Conder (Charles)
Peintre britannique (Londres 1868 – Virginia Water, près de Windsor, 1909).
Ce fils d'ingénieur, descendant direct du sculpteur Roubiliac, après une enfance passée aux Indes et en Angleterre, émigre en Australie en 1883. Il travaille à Melbourne, puis à Sydney, à l'Illustrated Sydney News, tout en continuant à peindre, influencé alors par le style impressionniste de Girolamo Nerli, et expose avec les impressionnistes australiens à Melbourne en 1889. De retour en Europe en 1890, il travaille à Paris à l'Académie Julian et à l'atelier Cormon, où il rencontre Toulouse-Lautrec et Anquetin. Il découvre la beauté de la vallée de la Seine : Printemps (1892, Londres, Tate Gal.). Sous l'influence des peintres français du XVIIIe s. (Watteau, Saint-Aubin) et celle de l'art japonais et chinois, il commence, en 1893, à dessiner et à peindre des éventails, généralement sur soie blanche (l'Excursion romantique, 1899, Londres, Tate Gal.). Il peint également à l'aquarelle sur support de soie (l'Oiseau bleu, 1895, Melbourne, N. G. of Victoria). En 1893, il est reçu membre associé de la Société nationale des beaux-arts et membre du New English Art Club ; en 1895, il réalise une décoration sur panneaux de soie et quelques dessins pour la Maison de l'art moderne de Bing. S'il retourne s'établir à Londres en 1897, il fera cependant de fréquents voyages à Paris et à Dieppe. Sérieusement malade en 1906, il est obligé d'abandonner la peinture. Ses derniers travaux montrent un style plus robuste et plus naturaliste (Swanage Bay, 1901, Londres, Tate Gal.).
Coninxloo (Gillis III Van)
Peintre flamand (Anvers [ ? ] 1544 – Amsterdam 1607).
C'est l'un des plus importants précurseurs du paysage baroque néerlandais. Il fut, avant 1559, l'élève de P. Coecke Van Aelst, puis, plus tard, celui de L. Kroes et de G. Mostaert. Vers 1565, il fit un voyage en France, séjournant notamment à Paris et à Orléans et se rendit vraisemblablement en Italie car certaines de ses œuvres trahissent l'influence des Vénitiens (Schiavone) et des Flamands vénétianisés (Paolo Fiammingo). En 1570, il était de retour à Anvers, qu'il quitta en 1585 à cause de ses convictions protestantes. Il se rendit d'abord à Frankenthal en 1587, où il fonda une véritable école de paysagistes maniéristes et, en 1593, à Amsterdam, où il devait se fixer. On ne connaît de cet artiste que peu de tableaux et de dessins signés ou monogrammés. Cependant, une série de gravures d'après son œuvre par N. de Bruyer et Visscher permettent de se faire une idée plus complète de la conception et de l'évolution de son art. Le Jugement de Midas (1588, Dresde, Gg) peut être considéré comme le plus représentatif de toute une série de tableaux exécutés soit à Anvers, soit à Frankenthal et où l'artiste se montre l'héritier de la vision panoramique des paysagistes flamands du XVIe s. Par la suite, ses tableaux, essentiellement des paysages boisés, peints de 1598 à 1605, marquent l'aboutissement d'un style qui tend à donner de la nature une vision moins objective que lyrique et profuse (Sous-bois, 1598, Vaduz, coll. Liechtenstein ; musée de Strasbourg ; Vienne, K. M. ; Paysage, 1605, Spire). L'œuvre de Van Coninxloo annonce, d'une part, les paysages hollandais du XVIIe s. par son souci de la tonalité générale et, d'autre part, les paysages baroques flamands par l'ampleur de la vision et son caractère décoratif. La plupart des paysagistes flamands de la génération du peintre ont subi son influence ; non seulement ses élèves, P. Schoubroeck, D. Vinckboons, A. Govaerts, H. Seghers, mais encore F. Van Valckenborch, H. V. Jos, Ch. de Keuninck, K. Van Mander, D. Van Alsloot, J. Bruegel de Velours, E. Van de Velde et, dans une certaine mesure, R. Savery.
Conrad de Soest
Peintre allemand (Dortmund v. 1370 – id. apr. 1422).
Maître de l'école westphalienne dont l'activité s'exerça à Dortmund, Conrad de Soest donne une excellente idée de l'évolution de la peinture allemande v. 1400 et de sa réceptivité au " style international " alors pratiqué en Occident. Né à Dortmund aux environs de 1370, il y contracte, en 1394, un mariage qui atteste sa qualité de citoyen de cette ville. Son nom est d'ailleurs mentionné de nouveau dans les documents entre 1413 et 1422. Toutefois, bien que nous possédions plus de témoignages de son existence que de celle de la plupart des artistes contemporains, les indications précises sont rares. Des œuvres conservées, la plus ancienne semble être le panneau de Saint Nicolas (chapelle Saint-Nicolas de Soest), vraisemblablement antérieur à 1400. On y voit saint Nicolas siégeant sur un trône, ayant à sa gauche saint Jean-Baptiste et sainte Catherine, et à sa droite saint Jean l'Évangéliste et sainte Barbe. Ainsi que le révèlent la sécheresse du drapé et l'architecture encore maladroite du trône, Conrad demeure profondément attaché à la tradition westphalienne des décennies précédentes. Par la suite, bien que de plus en plus dépendant de l'art de la cour de Bourgogne, il ne reniera jamais complètement la peinture traditionnelle de sa province. Si le panneau de Saint Nicolas ne permet pas encore d'affirmer qu'il ait visité les foyers artistiques franco-flamands, les œuvres ultérieures permettent de le supposer. La facture, qui a perdu sa rigidité, est devenue plus soignée et plus élégante ; les costumes aux draperies souples, les visages d'une retenue tout aristocratique sont rehaussés d'un coloris d'une étonnante subtilité.
Un exemple précoce de cette nouvelle conception est fourni par le panneau représentant Saint Paul (avec Saint Réginald au revers) conservé à Munich (Alte Pin.). Il s'agit du volet droit d'un autel portatif commandé v. 1404 par un membre de la famille patricienne de Dortmund du nom de Berswordt.
À cette phase stylistique se rattache également l'œuvre majeure du peintre, le retable du maître-autel de l'église de Bad Wildungen, toujours en place. Une inscription mentionne le nom du maître et c'est la première fois en Allemagne que l'auteur d'une œuvre d'art est ainsi désigné. L'inscription comporte en outre une date dont la lecture, rendue difficile par le mauvais état de conservation du dernier chiffre, ne permet pas de dire s'il s'agit de 1403 ou 1404. Ce retable monumental mesure, ouvert, 7,60 m. Les volets extérieurs, sur lesquels apparaît l'inscription, s'ornent de quatre grandes figures de Saints. À l'intérieur, 12 panneaux et une grande image centrale racontent la vie et la Passion du Christ, depuis l'Annonciation jusqu'à la Descente du Saint-Esprit et au Christ juge trônant dans la mandorle. Une particularité mérite l'attention : alors que les quatre scènes qui occupent le volet gauche forment un tout, l'histoire se poursuit sur une double rangée allant du panneau médian au volet droit et interrompue dans sa continuité chronologique par l'image centrale représentant le Calvaire. Si les différentes scènes sont d'une qualité inégale, et si certains détails dénoncent la main d'un aide, ou révèlent un travail d'atelier, le retable n'en atteint pas moins, dans l'ensemble, à une perfection et à une finesse d'exécution fort rares en Allemagne. L'ordonnance du retable de la Passion en une image centrale encadrée, de part et d'autre, de 6 tableautins correspond parfaitement à la tradition westphalienne, comme permet d'en juger la comparaison avec l'autel de Netze (près de Bad Wildungen), qui date de 1370 env. Par opposition à ce retable encore imprégné du style médiéval allemand du XIIIe s., l'œuvre de Conrad de Soest, née d'un probable contact de l'artiste avec la peinture " moderne " franco-flamande, témoigne de l'originalité du maître. Le retable de Wildungen, qui allie le langage de son pays natal à l'esthétique de la cour de Bourgogne, constitue l'une des expressions les plus parfaites du Gothique international en Allemagne. Le refus du réel émanant de cette peinture résulte de l'extrême délicatesse de la facture et de l'habileté de l'artiste à sublimer la réalité. Dans leurs gracieux costumes de brocart et de soie aux riches ornements, les personnages semblent issus d'un monde féerique. Légers, voire fortuits, attitudes et mouvements ne laissent rien transparaître de la rigueur qui a présidé à leur ordonnance. Les visages revêtent une expression de préciosité, les gestes des mains sont affectés. Précis, le langage formel accentue les détails. Le coloris, aux gradations subtiles, a la minutie de l'enluminure. Une prédilection pour les lignes gracieuses, les drapés souples, les parures somptueuses et les costumes à la mode, un goût pour les traits annonçant les scènes de genre ou les natures mortes, tout ce qui, enfin, confère au tableau vie et brillant, caractérisent l'écriture de Conrad. L'esprit dont elle est imprégnée et diverses composantes telles que le décor architectural ou la représentation des collines, des arbres et des buissons trahissent la réceptivité de l'artiste à la peinture occidentale. La figuration de l'espace que Maître Francke devait emprunter dix ans plus tard à l'enluminure, enrichissant ainsi la peinture d'une de ses acquisitions essentielles, n'est encore qu'allusive chez Conrad. L'architecture, en effet, encadre et ordonne plus qu'elle ne suggère la profondeur. Les étroites bandes de sol demeurent assujetties aux figures, qui, seules, leur confèrent un sens et une portée. De même, les frêles silhouettes éthérées accusent non un sens plastique, mais le souci d'un art ornemental sans épaisseur qui contraste avec la facture du retable de sainte Barbe exécuté quelques années plus tard par Maître Francke.
Les vestiges d'une œuvre tardive, le grand retable de l'église Notre-Dame de Dortmund, qui date de 1420 env. (in situ), constituent le plus brillant témoignage de l'évolution artistique de Conrad de Soest. Ce retable fut démonté au XVIIIe s., ses panneaux rognés et insérés dans un cadre baroque. Du panneau central représentant la Mort de la Vierge et réduit aux deux cinquièmes de son format initial, seul subsiste le groupe principal. Les volets qui portent la Nativité et l'Adoration des mages ont été sauvegardés aux trois quarts. Ces vestiges suffisent à révéler le chemin parcouru par l'artiste depuis l'exécution de l'autel de Wildungen. Les formes ont gagné en ampleur et en fermeté, la composition est plus rigoureuse et plus dépouillée, les personnages se parent d'une majesté nouvelle. Dans les scènes, ordonnées de façon symétrique, le peintre renonce au décor architectural et au paysage, et réduit les accessoires au minimum. C'est sur les figures que se concentre désormais l'attention. Plus larges et plus puissantes, elles prennent possession de la surface. Les riches costumes des rois, les visages et les gestes laissent certes transparaître le goût de l'artiste pour une finesse caractéristique de la miniature, mais la limpidité, la sérénité et la rigueur demeurent son souci majeur. Aucun mouvement brusque ne vient interrompre cette solennelle placidité, et le coloris rayonne d'un éclat surnaturel.
Les tableaux de Conrad de Soest n'ont pas seulement influencé longtemps et en profondeur la peinture westphalienne ; leur rayonnement fut sensible dans toute l'Allemagne du Nord, jusqu'à Cologne. L'emprise de l'artiste n'a de comparable que celle qu'exerceront cent ans plus tard Schongauer et Dürer.