Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
V

Vecchia (Pietro Muttoni ou Pietro della)

Peintre italien (Vicense 1603  – Venise 1678).

Formé par Padovanino dans la tradition de Titien, il s'initia dès ses débuts aux innovations caravagesques à travers Fetti, Strozzi et Saraceni. Longtemps connu seulement comme expert et restaurateur de peintures anciennes ainsi que comme imitateur de Giorgione, il fait figure aujourd'hui moins de pasticheur que d'interprète " baroque " de thèmes anciens dans un sens grotesque ; il exploite à cet effet une touche libre fortement colorée et un violent clair-obscur. Artiste au talent divers, assez proche d'un Claude Vignon, surtout connu pour ses Hommes d'armes habillés à la mode du XVIe s. et pour ses portraits de caractère (Portraits de guerrier, Dresde, Gg), il se révèle parfois un portraitiste pénétrant (Portrait d'Erhard Weigel, 1649 New York, anc. coll. Chrysler) et montre la même veine satirique dans ses peintures mythologiques et sacrées, avec parfois un goût pour l'étrange et le macabre (Épisode de la vie de saint François Borgia, musée de Brest).

   Il fut en fait l'un des grands fournisseurs en compositions religieuses des églises vénitiennes, donnant des cartons pour les mosaïques de Saint-Marc (1640-1677) et surtout de grandes toiles très colorées (Crucifixion, Venise, S. Lio ; Martyre de saint Laurent, Martyre de saint Étienne, Martyre de saint Sébastien, Trévise, Museo Civico, provenant de la suite, en partie disparue, des sept toiles de S. Teonisto de Trévise). Épigone lointain de Caravage et peintre très productif, il est plus proche du Baroque spectaculaire et fantastique de Maffei sans qu'il atteigne jamais à son pouvoir poétique.

Vecchietta (Lorenzo di Pietro, dit il)

Peintre et sculpteur italien (Castiglione d'Orcia, près de Sienne, 1410  – Sienne 1480).

Sculpteur vigoureux en même temps que peintre, Vecchietta, comme Sassetta, fut l'introducteur au sein du goût siennois d'éléments florentins. Cette trace persiste lorsqu'il force avec une tension toute gothicisante son expressionnisme, faisant ainsi revivre les anciens caractères de l'école locale. Déjà influencé par les sculptures que Donatello avait laissées au baptistère de Sienne (1427), Vecchietta doit son goût toscan à l'expérience décisive que fut sa collaboration avec Masolino da Panicale aux fresques du baptistère de la collégiale de Castiglione Olona (Ensevelissement de saint Étienne et Ensevelissement de saint Laurent) ; il acheva la voûte du chœur avec Paolo Schiavo et travailla au palais Castiglioni avec Masolino. De retour à Sienne, où il est mentionné en 1439, il enrichit cette culture d'une exagération plastique des effets perspectifs florentins, comme en témoigne la très belle fresque de la salle des Pèlerins de l'hôpital S. Maria della Scala (1441, la Scala del Paradiso). Pour le même hôpital, il peint ensuite les portes de l'armoire aux reliques (1445, Scènes de la Passion ; Saints et Bienheureux ; Sienne, P. N.) et les fresques de la sacristie (1446-1449).

   Il atteint le sommet de son activité de fresquiste dans la décoration de la voûte du baptistère du dôme avec les Articles du Credo (1450-1453). Parmi ses œuvres sur panneaux, peu nombreuses, il faut citer au moins le retable signé et daté de 1457 de Monteselvoli (Florence, Offices), le grand triptyque avec l'Assomption et des Saints (1461, Pienza, dôme), la " pala " avec la Madone et des saints et l'Annonciation (autref. au Spedaletto ; auj. au musée diocésain de Pienza), œuvre peinte v. 1460 et dans laquelle prévaut une recherche vigoureuse d'illusion plastique.

Vedder (Elihu)

Peintre américain (New York 1836  – Rome 1923).

Il était le descendant d'immigrés hollandais. Il étudia d'abord à New York, dans l'atelier du peintre de genre Tomkins H. Matteson (1813-1884), puis partit pour l'Europe (1856-1861). Il y fut l'élève de Picot, à Paris, avant de se rendre à Florence puis, plus tard, à Düsseldorf. Il revint s'établir à New York, exposant des paysages d'Italie et exécutant, pendant la guerre de Sécession, une série de peintures aux sujets mystérieux et à tonalité orientalisante, favorablement accueillies dans les cercles littéraires où Vedder, ami de W. M. Hunt et de J. La Farge, était introduit (The Questions of the Sphinx, 1863, Boston, Museum of fine Arts ; The Lair of the Sea-Serpent, 1864, id. ; The Last Mind, 1864-65, New York, Metropolitan Museum). Il s'établit en Italie après 1866, mais revint fréquemment aux États-Unis pour réaliser les travaux qui lui étaient commandés : décorations murales au Bowdoin College, dans le Maine (1894) ou pour la bibliothèque du Congrès à Washington (1896-97). Vedder était en effet devenu célèbre par ses illustrations des Rubáiyát d'Omar Khayyám (1884), où se manifestent ses tendances symbolistes. Par son style, il est proche des précurseurs anglais de l'Art nouveau, comme W. Crane ou Burne-Jones.

Vedova (Emilio)

Peintre italien (Venise 1919-id. 2006).

Autodidacte, il se lie au groupe Corrente. Dès ses premières œuvres, encore figuratives mais déjà marquées par une forte tendance expressionniste, Vedova parvient aux confins de l'Abstraction : l'Operaio (1942). En 1952, il fait partie du Gruppo degli Otto. La peinture gestuelle américaine — celle de Pollock en particulier — joue un rôle primordial dans sa conquête d'un langage abstrait fondé sur l'exaspération expressive des signes et sur le caractère dramatique immédiat d'une peinture presque monochrome, mais fortement contrastée en noirs et blancs (Europe, 1950, Venise, G. A. M. Ca'Pesaro). La peinture de Vedova, issue d'une nécessité de transcription directe de l'émotion de l'artiste comme d'un engagement moral et politique précis, est ainsi l'une des plus significatives de l'Expressionnisme abstrait. La " protestation " sociale va se trouver au centre de son inspiration à partir de 1952 (Cycle de la protestation, 1956) Il a eu l'occasion de collaborer avec le compositeur Luigi Nono (Intolérance 60) dans le cadre d'une tentative de " théâtre politique ". Dans les Plurimi (Pluraux), compositions-objets construits en plusieurs dimensions, le chromatisme, plus riche, et la complexité de l'ordonnance l'emportent sur le caractère synthétique des œuvres précédentes. Depuis 1960, l'aspect gestuel de sa facture s'est accentué et ses compositions sont devenues plus expressives et informelles, provoquant dans les années 80 un regain d'intérêt pour son œuvre de la part de la critique, ce dont témoigne l'exposition que le Stedelijk Van Abbemuseum d'Eindhoven lui a consacrée en 1982. D'autre part, Vedova a participé à la Biennale de Venise de 1948 ainsi qu'à celle de 1986 et aux manifestations internationales les plus importantes. Ses œuvres sont conservées dans les principaux musées d'art moderne italiens ainsi que dans ceux de Berlin, des Pays-Bas, de New York, de São Paulo et de Jérusalem.