Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
S

shaped canvas

Ce terme anglo-saxon signifie littéralement " tableau découpé ". Il est utilisé au début des années 1960 pour qualifier les œuvres réalisées par le peintre américain Franck Stella. Stella y déploie une interrogation sur les formats classiques de la toile en découpant le châssis suivant le motif géométrique de la peinture. Cette approche est un maillon supplémentaire dans la recherche sur les limites du tableau adoptée par l'expressionnisme abstrait puis les peintres du Colorfield (1962). Elle abolit aussi l'historique conflit entre le dessin et la couleur en proposant de conformer les champs des formes colorées sur le découpage du châssis. En augmentant sensiblement l'épaisseur de ce châssis, elle conduit par ailleurs à s'interroger sur la perméabilité des frontières entre peinture et sculpture pour conduire aux " objets spécifiques " de Donald Judd qui animeront la réflexion du Minimal Art.

Shaw (Charles)

Peintre américain (New York 1892  – id. 1974).

Charles Shaw a effectué des études d'architecture à l'université Yale avant 1914. Après la guerre, il voyage en Europe, où il exercera une activité de poète, de romancier et de critique d'art avant de se consacrer à la peinture. Il séjourne à Londres puis à Paris dans le courant des années 20 et, à partir de 1932, il est à Paris, où il entre en contact avec les membres du groupe Abstraction-Création. Ses tableaux appartiennent alors au courant de la peinture abstraite géométrique : il en vient bientôt à réaliser ses premières compositions en forme de triptyque asymétrique, qui sont inspirées par la silhouette des gratte-ciel. Ses œuvres intitulées Plastic Polygone constituent une anticipation des châssis découpés américains des années 60. En 1936, il sera membre fondateur de l'association des American Abstract Artists (A. A. A.). Par la suite, il réalisera quelques reliefs influencés par Jean Arp.

Shee (sir Martin Archer)

Peintre britannique (Dublin 1769  – Brighton 1850).

Formé à Dublin, il arriva à Londres en 1788. Introduit par J. Burbe auprès de J. Reynolds, il entra comme élève à la Royal Academy et devint rapidement un portraitiste en vogue, peignant l'aristocratie et les membres de la famille royale : Guillaume IV (Windsor Castle ; Londres, N. P. G. et Royal Academy ; Liverpool, hôtel de ville), la Reine Victoria (Londres, Royal Academy). A. R. A. en 1798, R. A. en 1800, il succéda à Lawrence comme président de la Royal Academy en 1830, jouant un rôle important dans l'action menée vers cette époque par le gouvernement pour la protec tion officielle des arts picturaux. C'est ainsi qu'il obtint le maintien des privilèges de l'Academy lors de son transfert temporaire de Somerset House à la N. G., en 1837. Il sut également défendre l'institution contre les attaques venues de la Chambre des communes. Il est particulièrement bien représenté à Londres, à la Royal Academy (le Fils du peintre, Henry Thomson), à la N. G. (William Thomas Lewis, Thomas Morton) et surtout à la N. P. G. (nombreux tableaux, dont un Autoportrait, 1794), ainsi qu'à York, à la City Art Gal. (Sir William Roscoe), à Adélaïde, à l'Art Gal. of South Australia (le Major O'Shea) et à Liverpool, à la Walker Art Gal. (Peter Atkinson).

Sheeler (Charles)

Peintre américain (Philadelphie 1883  – Dobbs Ferry, New York, 1965).

Il incarne, plus que Charles Demuth, le type du peintre précisionniste américain. Après une solide formation à la plus ancienne école d'art des États-Unis, celle de Pennsylvanie, il voyage à Londres, aux Pays-Bas et en Espagne avec son professeur William Merritt Chase en 1904 et 1905. En 1909, il visite l'Italie et Paris, où il séjourne en compagnie de Morton Schamberg et y découvre l'art de Matisse, de Picasso et de Braque. Il expose en 1913 à New York à l'Armory Show et commence ses propres travaux de photographe, qui vont stimuler la formation de son style, où les motifs industriels seront d'abord transformés en images semi-abstraites (Abstraction de granges, 1918, Philadelphie, Museum of Art). Il connaît alors Marcel Duchamp, Francis Picabia, est lié au cercle de Walter Arensberg et après la guerre, tout en continuant à réaliser des photographies qui font de lui l'un des maîtres américains de ce médium — il publie dans Vogue et Vanity Fair —, il réalise ses premières compositions originales, qui s'imposent par leur sujet, dont l'iconographie est empruntée au monde moderne (Skyscrapers, 1992, Washington, The Phillips Collection) et en particulier à celui de la machine, et leur facture réaliste impeccable. Son Autoportrait (1923, New York, M. O. M. A.) montre seulement un combiné téléphonique posé sur le rebord d'une fenêtre. En 1929, il retourne en France pour réaliser un reportage photographique sur la cathédrale de Chartres. Il participe à Stuttgart à l'exposition du Deutscher Werkbund, " Film und Foto ", et à son retour peint son plus célèbre tableau, Pont supérieur (1929, Cambridge, Mass., Fogg Art Museum, Harvard University), qui est le symbole même du Precisionism américain par son sujet machiniste, l'exactitude de son rendu, la qualité de sa facture et le raffinement de sa gamme de gris. Ce tableau, qui reprend l'idée du Pont du bateau de Gerald Murphy, montre bien les rapports qui peuvent être établis entre le Precisionism et le Purisme français. Dans ses compositions, nulle présence humaine, mais la volonté de rendre compte du monde moderne par le traitement objectif des paysages (Paysage classique, usine à River rouge, 1932, New York, Whitney Museum of American Art). Son tableau Puissance en marche (1939, Smith College Museum of Art, Northampton, Mass.) représente un thème classique de l'exaltation du machinisme : des roues et des bielles de locomotive représentées avec la précision de la photographie combinée à celle du dessin industriel. Charles Sheeler est notamment représenté à New York, au M. O. M. A., au Metropolitan Museum et au Whitney Museum of American Art et dans de nombreux musées américains.

Sherman (Cindy)

Artiste américaine (Glenn Ridge, New Jersey, 1954).

Après des études à State University College de Buffalo, Cindy Sherman s'installe à New York. Depuis 1975, inlassablement, elle prend sa propre image comme sujet, à la fois acteur et metteur en scène, s'interrogeant sur le pouvoir de la représentation humaine. Sa première série de photographies, réalisée de 1977 à 1980, " Untitled film still ", inspirée par les films américains de série B, la présente, en petit format, en starlette, étudiante ou ménagère, femme de la middle class américaine prise dans des intérieurs ou des paysages typiques du monde américain. À partir de 1980, elle réalise des images en couleurs (de plus grande dimension, dès 1981) mettant l'accent, dans des cadrages plus réduits, sur le visage. À une série de portraits allongés, accentuant les jeux de lumière, succèdent des plans de visages. En 1983, pour la revue Interview, elle exécute des photos de mode parodiques. À partir de 1984, le caractère dramatique des sujets s'intensifie, accentuant la valeur psychologique de sentiments, comme l'angoisse, la peur ; il s'intègre en 1985-86 dans un univers de rêve et de cauchemar, forçant les aspects monstrueux du visage, soutenu par l'usage d'accessoires, cornes, oreilles de diable et un maquillage outrancier. En 1987, elle exécute des natures mortes souvent ignobles avec des immondices et des déchets et où le visage n'apparaît plus que sous forme de substitut : habit, lunette ou perruque. Plus récemment elle se métamorphose en personnage de la période révolutionnaire dans la série, " Citoyens-Citoyennes " (1989). Son œuvre a fait l'objet d'expositions en 1987 au Whitney Museum de New York, en 1989 au musée de La Roche-sur-Yon, et au Kunstmuseum de Lucerne en 1996.