Steinlen (Théophile Alexandre)
Peintre et dessinateur français d'origine suisse (Lausanne 1859 – Paris 1923).
D'abord dessinateur industriel chez son oncle, à Mulhouse (1877), Steinlen vint à Paris en 1881. D'abord journaliste au Chat noir (1882-1887) —pour lequel il réalisa une décoration féline habilement ironique (Apothéose des chats, 1889) et une de ses meilleures affiches (Tournée du Chat-Noir avec Rodolphe Salis, 1896, Paris, musée des Arts décoratifs)— et au Mirliton d'Aristide Bruant (1885-1892), il a ensuite collaboré à tous les journaux qui ont lutté pour une justice sociale : le Gil Blas illustré (1891-1900), le Chambard socialiste, fondé par Gérault-Richard (1893-1895), l'En-Dehors (1894) et la Feuille (1898-1899), ces deux derniers dirigés par Zo d'Axa et où il signe " Petit Pierre ". Il participa aussi au Rire (1895-1898), à l'Assiette au beurre (1901-1905), au Cocorico et au Canard sauvage (1903). En 1910, il fonda les Humoristes avec dix amis. Il a illustré de nombreux romans, comme les Femmes d'amis de Courteline ou l'Affaire Crainquebille d'Anatole France (1901), des recueils de poèmes, comme les Soliloques du pauvre de J. Rictus (1903) ou la Chanson des gueux de J. Richepin (1910). Ses compositions pour les chansons d'Aristide Bruant (Dans la rue, 1889) sont de grande qualité. Ce fut aussi le paysagiste mélancolique de la grisaille et des ruelles sous la pluie. Ses affiches, très bien composées, montrent à la fois ses dons graphiques et la sobriété synthétique de son coloris, proche des Nabis (la Traite des Blanches, grand roman inédit par Dubut de Laforest, 1899). Elles résument son talent et sa vision du monde (la Rue, Affiches Charles Verneau, 1890, Paris, musée des Arts décoratifs). Steinlen exposa plusieurs fois à Paris (1903 et 1912), à Bruxelles (1912) et à Lausanne (1913). Un ensemble considérable de dessins de l'artiste a été donné par sa fille au cabinet des Dessins du Louvre. Le reste de l'atelier a été dispersé à Paris en 1970.
Stella (Frank)
Peintre américain (Malden, Mass., 1936).
Patrick Morgan fut le premier peintre avec lequel Stella fit ses études à la Phillips Academy (Andover, Mass.). Stella les poursuivit à Princeton University, où William Seitz et Stephen Greene enseignaient. Fortement impressionné par les œuvres de De Kooning, Kline, Gottlieb, Rothko, Motherwell et Frankenthaler, il les pasticha en quelque sorte durant sa formation, mais trouva rapidement sa propre expression.
Bien que justement considéré comme l'un des chefs de file de la nouvelle génération abstraite américaine, particulièrement intéressés par les problèmes de couleurs, Stella commença par peindre des toiles d'une rare économie de dessin et de coloris ; dès 1958, une toile comme Coney Island (Yale University, Art Gallery) limitait le tableau à une série de vives bandes parallèles au milieu desquelles était inscrit un rectangle de couleur sombre. L'année suivante, l'artiste exécuta une série de peintures noires (The Marriage of Reason and Squalor, 1959, New York, M. O. M. A.), encore plus simples d'expression : les couleurs vives des premières peintures firent place à un noir monochrome, inlassablement répété en bandes parallèles aux côtés de la toile.
Travaillant par séries, Stella posa et résolut dans chacune d'entre elles un problème nouveau. Ainsi, après avoir établi le " degré zéro de la peinture " (la simple application d'une seule couleur sur un espace quadrangulaire), il commença à varier les formes de ses toiles. Dans la série des peintures " aluminium " de 1960, les coins de la toile sont généralement entaillés, et l'image interne — de nouveau de simples bandes monochromes — s'adapte rigoureusement à la forme extérieure du tableau (Newstead Abbey, 1960, Amsterdam, Stedelijk Museum). Dans la série suivante des peintures " cuivre ", Stella libère encore plus ses tableaux du rectangle traditionnel, forçant le spectateur à regarder la peinture comme un objet, en la différenciant le plus possible du mur sur lequel elle est accrochée, (Ophir, 1960-61, Northampton, Smith College). En 1963, il réduit plus encore l'illusionnisme pictural et donne plus d'intensité à la surface même de la toile dans les (Polygones de la série " mauve " dont le centre est évidé). Parallèlement à cette recherche sur la forme du tableau et sa relation avec l'image peinte, il entreprit un travail tout aussi radical sur la couleur. Dès 1961, il peignit de larges tableaux monochromes où des bandes de couleurs primaires ou secondaires strient uniformément le champ de la toile (Benjamin Moore Séries, 1962, New York, Brooklyn Museum).
En 1966, une nouvelle série, celle des " Polygones irréguliers ", renonçait à la géométrie traditionnelle des séries précé dentes et inaugurait une liberté de formes jusqu'alors inexpérimentée. De même, les rapports de couleurs devenaient plus complexes que ceux qui avaient été établis auparavant (Union I, Detroit, Inst. of Arts). Une telle liberté de langage permit au peintre de développer dans la série des Rapporteurs et Newfoundland qui en découle, entre 1967 et 1971, un style brillant et décoratif, où ses préoccupations antérieures concernant la forme de la toile et l'interaction des couleurs trouvent des réponses toujours renouvelées et qui évoquent souvent le Matisse de la Danse de 1931 ou les grandes décorations orphiques de Delaunay (Agbatana II, 1968, Saint-Étienne, musée d'Art moderne ; Lac Laronge III, 1969, Buffalo, Albright-Knox Art Gal.).
Dans ses assemblages et collages de toile et de feutre des années 1971-1974, la combinaison d'éléments de formes irrégulières qui s'entrecroisent détermine le contour de l'œuvre (Parzeczew II, 1971, Paris, M. N. A. M.). De ces collages, Stella passe à de grands reliefs de formes géométriques puis courbes découpées dans le métal et couvertes par des gestes rapides de couleurs extrêmement vives, parfois fluorescentes et incrustées de paillettes (Brazilian series, 1974-75 ; Exotic Bird et Indian Bird series, 1976-1978). Pour ces œuvres exubérantes, Stella a souvent recours à l'agrandissement de ces appareils à dessiner les courbes qu'on appelle perroquets. Les reliefs métalliques de la série South African Mine (1982), s'étendant très en avant du mur, deviennent de véritables sculptures murales aux parties peintes réduites. Dans la série Cours et piliers (1984-1988), il établit de forts contrastes visuels entre des formes libres et des cônes et cylindres dont le volume est suggéré par le trompe-l'œil. De 1985 à 1995, Stella a développé la série Mosy Dich qui a pris la forme d'estampes, de relefs et de véritables sulptures en aluminium. Il est revenu ensuite à des tableaux plans parfois utilisés dans le cadre de commandes publiques (facade de théatre de Toronto, 1994,95). Dès 1970, Stella a bénéficié d'une rétrospective au M. O. N. A, de New York. Ses œuvres récentes ont été présentées (New York, M. O . N. A. ; Paris, M. N. A. M.), en 1987-88. Une nouvelle rétrospective a eu lieu (Madrid, Centro de Arte Reina Sofia ; Munich, Haus der Kunst) en 1995-96.