l'objet de 2 expositions à Paris (1925 et 1958). L'artiste est représenté à Paris (le Cavalier, 1912, M. N. A. M.). La plus grande partie de son œuvre appartient à sa veuve (Paris) ainsi qu'au musée d'Amarante (Portugal), dont elle constitue le noyau. La fondation C. Gulbenkian possède, depuis 1969, 5 toiles représentatives de l'évolution de l'artiste (Grande Nature morte).

Spada (Lionello)

Peintre italien (Bologne 1576  –Parme 1622).

Élève d'Agostino et de Ludovico Carracci, il se consacre d'abord, avec le peintre de " quadrature " Dentone, à des décorations à fresque de perspectives, aujourd'hui perdues. Après une première période au cours de laquelle il se plie aux préceptes de l'Académie des Incamminati et où il peint la grande fresque de la Pêche miraculeuse à l'hôpital de S. Procole (1607), il quitte Bologne jusqu'en 1614. À cette époque, d'après certains textes, il se serait rendu à Rome et à Malte, où il aurait rencontré Caravage et serait devenu son disciple. En fait, rien ne vient confirmer les rapports qui purent exister entre le Bolonais et le grand peintre lombard : les œuvres qui auraient valu à Spada le sobriquet de " singe du Caravage " ne sont que des imitations de motifs caravagesques et ne sauraient être l'œuvre de Spada. De retour dans son pays, Spada travailla à Bologne, à Reggio, à l'église de la Ghiara, où, dans un grand cycle décoratif, il fit preuve d'une aisance rappelant ses débuts de " perspectiviste ". Il est représenté notamment à la P. N. de Bologne, à la Pin. Estense de Modène (la Bonne Aventure), à la G. N. de Parme (Saint Pierre en prison), à la Gal. Borghèse de Rome (Concert), à la Gg de Dresde (David), au Louvre (Énée et Anchise, le Retour de l'enfant prodigue, Concert), au musée Condé de Chantilly (Couronnement d'épines), à Lille (Joseph et la femme de Putiphar).