Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
I

illustration

Image liée à un texte, l'illustration tient sa place dans le livre, comme la miniature dans le manuscrit. De même que le texte imprimé sur papier permet la transmission des idées nouvelles, de même l'image sert à la diffusion des styles nouveaux. L'illustration joue donc un double rôle, documentaire et esthétique, d'autant plus que chaque siècle a vu paraître quelques livres essentiels auxquels ont collaboré les artistes contemporains les plus représentatifs.

Techniques

Bois

La gravure sur bois de fil (c'est-à-dire sur une planche taillée dans le sens des fibres du bois) a été la première employée. C'est la formule la plus typographique : l'épaisseur de la planche gravée, qui est la même que celle des caractères d'imprimerie, permet d'encrer et de tirer d'un même coup de presse l'image et le texte : d'où une parfaite homogénéité. Mais la gravure sur bois de fil manque de souplesse dans l'interprétation du modèle. De 1550 à la fin du XVIIIe s., on ne l'emploiera plus que pour les petits décors typographiques. L'invention, par l'Anglais Bewick, de la technique du bois debout (taillé perpendiculairement aux fibres), qui permettait une extrême finesse, relance l'illustration sur bois au XIXe s., jusqu'à ce que les excès de virtuosité des graveurs entraînent par réaction le retour du bois de fil (Nabis, fauves).

Taille-douce

La gravure en creux sur métal compliquait les opérations de tirage. Il fallait deux passages sous la presse, un pour le texte, l'autre pour l'image, ce qui introduisit la mode des illustrations en pleine page, en hors texte. On emploie la taille-douce à partir du XVIe s., époque où l'on veut des images documentaires précises, des portraits réalistes, des cartes géographiques ; cette technique a été employée sans interruption jusqu'à nos jours, le burin et l'eau-forte pouvant être utiliés purs, ou, plus souvent, en complément l'un de l'autre. Une variante née en Angleterre, la gravure sur acier, connut un grand succès à l'époque romantique.

Lithographie

Le dessin sur pierre lithographique, né en 1798, présente, comme la taille-douce, l'inconvénient de ne pas être une technique " typographique " ; d'où son emploi fréquent en hors texte. La lithographie est la technique préférée des peintres à cause de sa simplicité, et c'est de lithographies que seront illustrés quelques-uns des livres les plus notables du XXe s.

L'illustration en Europe

Le XVe siècle : les livres xylographiques (block-books)

Ils constituent le premier stade du livre illustré. De même style que les gravures de piété sur feuilles volantes répandues depuis la seconde moitié du XIVe s., ce sont des recueils d'images accompagnées d'un texte manuscrit ou gravé ; imprimés d'un seul côté de la page, comme des estampes, généralement tirés sur papier (quelquefois sur vélin), ils sont très largement répandus, peut-être par les monastères, et particulièrement nombreux dans les Pays-Bas et les pays germaniques. Ars moriendi, Bible des pauvres, Apocalypse, Speculum humanae salvationis sont les plus connus de ces livres édifiants. L'image en constitue l'élément essentiel ; dessins linéaires destinés à être coloriés, ce sont des œuvres anonymes, où l'on a pu quelquefois déceler l'imitation de modèles plus raffinés, manuscrits ou tapisseries. On a même suggéré le nom de Rogier Van der Weyden pour les illustrations d'un Ars moriendi. Ces incunables xylographiques ne disparaissent pas avec la venue de l'imprimerie à caractères mobiles. Leurs rééditions se poursuivent presque jusqu'à la fin du siècle.

Le XVe siècle : incunables typographiques

Pays germaniques

C'est à Bamberg, en 1461, que paraît le premier livre à texte imprimé en caractères mobiles et illustré, l'Edelstein de Boner, chez l'éditeur Pfister. Puis à Augsbourg paraissent chez G. Zainer des livres remarquables : Légende dorée (1471), Der Spiegel des Menschlichen Lebens (1477) ; à Ulm, chez J. Zeiner, des Fables d'Ésope, maintes fois reprises chez d'autres éditeurs.

   En effet, à cette époque, l'imprimeur, propriétaire de la planche gravée, la louait ou la vendait à un confrère, même lointain. On emploie ainsi à Lyon des bois de Bâle et en Angleterre des bois hollandais. À Mayence, en 1486, paraît le Voyage en Terre sainte de Breydenbach, premier livre dont on connaît l'illustrateur, Reuwich. En 1493, sont publiées les fameuses Chroniques de Nuremberg, illustrées par Michael Wolgemut. Bâle est un centre important pour l'édition dès 1473. Dürer y travaille pour la Nef des fous de S. Brandt (1494). Auparavant, il avait participé à l'illustration du Liber cronicarun (Nuremberg, 1493) et à celle du Ritter von Turn (1493).

Pays-Bas

Les principaux centres d'édition sont Louvain, où les livres illustrés apparaissent en 1475, Bruges et Gouda, où est imprimé en 1486 le Chevalier délibéré, dont les images pittoresques influenceront certains maîtres hollandais.

Italie

On y reste longtemps attaché à l'ornementation enluminée, même jointe à un texte imprimé. Les Allemands y jouent un grand rôle dans l'implantation de l'imprimerie, et c'est à l'un deux, Ulrich Hahn, qu'on attribue les figures du premier livre illustré qui y paraît en 1467 : Meditationes de Torrecremata (Torquemada), mais ces figures s'inspirent de fresques romaines. Le premier livre illustré par un Italien paraît à Vérone en 1472 : De re militari, très en avance par le style de ses images, attribuées à Matteo de Pasti. L'illustration italienne, beaucoup moins fouillée que celle des pays du Nord, se distingue rapidement par l'élégance de son style linéaire, qui s'adapte parfaitement aux nouveaux courants artistiques. Bientôt apparaissent les encadrements inspirés de l'antique : Fables d'Ésope (1487), Bible de Malermi, dont la deuxième édition (1493) présente des bordures dans le style de Mantegna. À cette époque, le livre italien a acquis son propre style, qui est raffiné et imprégné de l'esthétique humaniste. L'image y est en parfaite harmonie avec la typographie. Parmi les livres illustrés les plus fameux, on peut citer les Triomphes de Pétrarque, le Fasciculus medicinae de Ketham (2e éd., 1493) et surtout l'admirable Songe de Poliphile, publié à Venise chez Alde Manuce en 1499.

France

Les deux grands centres de l'imprimerie sont Lyon et Paris. C'est à Lyon, ville de cartiers, où sont installés de nombreux imprimeurs flamands et germaniques, que paraît en 1478 le premier livre illustré français le Mirouer de la Rédemption de l'humain lygnage, avec des planches bâloises. En 1483, l'éditeur Guillaume Le Roy commence à publier des livres illustrés par des Lyonnais. Le style est assez gauche, mais expressif et populaire. Un livre remarquable, cependant, fait exception, le Térence de Trechsel. On a pu suggérer le nom de Perréal comme illustrateur. À Lyon aussi, pour la première fois, on utilise des planches en taille-douce pour le Voyage en Terre sainte, copié sur l'édition de Mayence de 1486. À Paris, les plus anciennes illustrations connues sont celles du Missel de Jean du Pré (1481), qui publie en 1488 des Heures ornées de cuivres gravés en relief. Chez Guy Marchand en 1485 paraissent une célèbre Danse macabre, et en 1491 le Calendrier des bergers, dont les planches sont attribuées au dessinateur et graveur Jacques Le Rouge, qui est surtout fameux pour la Mer des Hystoires (1488), ornée d'illustrations en pleine page. Antoine Vérard, calligraphe et miniaturiste, joue le rôle d'éditeur d'art. Il publie près de 300 volumes ; il a surtout renouvelé la décoration des Livres d'heures, exportés et imités dans toute l'Europe, qui constituent la production la plus caractéristique de l'imprimerie parisienne.

Le XVIe siècle

Dès le début du siècle, le livre avait atteint presque partout la perfection typographique, mais la décoration, présentait plus ou moins d'aisance. Une des caractéristiques de cette époque est la multiplication des traités théoriques, notamment dans le domaine des arts.

Pays germaniques

Les éditeurs avaient accumulé des fonds importants de bois gravés, qu'ils utilisaient jusqu'à l'usure, sans grand égard pour le texte. Les plus belles éditions sont celles des textes luthériens, même les simples pamphlets. Les plus grands peintres participent à leur illustration : Hans Cranach (Passional Christi und Antechristi, 1521 ; première édition de la Bible de Luther, 1534), Hans Sebald Beham (Biblische Historien, 1533). D'autre part, Baldung illustre Granatapfel (1510) et Burgkmair collabore au Theuerdank (1517). À Francfort travaillait Jost Amman, le plus prolifique des illustrateurs germaniques. À Bâle Holbein dessinait des bois immédiatement diffusés à l'étranger ; les figures de sa grande Bible paraissent la même année à Zurich et à Lyon. C'est aussi à Lyon que paraît sa fameuse Danse des morts (1538).

Pays-Bas

Si l'illustration s'y développe plus lentement et si les graveurs sur bois y sont moins habiles, quelques livres religieux, cependant, sont remarquables, comme la Bible parue en 1528, à laquelle a travaillé Lucas de Leyde. À la fin du siècle, Anvers devient pour cent ans un des grands centres européens de l'édition grâce à l'arrivée de Plantin, qui y apporte l'esprit de la Renaissance ; son principal illustrateur est Pieter Van der Borcht.

Angleterre

Le livre y doit beaucoup à l'influence des Pays-Bas et à celle de Holbein. Le premier livre important est le Vésale de 1545, avec des figures en taille-douce. Dans la seconde moitié du siècle, les meilleurs livres illustrés sortent des presses de John Day.

Italie

L'accroissement de la production fait naître vers 1520 de grands ateliers de gravure de reproduction ; d'où une certaine baisse de qualité. Le goût du petit format entraîne un nouveau style d'illustration, que Giolito, éditeur à Venise, contribue à répandre. Le portrait-frontispice apparaît, d'abord sur bois, puis en taille-douce. On pense que Titien a dessiné celui de l'Aretin, publié en 1537.

   Les livres essentiels paraissent dans le domaine des sciences et des arts. En 1509, à Venise, est publié la Divina Proportione de Luca Paccioli, dont Léonard de Vinci aurait dessiné les figures et dont le fameux alphabet sera repris par Dürer, puis, en France, par Tory. En 1521, à Côme, paraît De architettura, libri X de Vitruve, prototype d'innombrables éditions. Il faut y ajouter les livres d'emblèmes, source inépuisable pour les artistes.

France

Le premier tiers du siècle est une période de transition, variant suivant les fonds des ateliers. Le grand théoricien de l'esthétique du livre est Geoffroy Tory, de Bourges, auteur du fameux Champfleury (1529). La page de titre commence à s'orner d'un encadrement architectural de plus en plus important. C'est dans les livres d'heures, qui, par leur énorme débit, obligeaient à renouveler les bois gravés, que se manifeste le plus rapidement l'évolution du style. Dès 1502, les Heures de Simon Vostre ont des décors à l'antique ; des Heures de la Vierge de 1524 s'ornent de scènes mythologiques. À ce courant italien se mêle une influence germanique. L'éditeur Wechsel exerce à la fois à Bâle et à Paris. À Lyon, on publie deux suites célèbres de Holbein : Images de l'Ancien Testament (1538) et les Simulacres et historiées faces de la Mort. Le milieu du siècle voit l'apogée du livre français avec le Songe de Poliphile (1546), inspiré de l'édition aldine et peut être dû en partie à Jean Goujon, qui a aussi collaboré à un Vitruve. Jean Cousin est l'auteur d'un Traité de perspective (1560) et d'un Livre de pourtraiture publié par son fils, qui influenceront des générations d'artistes. À Lyon, la taille-douce était employée pour une suite de portraits de rois (1546) dus à Corneille de Lyon et pour un livre admirable l'Apocalypse (1561), avec des planches de Jean Duvet. La fin du siècle voit se multiplier les livres techniques ou historiques illustrés souvent au burin, comme les Plus Excellents Bâtiments de France d'Androuet du Cerceau.