Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
G

Graff (Anton)

Peintre suisse (Winterthur  1736  – Dresde  1813).

En 1756, Graff quitte Winterthur pour Augsbourg, où il séjourne chez le graveur Haid jusqu'en 1757, puis de nouveau de 1759 à 1763 pour y apprendre l'art du portrait. Entre-temps, il était passé par l'atelier du peintre J. L. Schneider à la cour d'Ansbach, où il dut faire d'ennuyeuses copies de nombreux portraits, mais où il put étudier les œuvres de Kupecký et de Pesne. Ceux-ci exercèrent une influence déterminante sur sa conception du portrait. Du premier, il retint la recherche intense de la personnalité du modèle à travers des effets de clair-obscur ; du second, la sûreté d'une facture élégante et noble.

   En 1766, il est appelé à Dresde. Il y devient peintre de cour et membre de la Kunstakademie, où il enseignera l'art du portrait jusqu'à la fin de sa vie. On dénombre environ 1700 portraits de sa main. L'immense galerie de peinture le met en contact avec des chefs-d'œuvre dont il exploitera la leçon. Dresde, dont le milieu bourgeois lui convient, devient sa ville d'adoption. Anton Graff fait de nombreux voyages à Berlin, mais tous les efforts faits pour l'y attirer définitivement seront vains.

   Ses portraits cherchent à appréhender avec retenue la vérité psychologique du modèle, tout en serrant de près la réalité sensible. Représentant les personnages en buste ou à mi-corps, il détache les visages dans une forte lumière qui peut aller jusqu'au clair-obscur. Le coloris lumineux est riche de contrastes : Portrait de l'artiste Oeser (1776, musée de Strasbourg). Sachant habilement varier ses compositions, il augmente la signification expressive de ses portraits par la pose et les accessoires attribués au modèle (Portrait de Sulzer, 1771, musée de Winterthur ; le Prince Henri XIII de Reuss, 1775, Munich, Neue Pin.). En cela, il apparaît comme l'héritier du portrait " hollandais " pour toute une clientèle bourgeoise.

   Vers la fin des années 1770, sous l'influence de Greuze et des peintres anglais, comme Reynolds, il abandonne le clair-obscur néerlandais de ses débuts et sa palette se transforme : le coloris s'éclaircit et s'anime davantage, la facture gagne en liberté et il pratique de plus en plus le portrait en pied. Outre le Portrait de Frédéric II (Berlin, Charlottenburg), qui donne une vision peu conventionnelle du monarque, il peint dans une manière large un célèbre Autoportrait (1797, Dresde, Gg), l'Écrivain Kleist (1808, id.), l'Acteur Iffland dans le rôle de Pygmalion (1808, Berlin, Charlottenburg) et bien d'autres personnalités artistiques et littéraires. L'influence anglaise se fait sentir dans le Portrait de Henri XIV de Reuss (1789, musées de Berlin), nonchalamment appuyé sur sa canne, et la tendance classique domine dans le Portrait de Friederike Helldorf assise dans un bois (1803, Düsseldorf-Geresheim, coll. part.). Il subsiste un doute sur l'attribution à Graff d'une série de miniatures. Vers 1800, l'artiste se mit à peindre quelques petits paysages (Clair de lune sur l'Elbe, Dresde, Gg). Sur ses dessins à la pierre noire, relevés de craie et de fusain, les traits se répètent pour mettre en place les éléments de ses compositions : Portrait de l'artiste (1809, musée de Leipzig).

graffiti

Inscriptions ou dessins de caractère satirique ou caricatural qui figurent sur les murs des monuments de l'Antiquité. Par extension, inscriptions ou dessins griffonnés sur un mur, un monument.

   L'analyse des graffiti a apporté des renseignements précieux sur la vie quotidienne et le langage des gens du peuple. On a pu déchiffrer sur les murs de Pompéi des inscriptions politiques (électorales) avec survivance de termes osques et des caricatures concernant la vie religieuse : chrétiens représentés avec des têtes d'âne. Au XXe s., les graffiti contemporains ont intéressé nombre d'artistes, notamment, en France, Jean Dubuffet.

Graham (Dan)

Artiste américain (Urbana 1942).

Vidéaste, photographe, auteur d'études sociologiques et créateur d'aménagements scéniques et de performances, Dan Graham analyse depuis le milieu des années 60 le système de l'art dans son rapport direct avec le réel. Il réalise ainsi, entre 1965 et 1977, sur le mode du reportage, des séries de photographies sur les logements résidentiels américains, qu'il publie dans des revues d'art en évaluant insidieusement les retombées de l'esthétique moderniste dans l'architecture des habitats préfabriqués. Plus tard, se situant à la lisière entre l'architecture et la sculpture, il construit des " Pavillons " (Trois Cubes attachés III, 1985) constitués de panneaux de verre et de miroirs double face, où le spectateur se retrouve dans une position ambiguë de voyeur-vu au cœur d'un espace d'illusion. Remarqué par ses performances, installations et vidéos à la Documenta de Kassel (1972 et 1982), Dan Graham est représenté dans de nombreux musées, notamment à Paris (M. N. A. M.), Londres (Tate Gallery) et Chicago (Art Institute).

Graham (John)

Peintre américain d'origine russe (Kiev 1886  – Londres 1961).

Russe blanc d'origine aristocratique, Ivan Gratianovitch Dabrovsky (ou Dombrovsky) doit émigrer aux États-Unis en 1920, où il adopte le nom de John Graham et s'inscrit à l'Art Students League de New York. Soutenu par le collectionneur Duncan Phillips, il se consacre à la peinture dans la lignée du cubisme synthétique de Braque et de Picasso. À la fin des années 1920 il expose avec succès à New York comme à Paris. Il se livre également à des activités de conseiller et de marchand auprès de collectionneurs et d'amateurs, développant ses contacts des deux côtés de l'Atlantique. Sa grande culture dans de nombreux domaines de l'art et de la pensée, son cosmopolitisme et sa connaissance des avant-gardes européennes en font l'un des maîtres à penser d'une génération d'artistes américains qui comprend Arshile Gorky, Wilhelm De Kooning, Mark Rothko ou David Smith. Il détermine en partie la carrière de sculpteur de celui-ci en le mettant en contact avec l'œuvre de Julio Gonzalez. Il est à l'origine de la première exposition personnelle de Jackson Pollock en 1942 et lui fait rencontrer sa future compagne, le peintre Lee Krasner. En 1937 il publie à Paris et New York, en anglais, le plus célèbre de ses nombreux textes théoriques, System and Dialectics of Art, où l'on trouve par exemple la première occurrence du terme " minimalisme " pour décrire un art de " contenants minimaux dans le but de découvrir la destination ultime et logique de la peinture dans le processus d'abstraction ". À la fin de sa vie, marquée par les philosophies orientales comme par sa connaissance de l'art de la Renaissance, son œuvre redevient symboliste et figurative.